Italie : vrai départ ?

par Philippe Weber, Responsable Etudes et Stratégie chez CPR AM

Dimidium facti qui coepit habet (Commencer, c’est avoir à moitié fini) Horace, Epîtres

Les perspectives de l’Italie sont-elles en train de s’améliorer ? Séparons vie politique, situation économique à court terme et perspectives à plus long terme. La vie politique a connu une inflexion avec l’arrivée de M. Renzi. Certes, il est parvenu à la présidence du Conseil par des méthodes rappelant les grands moments de l’instabilité politique italienne : une « Révolution de palais » a entraîné la démission de M. Letta – pourtant membre du même parti. M. Renzi a sans doute réussi un coup de maître en négociant, avant d’être nommé à la tête du gouvernement, une réforme de la loi électorale avec M. Berlusconi, devenu un peu le paria de la vie politique italienne.

Son argument : rien ne peut se faire contre sa volonté et le seul moyen d’obtenir un jour une majorité permettant de gouverner sans lui, c’est de réformer la loi électorale avec lui. Florence, ville de Matteo Renzi, est aussi celle de Nicolas Machiavel…

Et quelle est aujourd’hui la situation politique ? Encore un peu confuse, malgré tout. Mais M. Renzi a formé son gouvernement très vite, et il est rajeuni et féminisé ; au prix de quelques amendements, la Chambre des députés a adopté la réforme de la loi électorale dans les jours qui ont suivi la formation du gouvernement malgré les réticences de certains au Parti démocrate et malgré le refus tonitruant du « M5S » de M. grillo – on le comprend : la nouvelle loi est aussi faite pour limiter son pouvoir de nuisance. Au demeurant, ce mouvement est en train de s’autodétruire à force d’anathèmes, d’exclusions et de démissions. La nouvelle loi électorale doit maintenant être votée par le Sénat, ce qui sera plus difficile mais jouable. La vraie question sera la réforme constitutionnelle, et notamment la fin du bicamérisme parfait : les deux assemblées ont aujourd’hui exactement les mêmes pouvoirs. Toutefois, comme elles ne sont pas élues de la même façon, on peut arriver, comme en ce moment, à des configurations ingérables. Reconnaissons à M. Renzi le mérite du courage : il a commencé son discours d’investiture devant le Sénat en déclarant qu’il espérait être le dernier chef de gouvernement à demander l’investiture de cette assemblée… Voilà des années qu’on attendait quelque chose ; en moins d’un mois, des processus sont en route : à suivre !

Et l’économie ? Dans ce domaine aussi, M. Renzi semble vouloir aller vite, puisqu’il a d’ores et déjà présenté un plan d’allègements fiscaux et a annoncé l’accélération du paiement par l’Etat des arriérés dus aux entreprises – ce que M. Monti avait déjà entrepris. Le FMI, M. Draghi et Mme Merkel se sont d’ailleurs déjà félicités des orientations annoncées par les nouvelles autorités italiennes. Tout n’est pas réglé pour autant : les allègements fiscaux ou les paiements (on n’ose pas dire anticipés…) aux entreprises ne sont pas, à proprement parler, financés. Le déficit public ne se réduit pas rapidement, pour dire le moins, et d’ailleurs, dans son examen de printemps, la Commission européenne a reclassé l’Italie dans la liste des pays à déficit excessif.

Mais l’économie italienne va-t-elle retrouver le chemin de la croissance ? Je pense que oui ; d’ailleurs, la récession est terminée – de peu, il est vrai. Cela ne sera pas simple. Le potentiel de croissance, déjà faible compte tenu de la démographie, a encore reculé avec la crise à cause de la disparition d’une partie de l’appareil productif, de la baisse de l’investissement productif et de la perte de qualification des chômeurs de longue durée. La reprise économique devrait, si elle est suffisamment vigoureuse, inverser graduellement ces facteurs. Mais l’Italie n’échappera pas à certaines réformes plus structurelles. Normalement, une réforme du droit du travail devrait être proposée très rapidement. Il faudra aussi songer aux professions réglementées – et à mettre en application les réformes engagées par M. Monti… L’Italie a un tissu industriel dense et dynamique mais constitué, trop souvent, de petites entreprises, dont la taille même limite l’investissement ou le développement à l’exportation. Elles restent cependant un atout certain et, à moyen et long termes, je pense qu’on peut être optimiste sur l’Italie.