par Werner Perdrizet, économiste au Crédit Agricole
Les enquêtes du climat des affaires et auprès des ménages ont regagné du terrain en mars. ce rebond corrige sans doute un excès de pessimisme avec un contexte conjoncturel finalement moins dégradé qu’anticipé.
Leurs anticipations sont justement à la hausse, les perspectives d’activité jugées en cours d’amélioration. Mais compte tenu du climat d’incertitude ambiant, ces améliorations doivent être interprétées avec prudence. L’activité reste affectée par de nombreux freins qui brident les dépenses des ménages et des entreprises.
A l’amélioration des enquêtes en mars, s’ajoute un fort rebond de la consommation en biens des ménages en février. Celui-ci est largement imputable à la forte progression des dépenses énergétiques compte tenu de la vague de froid qui s’est abattue sur la France début février. Une correction est donc probable en mars et devrait faire replonger la consommation dans le rouge en fin de trimestre.
Les dernières données conjoncturelles font état d’un net redressement de la confiance des agents et d’un rebond inattendu de la consommation en biens. L’apaisement sur le front de la crise des dettes souveraines pourrait expliquer ce regain de confiance. Les composantes anticipations s’inscrivent en hausse, ce qui normalement témoigne d’un regain d’optimisme quant aux perspectives économiques. Toutefois, en niveau, les indices synthétiques Insee restent significativement éloignés de leur moyenne de long terme. L’état de confiance reste donc dégradé et son évolution future encore incertaine. De nombreux éléments continuent à fragiliser les entrep3r5ises et les ménages. Dans ce contexte, la forte progression de la consommation en biens en février apparaît surprenante mais elle est en partie reliée à des facteurs temporaires.
Entreprises : Climat des affaires à la hausse
Les enquêtes Insee auprès des chefs d’entreprises du mois de mars ont révélé une nette amélioration du climat des affaires (+4 pts à 95). A l’exception du bâtiment (-1 pt), l’ensemble des autres secteurs ont participé à cette hausse (services +2 pts; industrie +3 pts ; commerce de détail +4 pts; commerce de gros +6 pts). Ces résultats sont, néanmoins, à interpréter avec prudence. L’écart par rapport à la moyenne de long terme (100) de certains secteurs reste, en effet, très importante (services à 93, commerce de détail à 94). A l’inverse, l’industrie (à 96) et le bâtiment (à 98) tendent à s’en rapprocher. Seul le commerce de gros (à 100) a de nouveau retrouvé ce niveau de référence.
Paradoxalement, les enquêtes PMI auprès des directeurs d’achat des entreprises ont, elles, perdu du terrain ; l’indice composite (services + industrie) de l’activité en mars recule de 1,2 point à 49. Ce niveau suggère, ce qui est aussi le cas pour les enquêtes Insee, une légère contraction de l’activité sur le mois et non plus une relative stabilisation comme en février. Les composantes d’anticipation envoient en revanche un message univoque avec des orientations positives au niveau de ces deux enquêtes. Les perspectives de production dans l’industrie de l’enquête Insee ont gagné 7 points et repassent au-dessus de leur moyenne de long terme. Les perspectives d’activité dans les services de l’enquête PMI ont augmenté de 4,4 points à 65,5 soit nettement au deçà du seuil d’expansion de 50. Dans l’ensemble, ces résultats sont cohérents avec un recul modéré de l’activité au début de l’année suivi d’une reprise graduelle au cours des prochains trimestres.
Ménages : Un moral réajusté !
Au redressement constaté du climat des affaires s’est ajoutée une nette amélioration du moral des ménages. En mars, l’indice synthétique de confiance Insee a gagné 5 points à 87.
La plupart des composantes de l’indice ont participé à cette remontée et en particulier celles rattachées aux anticipations des ménages. Leur opinion sur leur situation financière future et le niveau de vie en France ont ainsi progressé de respectivement 7 points (à -18) et 12 points (à -39). Ceci contraste avec nos prévisions d’évolution du pouvoir d’achat. Ce dernier reculerait au deuxième trimestre avant de se redresser légèrement en seconde partie d’année, soit une quasi-stabilisation en moyenne sur l’année.
Ceci s’expliquerait en partie par un ralentissement des revenus nominaux en lien avec la modération salariale mais aussi par la ponction exercée par une inflation plus élevée qu’anticipé (+2,3% a/a en février). Dans sa dernière note de conjoncture, l’Insee a ainsi révisé à la hausse ses prévisions d’inflation à 2,2% a/a en juin contre +1,4% a/a anticipé à cet horizon en décembre. La remontée des cours du pétrole, en poussant à la hausse les prix énergétiques, explique principalement cette résistance de l’indice des prix à la consommation. Les ménages semblent avoir néanmoins conscience de ce phénomène : l’indice sur leurs perspectives d’évolution des prix s’est détérioré de 8 points à -22.
Par ailleurs, les ménages sont devenus un peu moins pessimistes quant aux perspectives d’évolution du chômage (-6 points à 57). Ceci contraste avec nos propres anticipations d’une remontée tendancielle du chômage au cours des prochains trimestres. A 9,4% au quatrième 2011, celui-ci progresserait jusqu’à atteindre 9,8% fin 2012. Toutefois, les ménages anticipent toujours un chômage élevé, vu le niveau de l’indice, et la décrue récente s’assimile davantage à la correction d’un excès de pessimisme. Un réajustement a également été à l’œuvre pour la plupart des autres composantes de l’indice. La nette progression sur le mois de l’indice de confiance ne doit pas en effet masquer un niveau toujours très bas, inférieur de 13 points à sa moyenne de long terme (100).
Ménages : La consommation en biens rebondit
Outre une relative amélioration de la confiance, les dernières données d’activité sur la consommation des ménages ont fait part d’un net rebond de leurs dépenses en biens au cours du mois de février. Celles-ci progressent de 3% sur le mois contre une baisse de 0,4% en janvier. Ce bon résultat de la consommation est néanmoins à prendre avec précaution. Celui-ci est imputable pour les deux tiers à la forte progression des dépenses énergétiques (+11,7% m/m), compte tenu de la vague de froid qui s’est abattue sur la France début février. Une correction de large ampleur pourrait se matérialiser en mars notamment du fait de températures bien au-dessus des normales saisonnières. La consommation en biens devrait ainsi nettement baisser le mois prochain.
Le profil de consommation s’en retrouverait modifié. Leurs dépenses progresseraient à un rythme plus fort qu’anticipé au premier trimestre (progression de l’ordre de 0,2%) et, à l’inverse, subiraient un certain contrecoup au deuxième trimestre (proche de 0%). Le repli du PIB pourrait donc être moins marqué en début d’année mais, en contrepartie, la reprise serait plus faible par la suite. Ce profil pourrait conduire à une légère révision en hausse de la croissance annuelle moyenne en 2012, prévue actuellement à 0,2%.