par Hélène Baudchon, Economiste chez BNP Paribas
• Dans son projet de loi de finances pour 2017, le gouvernement prévoit de ramener le déficit budgétaire à 2,7% du PIB en 2017, après 3,3% en 2016 et 3,5% en 2015.
• Ces objectifs, inchangés par rapport au Programme de stabilité d’avril et même par rapport au budget 2016, reposent sur des prévisions de croissance également inchangées, à 1,5% cette année et l’année prochaine.
• En 2017, face au total estimé de EUR 14 milliards des nouvelles mesures à financer, le gouvernement dégage de nouvelles économies et recettes pour un même montant.
• Ce budget est conforme à la recommandation de la Commission européenne de ramener le déficit sous le seuil des 3% en 2017.
• Mais les risques d’exécution sont grands au regard des prévisions optimistes de croissance et de maîtrise des dépenses.
Ce mercredi 28 septembre, le gouvernement français a présenté son projet de loi de finances 2017 (PLF 2017). Nous passons ici en revue les éléments et les chiffres-clés à retenir et qui permettent de comprendre comment le gouvernement est parvenu à boucler son budget malgré les contraintes fortes entourant son élaboration : engagement d'un retour du déficit sous la barre des 3%, risques baissiers sur la croissance, financement à trouver des nombreuses nouvelles mesures…
La première des informations est le maintien des objectifs de réduction du déficit budgétaire par rapport au Programme de stabilité d’avril 2016, à 3,3% du PIB en 2016 et 2,7% en 2017 (après 3,5% en 2015). Ces objectifs étaient aussi ceux du PLF 2016. Le gouvernement présente ainsi une trajectoire conforme à la recommandation de la Commission européenne de ramener le déficit sous le seuil des 3% en 2017. Satisfaite de ces objectifs, la Commission devrait concentrer son analyse sur la question des moyens mis en œuvre et rappeler que l’exécution fidèle de ce budget sera cruciale. Elle rendra son avis en novembre. Le gouvernement a également maintenu inchangées ses prévisions de croissance, à 1,5% en moyenne annuelle cette année comme l’année prochaine. Sa prévision d’inflation est aussi maintenue pour 2016 (0,1% en moyenne annuelle). Il l’a, en revanche, légèrement abaissée pour 2017 (0,8% au lieu de 1%). Ce budget permet, par ailleurs, d’enrayer la progression du ratio de dette publique, qui s’infléchit très légèrement à 96,1% du PIB en 2016, puis à 96% en 2017, depuis 96,2% en 2015 (cf. graphique).
Le maintien des prévisions de croissance et de déficit retient l’attention. S’agissant de la croissance, une révision en baisse aurait été justifiée de notre point de vue pour 2017, compte tenu de la dissipation attendue d’un certain nombre de facteurs de soutien (l’absence d’inflation, la baisse passée des prix du pétrole et la dépréciation de l’euro) tandis qu’émergeront de nouveaux freins à la croissance (les répercussions du Brexit notamment). Mais pour le gouvernement, l’impact en 2017 des développements économiques depuis avril dernier s’équilibre entre les évolutions négatives et positives. Parmi les premières, l’impact du Brexit est estimé à un quart de point de croissance en moins en 2017. S’y ajoutent la légère remontée des prix du pétrole depuis avril1 et un commerce mondial attendu moins dynamique. Le tout amputerait la croissance de 0,3 point. Parmi les évolutions positives, le gouvernement compte sur l’orientation de l’investissement qu’il juge plus favorable, ses nouvelles mesures de soutien à la croissance (telles que la prolongation de la prime à l’embauche dans les PME et de la mesure de suramortissement), et la réduction de l’effort structurel en matière d’économies budgétaires. L’ensemble de ces éléments positifs soutiendrait la croissance à hauteur de 0,3 point en 2017. Ce scénario est du domaine du possible mais il ne nous paraît pas être le plus probable. Il se situe clairement dans le haut de la fourchette des prévisions2. Le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) est aussi d’avis que la prévision pour 2017 est optimiste et celle pour 2016 un peu élevée au regard des informations connues à ce jour. Les prévisions d’inflation sont, en revanche, considérées comme raisonnables.
Les prévisions inchangées de déficit budgétaire s’expliquent en partie par le maintien des prévisions de croissance. En 2017, l’objectif de déficit repose aussi pour beaucoup sur un ensemble de nouvelles mesures de financement (totalisant EUR 14 milliards, répartis entre EUR 8 milliards de nouvelles recettes et EUR 6 milliards de nouvelles économies) qui viennent précisément compenser les nouvelles baisses d’impôts (EUR 1,4 milliard) et les nouvelles dépenses (EUR 7,6 milliards) annoncées depuis le début de l’année, ainsi que les EUR 5 milliards de redressement supplémentaire précédemment identifiés dans le programme de stabilité d’avril (pour compenser alors l’inflation moindre que prévu) (…) L’autre nouveauté majeure de ce budget 2017 est l’introduction du prélèvement à la source pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2018.
D’après les estimations du gouvernement, la réduction du déficit budgétaire en 2017 (comme en 2016) est essentiellement structurelle. En effet, malgré ses prévisions de croissance élevées, il n’y a pas d’amélioration du solde conjoncturel car le gouvernement estime aussi à 1,5% la croissance potentielle française. L’effort structurel affiché atteint 0,4 point de pourcentage en 2017 (comme en 2016) et s’appuie intégralement sur la maîtrise des dépenses. La consolidation budgétaire devrait donc continuer de peser sur la croissance même si ce n’est pas de manière très prononcée.
Rappelons que l’évaluation de l’effort structurel est, par nature, délicate et sujette à caution. Il est possible que l’effort structurel annoncé par le gouvernement soit considéré comme surestimé par la Commission européenne, comme cela a été le cas pour les budgets antérieurs. Et, au-delà des différences d’estimation, reste la question de l’exécution d’un budget en année électorale. Le risque de dérapage en début d’année est probablement plus élevé qu’à l’accoutumée et, quelle que soit l’issue du scrutin, un projet de loi rectificatif est très probable à l’été 2017.
Avis sévère du Haut Conseil des Finances Publiques
Pour conclure, la cible d’un déficit légèrement réduit à 3,3% en 2016 est atteignable même si elle ne peut toujours pas être tenue pour acquise compte tenu des risques baissiers sur la croissance et de dérapage des dépenses. En 2017, le retour à 2,7% de déficit paraît, en revanche, beaucoup plus difficile : les risques baissiers sur la croissance sont encore accrus et les risques haussiers sur les dépenses publiques sont identifiés par le HCFP comme plus importants que pour les années précédentes.
Celui-ci a rendu un avis assez sévère sur ce point. Il met en avant le caractère « irréaliste » des économies prévues sur l’Unédic, « les fortes incertitudes » pesant sur les économies importantes attendues sur l’ONDAM et les facteurs d’accélération de la masse salariale de la fonction publique. Du côté des dépenses de l’Etat, il regrette «l’absence de toute nouvelle mesure d’économies significative clairement documentée » et le traitement comptable en suspens des recapitalisations annoncées de certaines entreprises du secteur de l’énergie. C’est pourquoi le HCFP estime « improbable » la réalisation des objectifs de déficits, nominal comme structurel. Il considère même comme « incertain » le retour du déficit nominal sous le seuil des 3% l’année prochaine.
En visant un déficit de 2,7% du PIB en 2017, le gouvernement dispose d’une petite marge de manœuvre en cas de surprise négative pour tenir malgré tout l’objectif d’un déficit inférieur à 3% l’année prochaine. Mais si la croissance attendue fait sensiblement défaut, ce qui est probable, cela met aussi en risque cet objectif.
NOTES
- Le gouvernement ne fait pas de prévisions : il fige le prix au dernier point connu. Aujourd’hui, son scénario repose sur un prix du baril à 45 dollars contre 38 en avril.
- Ecoweek 16-32, « France : perspectives de croissance et confiance », 23 septembre 2016.