par Christopher Dembik, Economiste de Saxo Banque
• Le bilan économique de Dilma Rousseff réduit ses chances de remporter un deuxième mandat.
• Le Bovespa pourrait gagner encore 10% de plus cette année en cas de victoire de Marina Silva.
• Dans cette perspective, les actions des géants énergétiques pourraient offrir le meilleur potentiel de hausse.
Plusieurs exemples récents nous montrent que les échéances électorales peuvent engendrer d’importantes fluctuations des indices boursiers, comme ce fut le cas au Japon ou en Inde. La même chose a toutes les chances de se produire au Brésil dans le cadre de l’élection présidentielle des 5 et 26 octobre qui oppose Dilma Rousseff et Marina Silva. En cas de victoire de cette dernière, il n’est pas exclu que le Bovespa connaisse un rallye de fin d’année avant l’heure.
Rousseff face à l’échec du régime de croissance brésilien
Il est très rare qu’une élection se joue uniquement sur un bilan mais de mauvais résultats économiques peuvent souvent faire peser la balance dans un sens plutôt que dans un autre. C’est ce qui risque d’arriver au Brésil. Les deux candidates principales, Dilma Rousseff et Marina Silva, sont au coude-à-coude selon les derniers sondages.
Il y a encore quatre ans, Dilma Rousseff, en digne héritière de Lula, était perçue comme la candidate des marchés financiers. C’était sans compter les nombreuses déconvenues économiques des dernières années qui ont érodé ses soutiens. C’est désormais Marina Silva, la surprise de cette élection, qui a les faveurs des milieux d’affaires.
Incapable de repenser le régime de croissance brésilien, Dilma Rousseff a perdu tout le capital sympathie qu’elle détenait. En 2010, juste avant qu’elle ne prenne les rênes de l’Etat, la croissance du géant brésilien s’élevait à 7.5% par an. Elle n’était plus que de 2.5% en 2013 et pourrait même atteindre 0% cette année après une entrée en récession technique au premier semestre. Les perspectives pour 2015 ne sont guère plus réjouissantes car l’activité pourrait rester atone, comprise entre 0.5% et 1% en fonction de l’évolution du climat politique dans le pays et de la politique monétaire américaine.
Peu importe la candidate qui remportera la présidentielle, elle sera contrainte de procéder à de sévères ajustements pour endiguer la hausse de l’inflation, des dépenses et elle devra revoir la régulation du prix de l’essence. Dilma Rousseff et Marina Silva partagent la même analyse de la situation mais les leviers à actionner pour remédier à la stagnation économique ne sont pas partagés. La principale inconnue en cas d’élection de Dilma Rousseff est de savoir si l’actuel ministre des Finances, Guido Mantega, considéré comme l’artisan des taux bas qui ont conduit le pays dans les remous de l’inflation, sera reconduit.
Hausse possible du Bovespa de 10% d’ici la fin de l’année
Le scénario d’une victoire de Marina Silva est celui privilégié par les investisseurs. Depuis le début de l’année, le Bovespa a gagné près de 10%. Sa progression s’est même accélérée depuis son point bas annuel du 14 mars, avec un gain de 33% depuis cette date, sous l’effet de sondages défavorables à la présidente sortante.
L’intrusion du gouvernement dans les secteurs stratégiques et dans la gestion des entreprises publiques, qui constituent les principales valorisations du Bovespa, ont eu un effet repoussoir pour les investisseurs. Sur le mandat de Dilma Rousseff, le Bovespa a reculé de près de 19%.
L’une des décisions les plus controversées fut de réguler strictement les prix de l’énergie, en particulier de l’essence, conduisant à une perte de près de 37 milliards de dollars pour le géant Petrobras depuis 2011.
La perspective d’un renouveau a toutefois permis au marché boursier brésilien d’afficher l’une des meilleures performances parmi les marchés émergents en 2014. L’iShares MSCI Brazil ETF a connu une hausse de 20% cette année contre seulement 0.67% pour le MSCI Emerging Markets Index. Seul le marché boursier indien fait mieux au niveau des BRICS.
En cas de victoire de Marina Silva, le mouvement d’appréciation a toutes les chances de se poursuivre, causant un rallye de fin d’année avant l’heure, avec un potentiel de gain minimum de 10% pour le Bovespa.
Les actions à suivre à l’approche du scrutin : Petrobas et CEMIG
Les valeurs qui profiteraient le plus d’une alternance politique au Brésil seraient celles du secteur énergétique qui a subi ces dernières années un renforcement de la mainmise étatique.
L’étau devrait se desserrer sur Petrobras qui représente la première valorisation du Bovespa, à hauteur de 12%. En dépit d’une progression depuis janvier de près de 53%, l’action reste encore très sous-évaluée. Le ratio cours sur bénéfices du groupe se situe à 9 contre 12 pour les concurrents de taille similaire que sont ExxonMobil et Chevron, ce qui indique une marge d’appréciation importante.
L’entreprise d’électricité brésilienne CEMIG est l’autre valeur qu’il faudra suivre. Malmené par le gouvernement pour ne pas avoir accepté la nouvelle réglementation des prix, le groupe s’est vu refuser le renouvellement de plusieurs licences d’exploitation. Son action est également en chute libre depuis quatre ans.
Bien-sûr, il serait erroné d’attendre trop d’une victoire de Marina Silva. Les dés sont encore loin d’être jetés et il n’est pas improbable que Dilma Rousseff l’emporte à l’arraché. Mais on peut espérer que les difficultés rencontrées pour se faire réélire vont l’inciter à changer de stratégie économique et aussi à améliorer le climat dans les affaires. Le Brésil se situe à la 116ème place de l’indice Doing Business de la Banque Mondiale, derrière le Pakistan et l’Ukraine. Une hérésie pour celui qu’on voyait il y a encore quelques années emboîté le pas de la Chine et des grandes économies développées.