Gouvernance européenne : l’histoire sans fin ?

par Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas

Semestre européen, six-pack, fiscal compact, Pacte Euro+… Depuis le début de la crise, deux mouvements se développent en parallèle.

D'un côté, la Commission européenne s'efforce de faire évoluer les règles de gouvernance de l'UE, selon la méthode communautaire1. On lui doit notamment le six-pack, qui réforme le volet fiscal du Pacte de Stabilité et de Croissance et lui adjoint une procédure de surveillance et de correction des déséquilibres macroéconomiques. Mais ce processus est long et difficile2. La méthode intergouvernementale permet de se passer de l'unanimité des Etats membres.

Le traité sur les règles d'or n'a pas été signé par le Royaume-uni et la République tchèque et pourra entrer en vigueur même s'il n'est pas ratifié par l'Irlande ou les Pays-Bas. Au sein du Pacte euro+, certains Etats vont s'efforcer de coordonner plus étroitement leurs politiques nationales en matière de coût du travail, de concurrence et d'emploi. Mi-partenaires, mi-concurrents, ces mouvements visent tous deux à relever les défis budgétaires et macroéconomiques posés par la crise.

Sur le plan fiscal, beaucoup a été fait. A terme, les législations nationales pourraient être, autant qu'il est possible, harmonisées, et la volonté d'atteindre l'équilibre budgétaire inscrite dans le marbre. Au niveau européen, le poids de la Commission européenne est renforcé. Quel que soit leur déficit, la politique budgétaire des Etats restera contrainte tant qu'ils n'auront pas ramené leur stock de dette publique en deçà de 60% du PIB. Les procédures budgétaires nationales et européennes sont davantage imbriquées. Les possibilités de sanctions financières sont renforcées. Ce cadre ne pourra faire ses preuves que dans la durée, tant dans sa capacité à induire partout des politiques budgétaires prudentes et soutenables que dans sa souplesse face aux cycles et aux chocs économiques. Pour produire ses effets dès maintenant, en renforçant notamment la confiance des investisseurs, il est impératif que les pays créanciers fassent clairement savoir qu'ils le jugent suffisant.

En effet, sur le plan macroéconomique, beaucoup reste à faire. Dans son premier rapport de surveillance des déséquilibres économiques, la Commission européenne a conclu à la nécessité de mener une analyse individuelle approfondie des pertes de compétitivité et/ou de l'excès d'endettement de 7 des 14 membres de la zone euro qui ont été évalués (le Portugal, l'Irlande et la Grèce n'étaient pas formellement concernés, compte tenu du suivi dont ils font déjà l'objet dans la procédure d'aide financière). La situation des pays lourdement excédentaires n'est pas jugée problématique, même lorsqu'elle s'accompagne des signes d'une faiblesse importante de la demande intérieure, comme en Allemagne3. Pourtant, ces déséquilibres internes à la zone euro ne se réduiront que simultanément. A tenter de faire peser l'ajustement sur les seuls pays déficitaires, on accentue la dynamique récessive à l'échelle de la zone, et les risques d'échec.

NOTES

  1. Elle propose, le Conseil de l'UE et le Parlement européen adoptent.
  2. Alors que les premières versions du six-pack ont été connues dès l'automne 2010, la réforme est entrée en vigueur en décembre 2011.
  3. Tout juste la Commission est-elle parvenue à faire passer l'idée d'une analyse conjointe, hors procédure, des causes et des conséquences de surplus larges et persistants dans plusieurs Etats.

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