France : un budget sans surprise

par Camille de Williencourt, économiste chez Natixis

Le projet de loi de finances pour 2012 présenté en Conseil des Ministres mercredi 28 septembre aura été sans surprise : l’effort, principalement concentré sur les dépenses de l’Etat, résidera principalement dans la maîtrise des dépenses de fonctionnement et le gel du point fonction publique.

Plus généralement, la double norme introduite l’an dernier – « zéro-valeur » hors intérêts et pensions et « zéro-volume » sur l’ensemble des dépenses – continuera de s’appliquer pour les dépenses de l’Etat dont le poids dans le PIB reculera de plus d’un point dès l’an prochain. Du côté des collectivités locales, le gel des dotations de l’Etat devrait permettre de pérenniser le coup de frein enregistré en 2010, tandis que l’objectif de ralentissement des dépenses d’assurance maladie permettrait un recul de près de 25% du déficit du régime général de la Sécurité Sociale sur l’année.

Au final, selon le plan, les dépenses des administrations publiques en volume augmenteraient de 0,7% en 2011, 0,9% en 2012, puis de 0,5% par an en moyenne jusqu’en 2015, une performance rarement observée sur le passé. Côté recettes, les mesures fiscales prises lors de la précédente loi de finances, conjointement à celles annoncées par le Premier Ministre le 24 août dernier, entraînerait selon le gouvernement un accroissement du taux de prélèvements obligatoires de 0,8 point de PIB en 2012 (à 44,5%), et de près de deux points de PIB à l’horizon 2015 (à 45,4%).

L’enjeu est de taille : crédibiliser la trajectoire des finances publiques afin de rassurer les investisseurs dans le contexte actuel de débâcle boursière. « L’objectif sera tenu à l’euro près », a martelé le Président de la République, confirmant l’objectif de déficit public pour l’an prochain (4,5% du PIB). La trajectoire pluriannuelle de finances publiques reste également inchangée, l’objectif de retour à un déficit de 3% du PIB en 2013 étant prolongé jusqu’en 2015 (2% en 2014, 1% en 2015). Avec l’annonce le mois dernier de nouvelles mesures d’austérité, le gouvernement semblait signifier qu’il avait pris acte de l’urgence de la crise, et avait quelque peu apaisé l’inquiétude des investisseurs, brutalement réveillée cet été par la rumeur – certes vite démentie – de dégradation du triple A français.

Le déluge de mauvaises nouvelles qui a continué de s’abattre sur les marchés ces dernières semaines, érodant drastiquement les perspectives conjoncturelles, remet désormais largement en cause la crédibilité du plan d’austérité présenté par le gouvernement. Notre prévision de croissance pour 2012 s’élève en effet à 0,7%, soit plus d’un point de moins que la prévision gouvernementale, pourtant abaissée le mois dernier à 1,75%.

Les entreprises françaises abordent en effet le ralentissement actuel dans une position financière et de profitabilité nettement dégradée, plaidant pour l’atonie de l’investissement, tandis que la consommation privée devrait rester faible dans un contexte d’absence de reprise franche du crédit. Or les hypothèses de croissance sont centrales dans le bouclage budgétaire, car elles déterminent le jeu anticipé des stabilisateurs économiques. Le gouvernement le reconnait : les objectifs ne seront tenables qu’avec la « dissipation des turbulences actuelles ». La tension palpable quotidiennement sur les marchés, liée aussi bien à la crise de la dette en zone euro qu’aux perspectives de croissance aux Etats-Unis donne malheureusement peu de crédit à cette hypothèse.

Au lendemain de son annonce, le plan d’austérité serait-il ainsi déjà caduc ? Nous considérons pour notre part que le déficit public ne passerait pas la barre symbolique des 5% du PIB, principalement du fait du solde de la Sécurité Sociale, dont la résorption du déficit paraît peu compatible avec un scénario de partage des revenus défavorable aux salariés.

En cas de choc trop brutal sur la confiance des investisseurs, des marges de manœuvres non négligeables pourraient rapidement être mises à contribution, notamment en termes de fiscalité dérogatoire : il reste encore nombre de niches « dont l’efficacité n’est pas démontrée » ou génératrices « d’effets d’aubaine », donc candidates à un éventuel coup de rabot supplémentaire. A plus long terme en revanche, la faiblesse de la croissance devrait contraindre les autorités à prendre des mesures véritablement structurelles.

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