par Olivier Bizimana, économiste au Crédit Agricole
Contre toute attente, l’activité en France a rebondi au deuxième trimestre 2009. La première estimation du PIB est ainsi ressortie à +0,3 % t/t (contre -0,3 % t/t attendu par le consensus).
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si ce mouvement traduit un rebond technique ou l’amorce d’une reprise plus pérenne de la croissance française ? Pour répondre, les composantes des comptes nationaux et les résultats des enquêtes de confiance permettent de se faire une idée sur les tendances à l’œuvre à court terme.
Les moteurs du rebond de la croissance au deuxième trimestre semblent difficilement extrapolables. L’activité a été essentiellement tirée par le commerce extérieur. La reprise des exportations résulte d’un effet de complémentarité technique favorable à court terme (automobile et composantes) qui n’est pas appelé à durer, car il dépend des plans de relance (primes à la casse) mis en œuvre chez nos partenaires commerciaux.
Les enquêtes de confiance, publiées cet été, suggèrent que le climat des affaires a continué à s’améliorer. Le redressement des principales composantes des enquêtes (commandes, perspectives de production) indique que des facteurs techniques pourraient encore soutenir la croissance française, au moins au troisième trimestre (reconstitution des stocks).
A court terme, l’horizon économique et financier semble se dégager. A moyen terme (au-delà de 2010), la situation est plus qu’incertaine, en raison surtout (1) de l’ampleur du choc subi par les économies depuis plus de deux ans ; et (2) de la nécessaire inversion de l’orientation des politiques économiques mises en œuvre pour combattre la crise. En somme, la durabilité de la reprise actuelle est loin d’être acquise.
Des moteurs de la croissance très fragiles
Le détail des comptes nationaux indique que les moteurs de la croissance sont encore très fragiles.
Le rebond de l’activité est essentiellement imputable à l’amélioration du solde du commerce extérieur (contribution de 0,9 point à la croissance). Après quatre trimestres consécutifs de baisse, les exportations se sont redressées (+1 % t/t), en particulier sous l’effet des exportations d’automobiles stimulées par les primes à la casse chez nos principaux partenaires commerciaux (Allemagne et Italie notamment). En même temps, les importations ont continué de baisser (-2,3 % t/t).
La demande domestique (hors stocks) a certes contribué positivement à la croissance (+0,1 point), mais elle reste faible. La consommation des ménages a légèrement accéléré (+0,3 % t/t), grâce à l’augmentation des achats d’automobiles soutenus par la prime à la casse du plan de relance français.
En outre, le rythme de baisse de l’investissement s’est ralenti (-1 %), en particulier celui des entreprises non financières (-0,9 % t/t). Enfin, les variations de stocks ont encore pesé sur la croissance du trimestre (-0,6 point).
Des facteurs de soutien techniques à court terme
La croissance française a tout lieu de rester positive au-delà du deuxième trimestre. Les enquêtes de confiance, sorties cet été, suggèrent que le climat des affaires a continué à s’améliorer au troisième trimestre. Les enquêtes de la Commission européenne montrent ainsi que le redressement de la conjoncture industrielle se poursuit, sous l’effet d’une amélioration des perspectives de production et une normalisation des stocks. Les carnets de commandes et les perspectives d’exportation se sont également redressés. Ceci est compatible avec l’amélioration de la conjoncture industrielle observée chez nos principaux partenaires commerciaux européens, notamment l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni. Les enquêtes PMI envoient le même message de redressement de la conjoncture dans l’industrie manufacturière.
La situation conjoncturelle des autres secteurs, en particulier des services, tend également à s’améliorer, même si elle reste faible.
En somme, le redressement des principales composantes des enquêtes de conjoncture suggère que des facteurs techniques devraient soutenir la croissance française, au moins au troisième trimestre :
- Les entreprises reconstituent leurs stocks (cf. graphique) ;
- La croissance des exportations devrait rester positive, les carnets de commandes à l’exportation s’étant regarnis ;
- La baisse de l’investissement continuera à se modérer, les perspectives de demande s’étant légèrement améliorées, au moins à court terme.
France: ajustements des stocks
Le contexte économique et financier : l’incertitude domine
A court terme, l’horizon du contexte économique et financier semble se dégager. Mais les conditions d’une reprise pérenne de la croissance sont-elles pour autant remplies ?
A moyen terme (au-delà de 2010), la situation est plus qu’incertaine, en raison surtout (1) de l’ampleur du choc subi par les économies depuis plus de deux ans ; et (2) de la nécessaire inversion de l’orientation des politiques économiques mises en œuvre pour combattre la crise.
Le tableau ci-dessous esquisse quelques hypothèses quant aux effets favorables/défavorables du contexte économique et financier sur l’économie française à un horizon de court terme (six mois) et de moyen terme. Les conclusions qui peuvent en être tirées sont les suivantes :
- La reprise de l’activité repose sur des facteurs temporaires dont les effets devraient finir par se dissiper. La reconstitution des stocks attendue au troisième trimestre devra à un moment se terminer. Vu l’ampleur de la dégradation des finances publiques en France, et chez nos principaux partenaires commerciaux, les mesures des plans de relance devront être arrêtées pour ramener les finances publiques sur une trajectoire soutenable. Les dispositifs des primes à la casse, qui ont tenu le secteur automobile et la consommation des ménages depuis le début de l’année, vont ainsi se terminer à la fin 2009 en France. Chez nos partenaires commerciaux ce type de dispositif ne devrait pas être reconduit (l’Allemagne prévoit d’arrêter une fois que l’enveloppe des 5 Mds € sera utilisée).
- Plus globalement, les impôts devront être relevés et/ou les dépenses publiques réduites afin d’assurer la soutenabilité des finances publiques. Ceci pèsera sur la demande domestique.
- La croissance générée à court terme ne sera pas non plus suffisante pour stimuler l’emploi. Le décalage entre la croissance et l’emploi devrait entraîner des gains de productivité. Les informations tirées des enquêtes de conjonctures de la Commission européenne (ratio production anticipée/intentions d’embauches) suggèrent que les gains de productivité pourraient être plus importants que ceux observés lors des cycles de productivité antérieurs. Ceci devrait permettre une reconstitution de la profitabilité des entreprises, et une stabilisation de l’emploi, mais à un bas niveau. Le risque est donc d’avoir une croissance faible sans emploi, et une consommation domestique déprimée.
- A court terme, la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) reste très accommodante (taux bas, injections de liquidité, achats de titres) et les taux réels resteront encore très bas avec la remontée prévisible de l’inflation en fin d’année 2009. Cela dit, le financement des agents restera difficile, en raison de l’augmentation du coût du risque (vigilance des banques, prime de risque action, spreads obligataires) par rapport à la pré-crise. Une détente des conditions de financement semble difficilement envisageable, tant que la situation économique et financière n’est pas complètement stabilisée.
- L’environnement extérieur s’est amélioré à court terme, grâce à la reconstitution des stocks et aux effets des plans de relance (en Asie notamment et plus particulièrement en Chine). Cependant, du fait du poids important des Etats-Unis, le redressement de son économie reste la condition nécessaire à toute reprise durable de la croissance mondiale. Or, si l’ampleur du stimulus budgétaire aux Etats-Unis laisse penser que les dépenses publiques vont continuer à soutenir l’activité encore en 2010, au-delà, la situation paraît plus délicate. Un raffermissement de l’activité dépendra du comportement du consommateur américain qui reste difficilement prévisible dans le contexte actuel (arbitrage épargne/consommation et désendettement). Les stratégies de sortie des politiques monétaire et budgétaire joueront également un rôle important dans le rééquilibrage des moteurs de la croissance aux Etats-Unis.
Conclusion : une amorce de reprise dont la durabilité n’est pas acquise
Le redressement de la confiance, les facteurs techniques (reconstitution des stocks) et les mesures des plans de relance à la fois en France et chez nos partenaires commerciaux, laissent penser que l’activité continuera à progresser à court terme. Ces effets stimulants devraient toutefois finir par se dissiper. La dégradation du marché du travail constitue le facteur domestique le plus sérieux risquant de compromettre une reprise durable de l’économie française. Enfin, l’orientation des politiques budgétaires devra, tôt ou tard, être inversée pour ramener les finances publiques sur une trajectoire soutenable. La demande domestique devra alors prendre le relais, ce qui n’est pas assuré. Ceci est valable pour la France, et plus généralement pour l’ensemble des pays développés.