par Sergio Bertoncini, économiste chez Crédit Agricole AM
Ce sont les marchés du crédit qui se sont le mieux comportés parmi les principales catégories d’actifs au S1 2009 : cela vaut pour les obligations investment grade, autrement dit les segments de grande qualité, comme pour les obligations de la catégorie spéculative high yield, à savoir le haut-rendement, et ce, des deux côtés de l’Atlantique.
L’été a fini par apporter un ralentissement prévisible de la reprise et les marchés du crédit ont fait une pause : le rendement excédentaire par rapport aux titres d’emprunt d’État correspondants s’est encore révélé positif ce dernier trimestre, mais sa progression s’est ralentie par rapport aux évolutions spectaculaires observées précédemment. Tandis que les marchés d'actions menaient le rallye parmi les classes d'actifs, les spreads de crédit ont continué de se resserrer, mais moins sensiblement que durant la période d’avril à juillet. Les valorisations, les données fondamentales et les facteurs techniques continuent cependant de constituer dans l’ensemble une combinaison favorable.
Pour ce qui est des produits de spread de crédit (spread products), après l’absorption d’une gigantesque prime de liquidité, leurs valorisations paraissent plus conformes aux fondamentaux actuels.
C’est surtout vrai pour les valeurs industrielles ou les valeurs non financières, dont les marges sont assez cohérentes par rapport aux niveaux actuels d’endettement financier des entreprises et à la volatilité implicite actuelle des actions: cela contribue sans doute à expliquer pourquoi elles se stabilisent enfin aux alentours des niveaux antérieurs à la crise. Pour résumer, les valorisations sous-entendent désormais une récession normale et non plus un scénario de crise économique plus profonde.
Ce sont d’ailleurs des émetteurs financiers, qui versent encore une prime élevée par rapport à des pics de récession antérieurs, qui sont à l’origine des récentes performances positives sur les marchés du crédit. Pour ne citer que quelques chiffres, une obligation de premier rang émise par une banque offre à présent un spread moyen d’environ 130 points de base par rapport au titre d’emprunt d’État correspondant : or, au pic de la récession précédente, en 2002, le même spread se négociait dans une fourchette de 80 à 90 points de base. Par conséquent, maintenant que presque toutes les occasions ont été saisies, l’attention sur les marchés du crédit se porte de plus en plus sur un profil risque-rémunération attrayant, pour exploiter les réservoirs de valeur les plus intéressants. Quoi qu’il en soit, si l’on observe les quarante dernières années, les spreads restent dans l’ensemble relativement élevés et demeurent bien supérieurs à leur moyenne de long terme : c’est particulièrement le cas en termes relatifs par rapport aux rendements sans risque.
Si l’on examine à présent non plus les valorisations mais les fondamentaux, le tableau semble s’améliorer pour les porteurs d’obligations privées : les dernières données publiées par la Fed sur les entreprises non financières américaines montrent des signes clairs de rééquilibrage des bilans et de redémarrage du processus de désendettement. Les entreprises ont réagi rapidement à la crise, réduisant les distributions extraordinaires aux actionnaires et les dépenses consacrées aux fusions-acquisitions et, pour remédier à la contraction des bénéfices, elles se sont efforcées de mieux gérer leurs investissements dans l’actif circulant.
Ces efforts ont permis de réaliser de remarquables économies, ce qui a rapidement enrayé la progression de la dette des entreprises. Il est intéressant de remarquer que la croissance de la dette s’est fortement ralentie ces deux dernières années, partant de pics de +15% pour revenir aux niveaux actuels de +1%. En revanche, durant le cycle précédent, il a fallu quarante mois pour une évolution comparable. Au même moment, la croissance des bénéfices a fini par donner des signes de redémarrage après avoir touché un point bas.
Enfin, si l’on s’intéresse aux facteurs techniques, le contexte favorable semble globalement encore en place : les liquidités affluent vers les marchés du crédit tandis que la quête de rendement accroît la capacité d’absorption de la demande des particuliers et des institutionnels.
Parallèlement, l’offre de nouveaux titres de dette reste abondante mais se ralentit indéniablement depuis les niveaux record du S1 2009.
En conclusion, les marchés du crédit connaissent manifestement une baisse de régime en termes de surperformance par rapport aux titres d’emprunt d’État, car ils ont atteint des valorisations plus conformes à leur «juste valeur». Cela étant, ils continuent d’offrir de la valeur, surtout dans une optique de moyen ou de long terme, tout en restant soutenus par l’assouplissement monétaire et les premiers signes d’une amélioration des données fondamentales micro-économiques.