par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Depuis quelques jours, les relations entre la Grèce et ses créanciers ont pris une très mauvaise tournure augmentant le risque d’une issue très désagréable de la crise grecque Certains avancent qu’une sortie de la Grèce n’aurait finalement que peu d’impact sur la zone euro. Nous ne partageons pas cet avis. Nous continuons de penser qu’une sortie de la Grèce de la zone euro serait un acte perdant – perdant pour les deux parties. Outre les conséquences économiques que nous allons évoquer, ce sont également les conséquences politiques qui sont inquiétantes.
Pour la Grèce, une sortie de l’euro serait synonyme d’un retour en arrière de plus de dix ans avec un appauvrissement important de l’économie. Le scénario « rose » évoqué par certains consistant à dire que tous les problèmes seraient réglés en cas de sortie (défaut donc plus de problème de dette ; dévaluation donc plus de problème de compétitivité) nous semble peu robuste.
• La dévaluation de la monnaie aurait vraisemblablement un impact négatif. Le secteur manufacturier grec représente environ 7% de la valeur ajoutée. Ainsi, une dévaluation de la monnaie permettant d’améliorer la compétitivité n’aurait que peu d’impact sur la croissance via le canal des exportations. En revanche, le prix des importations progresserait fortement. Or, les importations représentent 33% du PIB.
• Le défaut sur la dette règlerait le problème de l’insoutenabilité des finances publiques grecques. A priori, la Grèce ferait uniquement défaut sur les institutions étrangères et non sur la dette de marché détenue par des agents résidents (une bonne partie des 54Md€ (dont T-bills) encore détenus par des agents privés, dont 15Md€ par les banques grecques). Elle honorerait probablement également ses échéances sur le FMI (24 Md€). Or à court terme (jusqu’en 2020), la Grèce ne paie pas d’intérêts sur ses prêts aux européens (ni sur le FESF, ni sur les prêts bilatéraux) mais uniquement à ses autres créditeurs (FMI, BCE et dette de marché). Un défaut sur les premiers impliquerait la poursuite des paiements d’intérêts sur la dette qui devraient représenter cette année un peu moins de 6Md€ (soit 3,2% du PIB). L’excédent primaire ne les couvrirait pas impliquant un besoin de financement. Qui prêtera à la Grèce dans le cas d’un défaut ?
• Retour en récession à court terme rendant plus difficile le maintien d’un excédent primaire nécessaire.
• Crise bancaire. Les déposants ont déjà commencé à retirer des montants importants de leurs comptes bancaires : 35Md€ par les résidents (soit une baisse de 20%) dont 21 Md€ par les ménages depuis novembre dernier à fin avril. Le phénomène a dû probablement continuer et s’amplifier au cours des deux derniers mois. Les banques font de plus en plus appel à la facilité d’urgence (ELA) pour se financer (plafond de 84Md€).
• Difficulté à honorer le paiement sur la dette extérieure qui sera libellée en devises avec la dévaluation.
• Question sur le maintien de la Grèce dans l’Union Européenne. Rappelons qu’il n’existe pas de clause de sortie de la zone euro mais uniquement de l’Union européenne. Toutefois, cette dernière ne pourrait se faire que via une demande unilatérale de la Grèce ce qui semble peu probable car cette dernière ne recevrait plus dans ce cas les transferts en provenance de l’UE qui représentent environ 2% de son PIB.
Du côté des européens, la sortie de la Grèce aurait plusieurs conséquences négatives, évidemment notamment d’un point de vue politique.
• L’impact financier pour les européens est significatif puisque l’exposition à la dette grecque représente environ 2% du PIB de la zone euro mais il resterait gérable.
• Perte de confiance dans la pérennité de la zone euro. L’incertitude sur l’avenir de l’euro pourrait provoquer une perte de confiance des entreprises et une prudence dans leurs décisions d’investissement. Il est très difficile de chiffrer cet impact sur la croissance mais cela pourrait remettre en cause la reprise. Cela ne manquerait pas de maintenir de la volatilité sur les marchés, aussi potentiellement déstabilisante même si l’Europe est désormais nettement mieux préparée qu’il y a quelques années pour faire face à une crise (OMT, MES,…).
• Fragilisation politique de l’Europe.