par Christophe Donay, Responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique, chef stratégiste chez Pictet Wealth Management
Le débat sur une récession imminente est revenu en force, avec son cortège de conséquences pour l’allocation d’actifs. L’inversion, passagère à ce jour, des courbes des taux obligataires, le ralentissement économique ou l’adéquation de la politique monétaire alimentent en effet les craintes des investisseurs de retournement des marchés actions.
Nous avons pour notre part retenu un scénario de croissance pour 2019 du PIB inférieur à 2018, mais pas de récession. Nos indicateurs avancés pointent d’ailleurs même vers un rebond de l’activité au deuxième trimestre dans les principales zones économiques, et principalement en Chine.
Sur le plan de la politique monétaire, les banques centrales continuent d’apporter un soutien important à la croissance, grâce à un coût de financement inférieur à la croissance du PIB nominal et à des flux de liquidités importants pour stimuler la croissance du crédit. Une des raisons réside dans des menaces d’inflation bénignes à ce stade du cycle économique: malgré les augmentations de salaire observées aux Etats-Unis et en Europe, l’inflation sous-jacente reste sous contrôle et inférieure aux objectifs des banques centrales.
En Chine, la politique économique repose à la fois sur la politique monétaire et la politique budgétaire, cette dernière étant mise en œuvre par le biais d'importantes réductions d'impôt pour stimuler la consommation.
L’Europe reste pour sa part fragile au plan politique. A l’approche des élections européennes, les sondages mettent en évidence une montée des partis populistes et le climat politique au Royaume-Uni s’est détérioré.
Dans un environnement macroéconomique momentanément dégradé, le momentum des estimations de croissance des profits des sociétés cotées dans les grands indices actions est négatif: pour 2019, elle est estimée à 5 à 6% selon notre approche top-down des grandes zones économiques et émergentes.
Les valorisations sont pour leur part revenues aux niveaux moyens historiques et se rapprochent de celui de la période précédant la correction de septembre 2018. Le potentiel de hausse des marchés actions reste limité à quelques points de pourcentage, correspondant dans le cas américain au rendement du dividende et aux rachats d’actions. Nous n’excluons toutefois pas un scénario alternatif positif dans le cas d’une persistance de bas niveaux de volatilité, favorisant un retour des investisseurs qui auraient raté le rallye et des fonds d’investissement quantitatifs systématiques.
Enfin, la baisse des taux a plongé les rendements des obligations d'Etat à dix ans allemandes, suisses et japonaises en territoire négatif, comme au 4e trimestre 2016. Les taux bas perdurant depuis si longtemps constituent un conundrum (énigme). La règle d'or ne fonctionne plus selon nous: notre prévision de rendement à 3% pour le Trésor américain à 10 ans pour fin 2019 reste ainsi inférieure au taux de croissance nominal du PIB de 3,6%, tout comme notre anticipation des rendements des obligations allemandes à 10 ans de 0,6%, inférieure à notre prévision de croissance du PIB nominal de 2,7%.
Dans cet environnement, nous privilégions d’une part la création de stratégies d’investissement de types barbell au sein et entre classes d’actifs et, d’autre part, le carry (portage) des plus-values du capital sur des valeurs de rendement.