par François Rimeu, Stratégiste Senior chez La Française AM
La crise de la Covid-19 que nous connaissons depuis maintenant un an a eu et continuera à avoir de nombreuses répercussions. La transition technologique en cours a été grandement accélérée devant la nécessité de trouver de nouvelles façons de faire fonctionner nos économies alors que par ailleurs, la désindustrialisation en place depuis des décennies dans la plupart des pays d’Europe a mis sur le devant de la scène notre dépendance aux grands centres de production émergents.
Au-delà de ces prises de conscience, cette crise aura aussi fait éclater le dogme de Bruxelles concernant les déficits budgétaires. Ce que la Banque Centrale Européenne appelait de tous ses vœux depuis de nombreuses années est aujourd’hui une réalité avec un soutien budgétaire d’une ampleur quasiment inédite. Ce constat est vrai dans la grande majorité des pays développés, les États-Unis en tête. Un autre dogme n’a d’ailleurs pas résisté à la crise, celui concernant la mutualisation de la dette dans la zone Euro. En effet, le « Next Generation EU recovery fund » participera à la relance européenne en ciblant les zones les plus touchées par cette crise, au grand dam de certains pays nordiques.
Grâce à l’action extrêmement forte des pouvoirs publiques (bien plus forte qu’au sortir de 2008), la situation macro-économique est aujourd’hui en nette amélioration, avec une croissance mondiale attendue autour de 6% en 2021. Sur le plan sanitaire également, la situation s’améliore avec des vaccinations dont le rythme accélère, ce qui devrait permettre une réouverture progressive des économies entre le 2ème et le 3ème trimestre. Et si l’on considère l’épargne disponible chez les consommateurs, il y a de fortes probabilités que ces prévisions de croissance s’améliorent encore dans les mois qui viennent. Ces bonnes nouvelles ont logiquement eu un impact important sur les marchés financiers, avec des marchés actions en forte progression, des matières premières elles aussi en forte hausse et des marchés obligataires qui voient leurs taux monter depuis quelques semaines.
La grande question aujourd’hui réside dans le caractère pérenne ou non de l’augmentation des prévisions d’inflation. L’inflation va fortement augmenter au cours de l’année 2021, en lien avec des effets de base très positifs (Q2 aux USA, Q4 en zone Euro), mais au-delà des effets temporaires, quelle va être la dynamique de prix dans les secteurs des services lors de leur réouverture ? La relocalisation des industries sera-t-elle réelle et amènera-t-elle de l’inflation ? Difficile de répondre à ces questions aujourd’hui et difficile d’avoir un avis tranché sur la valorisation des points morts d’inflation.
Dans ce contexte, les perspectives sur les marchés actions nous semblent favorables, avec une nette préférence pour les secteurs « value » qui profitent de la hausse des taux (dont les banques). Nous sommes plus prudents sur les valeurs technologiques dont les niveaux de valorisation auront de plus en plus de mal à se justifier. Nous sommes aussi prudents sur les taux d’intérêt gouvernementaux et le crédit de bonne qualité à cause des niveaux de taux encore très bas, particulièrement aux Etats-Unis. Les actifs obligataires européens devraient mieux s’en sortir (beaucoup moins de pression inflationniste en zone Euro, moins de relance budgétaire, moins de croissance…). Les actifs à spreads importants (notamment les titres à haut rendement dits spéculatif « high yield ») devraient eux profiter de l’amélioration macro-économique, avec un effet de resserrement de spread qui contrebalancera l’effet négatif de la hausse des taux. Enfin, nous sommes très négatifs sur les taux réels américains : avec une croissance de 7% en 2021, une relance budgétaire de 10% de PIB (sans compter celle votée en décembre) et un consommateur dans une forme insolente, la Réserve Fédérale (FED) n’a selon nous pas besoin de maintenir des conditions financières aussi accommodantes.