par François-Xavier Chauchat, Membre du Comité d’Investissement, responsable du cadrage macroéconomique et de l’allocation d’actifs chez Dorval AM
Rassurés par la résilience de l’économie et par les vaccins, les investisseurs se posent désormais la question des excès. Les bourses mondiales ont-elles monté trop vite ? Les plans de relance américains successifs vont- ils faire flamber l’inflation et les taux d’intérêt ? Des bulles menacent-elles d’éclater ? Certaines de ces inquiétudes nous semblent légitimes, d’autres moins.
La reprise économique et l’existence de goulets d’étranglement (matières premières, fret maritime) vont certes faire remonter certains prix en 2021, mais parier sur un excès d’inflation durable reste très spéculatif. A ce stade, nous assistons à une normalisation des anticipations d’inflation qui ne peut être qu’encouragée et non combattue par la Réserve fédérale. Celle-ci n’a pas l’intention de changer de politique aussi tôt dans la phase de reprise, consciente que l’inflation pourrait à nouveau manquer une fois l’accélération économique passée. Le plan reste de regagner le terrain économique perdu, en particulier sur le front de l’emploi. La réussite de ce plan est crédible aux Etats-Unis mais reste incertaine en Europe et dans nombre de pays émergents.
Les investisseurs s’inquiètent aussi des conséquences d’une normalisation (probablement partielle) des taux longs américains sur les bourses mondiales. Les liens entre taux d’intérêt et valorisation des actions sont cependant complexes et équivoques. Si les valorisations avaient suivi la baisse des taux depuis quinze ans, les actions seraient d’ailleurs beaucoup plus chères encore. La prime de risque des actions par rapport aux obligations reste en effet confortable, ce qui n’était le cas ni en 1987 ni en 2000.
C’est la perception des risques qui mène les mouvements des marchés financiers. Craignant d’abord une crise à la 2008, les épargnants ont été rassurés par le comportement des marchés des actions face à la grave crise de la Covid-19. C’est la raison pour laquelle les flux vers les marchés des actions sont si importants depuis le début de l’année. Cette impression de confort mène parfois à des excès, comme en témoigne l’utilisation de plus en plus large d’applications de trading boursier, avec des phénomènes de foule parfois irrationnels, comme dans l’affaire GameStop. La popularité des thèmes du monde de demain (greentech, biotech, numérique, etc.) participe aussi d’une euphorie parfois suspecte. Mais le fort appétit des investisseurs pour le risque est une configuration classique en sortie de crise, et elle peut parfois durer plusieurs mois.
Cet appétit est soutenu par le vif redressement des bénéfices des sociétés cotées. A Wall Street, les profits finissent l’année 2020 en hausse de 2% par rapport au T4 2019. Même si Corporate America domine toujours la scène mondiale des profits, certains secteurs de la cote européenne ont tiré leur épingle du jeu, dont en particulier les petites valeurs. Ces performances bénéficiaires sont remarquables alors que l’économie reste très éloignée de son sentier de croissance tendancielle.
Dans nos portefeuilles nous cherchons à capter la reprise des profits des sociétés au travers des thématiques de relance verte, des secteurs « post-covid » (tourisme, banques, etc) et de reprise industrielle en Asie du Nord. Nous gérons les risques en recherchant une forte diversification et en modulant le taux d’exposition au marché autour de niveaux modérés. Nos positions obligataires demeurent quasi-inexistantes.