par Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis
Le projet de loi de finances pour 2014 présenté mercredi en Conseil des Ministres n’a pas réservé de surprise particulière. L’objectif de déficit public pour l’an prochain est le même que celui qui avait été annoncé il y a quelques semaines (3,6% du PIB), en ligne avec le délai accordé par la Commission Européenne au printemps dernier (retour aux 3% en 2015). La trajectoire pluriannuelle de finances publiques devrait donc être ajustée du nouvel objectif pour 2014 et le retour à l’équilibre budgétaire, au sens strict, confirmé pour l’après-2017 – l’objectif d’équilibre structurel étant toutefois maintenu pour la fin de la législature. Le ratio de dette publique atteindrait ainsi son maximum en 2014 (95,1% du PIB1) avant de décroître de 4 points de PIB à l’horizon de prévision (91,0% du PIB en 2017).
Conformément aux engagements pris dans le cadre du dernier programme de stabilité (2013-2017), la réduction du déficit public français passera dorénavant essentiellement par une intensification de l’effort structurel en dépenses (à hauteur de 80% de l’effort structurel total) et non par la hausse des prélèvements obligatoires. Pour rappel, ceux-ci devraient avoir augmenté d’un point en 2013, à 46% du PIB. A 46,1% du PIB en 2014, le taux de prélèvements obligatoires se stabiliserait deux points au-dessus de son niveau d’avant-crise – avant de décroitre (très) légèrement à l’horizon 2017. La hausse de la pression fiscale sera uniquement supportée par les ménages l’an prochain, le taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises restant stable – hors CICE – à 14,5% (en baisse de 0,5 point en incluant le CICE).
Côté dépenses, l’effort structurel sera principalement concentré sur l’Etat (à hauteur des deux tiers) et consiste, pour l’essentiel, en la reconduction ou le renforcement des règles et principes adoptés par la précédente majorité. La norme « zéro valeur » est ainsi sensiblement durcie, les dépenses de l’Etat sur ce périmètre devant baisser de 1,5 Mds EUR en 2014 (soit une économie budgétaire, au regard de leur évolution tendancielle, de 8,5 Mds EUR). Côté dépenses des administrations de sécurité sociale, l’économie de 6 Mds EUR prévue pour 2014 serait principalement réalisée via le respect d’un ONDAM2 toujours plus ambitieux3 (2,4% en 2014) et les premiers effets de la réforme des retraites dont l’examen au Parlement débutera début octobre. Au niveau agrégé, les dépenses publiques ne devront pas augmenter de plus de 0,4% en volume afin de respecter l’objectif, soit une performance seulement très ponctuellement réalisée par le passé.
Alors que l’effort que mènera l’Etat devrait lui permettre d’atteindre peu ou prou l’objectif fixé, le risque de dépassement de la norme d’évolution des dépenses de l’ensemble des administrations publiques nous semble essentiellement logé dans les dépenses locales et de sécurité sociale. Le très fort ralentissement des dépenses programmé dans les collectivités locales nous parait en effet difficilement compatible avec le rythme de progression observé ces dernières années, et ce même si le cycle électoral s’y prête davantage (élections municipales au printemps 2014). Côté sécurité sociale, les destructions d’emplois et la hausse du chômage que nous prévoyons dans notre scénario central rendent l’hypothèse d’un ralentissement prononcé des dépenses d’assurance chômage plutôt optimiste.
C’est toutefois au niveau des recettes que se situe le principal risque de dérapage budgétaire, dans la mesure où la nécessaire restauration des marges des sociétés non financières (même en tenant compte du CICE) plaide pour une atonie durable de la masse salariale. Compte tenu de l’ensemble des mesures annoncées, nous révisons au final notre prévision de croissance pour 2014 à 0,6%, soit 0,3 point de moins que la prévision gouvernementale. Dans ces conditions, le déficit public serait proche de 3,6% du PIB (3,7% du PIB selon nous), le très léger dérapage que nous prévoyons étant essentiellement imputable aux administrations de sécurité sociale dont l’amélioration du solde paraît incertaine dans le cadre d’un scénario de progression – certes ralentie – du chômage et de partage des revenus défavorable aux salariés. Par écart au déficit stabilisant, et en intégrant le soutien financier à la zone euro (+0,3 pt de PIB dans le PLF) le ratio de dette publique progresserait de 2,1 points, à 95,5% du PIB. Notre scénario à plus long terme suggère que la dette ne décroîtrait pas à partir de 2015 mais continuerait de progresser pour « tangenter » les 100% du PIB en 2017.
NOTES
- Incluant les prêts et les versements en capital aux mécanismes de secours européens (ESM…).
- Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie
- Mais que la sous-exécution observée depuis quatre ans tend à crédibiliser.