par Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis
L’évolution du nombre de chômeurs de catégorie A semble relativement erratique depuis quelques mois. Si la tendance semble bel et bien s’infléchir, nous pensons qu’il est toutefois largement prématuré d’anticiper, à l’horizon de prévision, un véritable retournement du marché du travail français. Confrontées à un choc de productivité sans précédent et encore très endettées, les entreprises françaises devraient continuer de privilégier la reconstitution de leurs capacités d’autofinancement.
Pour la deuxième fois en trois mois, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a sensiblement baissé en France métropolitaine (-8,6K en juin, après -6,6K en mars dernier). Depuis l’entrée en récession de l’économie française et le retournement quasi-simultané du marché du travail (T2 2008), le nombre de chômeurs de catégorie A n’avait pourtant pas cessé d’augmenter, exception faite du mois de juin 2009 où les entrées nettes en catégorie A s’étaient affichées en territoire légèrement négatif (-4,6K) en raison d’un accroissement très significatif du nombre de radiations1.
Doit-on voir dans ces évolutions récentes les prémisses d’une inversion de tendance sur le marché du travail français et/ou un signe de la robustesse de la reprise engagée il y a maintenant près d’un an ?
Une baisse du chômage en trompe l’œil
La baisse du chômage enregistrée en juin n’apporte que peu de motifs de satisfaction, la seule bonne nouvelle étant à vrai dire le recul (-1,4%) du chômage des jeunes (< 25 ans). Plusieurs facteurs incitent en revanche à la plus grande prudence dans l’interprétation de ces chiffres :
- Tout d’abord, la hausse des chômeurs de catégorie B et C recensée sur le mois (+24,2K) compense très largement la baisse enregistrée dans la catégorie A, si bien que le nombre total de chômeurs en recherche active d’emploi augmente en réalité de 15,6K sur le mois2. Sur l’ensemble des catégories A, B et C, le nombre de demandeurs d’emploi n’a pas baissé depuis mai 2008.
- La durée moyenne du chômage et la part du chômage de longue durée continuent d’augmenter très vivement, ce qui n’est pas sans risque pour l’employabilité des publics concernés.
- Le ralentissement des flux nets de demandeurs d’emploi observé ces derniers mois tient essentiellement à la reprise de l’emploi intérimaire, notamment dans l’industrie et les services. Plutôt qu’un indicateur avancé d’une éventuelle reprise de l’emploi pérenne3, il nous semble qu’il faille davantage interpréter ce rebond comme le reflet des très fortes incertitudes qui pèsent à moyen terme sur l’activité.
Dans la mesure où nous tablons toujours sur un essoufflement de l’activité et des échanges au second semestre 2010 et étant donné l’impact probable de l’ « austérité » budgétaire programmée en France à partir de 2011, il nous semble particulièrement hasardeux d’anticiper un retournement du marché du travail à cet horizon4.
Nous maintenons par conséquent nos prévisions d’emploi/chômage pour 2010 et 2011 (-0,5% en moyenne chaque année, pour un taux de chômage proche de 11%, DOM inclus, fin 2011). Ces prévisions sont optimistes dans la mesure où, contrairement à ce qui peut s’observer outre-Atlantique, elles ne supposent pas un « sur-ajustement » de la productivité.
NOTES
- Plus précisément de « cessations d’inscriptions pour défaut d’actualisation » (+30K). Voir Special Report n° 2009-226 : « France : la baisse du nombre de chômeurs est anecdotique».
- Les catégories A, B et C regroupent les chômeurs en recherche active d’emploi, respectivement sans emploi, en activité réduite courte et en activité réduite longue
- Ce que signale traditionnellement une reprise de l’emploi intérimaire.
- Ce qui parait naturel dans la mesure où la croissance devrait s’afficher durablement sous son potentiel.