par Juliette Cohen, Stratégiste chez CPR AM
La zone euro a achevé l’année 2017 sur une croissance de 2,5% selon Eurostat, niveau bien supérieur à son potentiel de croissance (estimé autour de 1%) et qui n’avait pas été atteint depuis la crise financière. Ce bon résultat s’appuie à la fois sur une meilleure dynamique conjoncturelle interne et sur un environnement mondial porteur. La décomposition de la croissance montre également un meilleur équilibre entre investissement, consommation des ménages et commerce extérieur.
La bonne dynamique de 2017 porte l’acquis de croissance pour 2018 à près de 1% et a conduit à des révisions à la hausse des prévisions de croissance pour 2018 et 2019. Dans ses prévisions d’hiver, la Commission européenne attend une croissance de 2,3% en 2018 et de 2,0% pour 2019 contre 2,1% et 1,9% attendus à l’automne dernier. Elle a également évoqué un risque haussier à court terme du fait d’enquêtes de confiance des ménages et des industriels qui ont atteint des niveaux très élevés en début d’année.
Dans ce contexte, est-ce qu’il y a un risque de voir l’inflation surprendre à la hausse ?
Après un rebond de l’inflation à près de 2% en début d’année 2017, du fait d’un effet de base positif sur les prix du pétrole, l’inflation est revenue sur un rythme de 1,4% à 1,5% sur la n de l’année. Début 2018, les premiers chiffres montrent une baisse de l’inflation globale (1,3% en janvier et 1,2% en février) du fait d’un effet de base négatif sur les prix de l’énergie et les prix alimentaires. L’inflation hors énergie et alimentation se stabilise quant à elle autour de 1%.
L’inflation reste donc encore loin de l’objectif de la BCE, qui se situe, rappelons-le, proche de 2% tout en restant inférieure à 2%. Nous anticipons une inflation qui reviendrait vers 1,5% en n d’année 2018 lorsque les effets temporaires des prix de l’énergie, de l’alimentation et de la hausse de l’euro se feront moins sentir. Mais, il nous semble peu probable d’avoir des surprises à la hausse. En effet, le niveau de chômage encore élevé (8,6% pour la zone) et donc l’absence de tensions inflationnistes sur le marché du travail reste un frein à une hausse plus substantielle de l’inflation à court terme. Par ailleurs, les disparités géographiques restent fortes : l’inflation commence à être plus élevée en Allemagne où l’utilisation des capacités de production est plus forte mais elle reste faible dans les pays périphériques et dans une certaine mesure en France.
La politique monétaire va-t-elle rester un facteur de soutien dans les prochains mois ?
Après une phase de stabilisation, la zone euro commence la phase d’expansion de son cycle économique. Même si sa croissance est plus vigoureuse, les pressions inflationnistes y sont plus modérées qu’aux États-Unis. La désynchronisation des politiques monétaires américaine et européenne va donc se poursuivre.
Constatant la disparition du risque de déflation, la BCE a commencé l’année en réduisant de nouveau le rythme de son assouplissement quantitatif. Elle a ainsi diminué le montant de ses achats d’actifs mensuels de 60 à 30 milliards d’euros en janvier et ce jusqu’en septembre 2018 a minima. Elle pourrait arrêter ses achats à cette date ou bien les prolonger « si nécessaire ».
Pour autant, M. Draghi l’a répété lors de sa conférence de presse du mois de janvier, la BCE ne procédera à une 1e hausse des taux que bien après, « well past », l’arrêt des achats d’actifs. Il a aussi déclaré que la probabilité d’une hausse de taux dès cette année était très faible. Celle-ci ne devrait donc intervenir, au plus tôt, qu’au 1er semestre 2019. La BCE est en phase de réduction de son assouplissement quantitatif mais ce mouvement sera très graduel. En n, la BCE a rappelé qu’elle n’avait pas d’objectif de change mais qu’en revanche, elle était préoccupée par les mouvements soudains de parité qui devaient être surveillés au regard de son objectif de moyen terme. C’est un élément qui devrait renforcer la prudence de la BCE.
Une nouvelle progression de l’euro pourrait-elle remettre en cause la dynamique positive à l’œuvre en zone euro ?
Nous l’avons vu l’année dernière, l’appréciation de l’euro a accompagné l’amélioration significative de la croissance de la zone euro. À ce stade, une appréciation modérée supplémentaire de la devise européenne qui interviendrait dans un contexte porteur ne constitue pas un élément de fragilité pour notre scénario économique pour 2018.
En revanche, la hausse de l’euro a pesé sur les marchés actions en 2017, malgré des publications de résultats des entreprises européennes qui ont été de bonne facture. En effet, leurs bénéfices ont crû de près de 10% (consensus Factset) sur l’année 2017 et les attentes restent élevées pour 2018 avec des anticipations de croissance des bénéfices autour de 7 à 8%. Il nous semble que la bonne dynamique économique, le soutien de la banque centrale, même s’il est moins marqué, ainsi que des anticipations de croissance des bénéfices élevées constituent un environnement favorable au marché actions de la zone euro, pour peu que les principaux risques que nous identifions, risques politiques européen (Italie, Brexit) et américain et perception d’une inflation plus élevée que prévu aux États- Unis, ne se matérialisent pas au cours des prochains mois.