par Jean-Marie Mercadal, Directeur Général Délégué en charge des gestions chez OFI AM
Comme durant l’été dernier, la forte chute des bourses chinoises (13 % en 4 séances en 2016 !) ravive les craintes de ralentissement dans ce pays, avec des conséquences potentielles importantes sur le reste du monde. Nous les avions déjà largement expliquées l’année dernière, mais voici en résumé les principaux impacts :
• Sur les pays producteurs de matières premières (qui ont donc moins de flux alimentant leurs fonds de réserve, donc autant de moins pour les investissements sur les marchés financiers) ;
• Sur les pays exportateurs de biens de consommation (au premier rang desquels l’Allemagne, le Japon…) ;
• Sur les autres pays émergents, car la baisse effective et potentielle de la monnaie chinoise pèse sur le cours des autres monnaies émergentes.
Cette agitation boursière en Chine se conjugue avec une nouvelle baisse des prix du pétrole, indicateur avancé d’un ralentissement économique mondial ? Ce climat est d’autant plus anxiogène que cette secousse boursière se produit en début d’année, période traditionnellement propice aux réallocations et investissements des portefeuilles, et donc plutôt positive.
Quelle analyse porter sur cette situation ?
1 – Le scénario macroéconomique
Il n’y a pas actuellement de « momentum » positif sur l’économie internationale : les deux grands indicateurs avancés que sont la Chine et le pétrole inquiètent. La zone Euro fait pour une fois exception et bénéficie de la baisse de l’euro et du pétrole. Les prévisions qui sont aujourd’hui un peu supérieures à 3 % vont donc probablement être révisées à la baisse dans les prochaines semaines. De là à passer nettement sous le seuil de 3 % ? Pas sûr. Nous avons étudié attentivement les indicateurs publiés en Chine depuis l’été dernier et, dans 80 % des cas ils sont, soit conformes aux attentes, soit supérieurs. Nous pensons donc que la Chine n’est pas dans une situation de « Hard Landing » , mais va progressivement se rapprocher d’un rythme de 5 % à moyen terme, ce qui est conforme aux attentes. N’oublions pas qu’à 5 % de croissance, la valeur absolue de PNB créée par la Chine est supérieure à celle de 2007, période durant laquelle la croissance était de l’ordre de 15 %…
Quant au pétrole, il est impossible de savoir si la baisse est liée à une surproduction ou à une baisse de la demande attendue. Pour ce qui est de l’exposition du secteur bancaire américain au secteur pétrolier, source de risque, l’un de nos partenaires américains l’estime entre 2 et 3 % du Book des grandes Banques, et jusqu’à 7 % pour certaines banques régionales, avec globalement moins de « leverage » qu’au cours de la crise financière de 2008.
2 – Les Banques Centrales
Dans ce contexte, elles vont rester accommodantes. La Réserve Fédérale a balisé le terrain en donnant un objectif de 1 % pour les Fed Funds d’ici la fin de l’année. Il est probable, dans ce contexte, que ce sera peut-être moins. En zone Euro, là aussi la visibilité est bonne et les taux monétaires vont rester négatifs. Il y aura même une extension du QE en cas de besoin. les taux d’intérêt vont donc rester très bas durant l’année.
3 – Le contexte géopolitique
Il est particulièrement troublé avec plusieurs sujets : Corée du Nord, Moyen Orient avec les frappes aériennes occidentales et aussi le différend Arabie Saoudite/Iran, terrorisme, l’éventualité d’un Brexit… Cela pèse assurément sur la confiance des investisseurs.
Stratégie d’investissement
À l’issue de notre dernier Comité d’allocation d’actifs de décembre, nous avons annoncé pour 2016 une année plus compliquée, mais pas forcément négative. Nous maintenons cet avis et nous pensons que :
• Dans un contexte de faibles taux d’intérêt, les actions conservent des atouts, surtout en zone Euro : dividendes, valorisations correctes et bénéfices attendus en légère progression. Il convient donc d’essayer de tirer parti des phases de volatilité pour investir progressivement durant les périodes de forts replis et d’alléger les positions lors des rebonds (après la période très agitée de l’été dernier, un peu similaire, les actions avaient rapidement rebondi de près de 15 %…). Quels secteurs ? Quelles valeurs ? Jamais au cours des années précédentes nous n’aurons assisté à une telle divergence en matière de performance entre les valeurs le plus sensibles au rythme de croissance de l’économie (communément appelées valeurs cycliques) et les valeurs à caractère plus défensif. Le raisonnement des investisseurs a été le suivant : oui aux actions face à des obligations offrant un rendement de plus en plus faible, mais à condition que ces actions offrent une certaine forme de visibilité. Dans ce contexte toutes les valeurs liées de près ou de loin aux économies émergentes ou aux matières premières au sens large ont été durement pénalisées. Nous prenons acte de la révision en baisse des profits futurs de ces compagnies, même si la sanction boursière a été disproportionnée quelque- fois. Mais il ne semble pas y avoir assez de catalyseurs macroéconomiques à court terme pour inciter les investisseurs à y revenir. Enfin, même si les valeurs small et mid caps ont enregistré une performance supérieure à celle des plus grandes capitalisations, leur valorisation relative par rapport à la croissance estimée de leurs bénéfices plaide à nouveau pour une bonne tenue de ce segment de la cote.
• Sur le segment « crédit », les rendements « High Yield » redeviennent intéressants, avec près de 6 % de rendement en Europe et désormais près de 9 % aux États-Unis, avec déjà un scénario négatif dans les cours. Mais attention à la liquidité et au comportement des investisseurs qui sanctionnent immédiatement toute mauvaise nouvelle. Il convient donc de s’assurer d’une bonne diversification de portefeuille.
• Sur les marchés émergents, il y aura des opportunités au cours de l’année sur certaines devises et marchés obligataires qui commencent à être très décotés. On en reparlera…
En conclusion, nous assistons à la concrétisation boursière d’un certain nombre de risques potentiels. Nous les comprenons et ils sont possibles. mais tout miser sur un scénario très négatif nous semble aujourd’hui aléatoire et nous pensons qu’il est plus opportun d’essayer de tirer parti de cette volatilité.