par Christophe Morel, Chef économiste chez Groupama AM
La crise sanitaire est le catalyseur d’une récession qui serait de toute façon survenue. L’ajustement de la production et des stocks a été si violent que le besoin de rattrapage est très important suggérant désormais un « élastique » conjoncturel positif, sans doute sous-estimé. A plus long terme, cette crise est une opportunité historique d’affronter toutes les transitions (environnementale et énergétique, numérique et démographique) et de les accompagner socialement pour ne pas accentuer davantage les inégalités.
Le Covid-19 est un choc « exogène » qui a précipité l’économie mondiale en profonde récession. S’il n’avait été provoqué par un événement externe, cet ajustement cyclique serait survenu de lui-même, dans une bien moindre mesure évidemment : pour mémoire, jusqu’au début 2020, l’économie américaine expérimentait le cycle économique haussier le plus long depuis le milieu du 19ème siècle (plus de 10 ans s’étaient écoulés depuis la précédente récession de 2007-2009) et ce cycle haussier devait s’achever à un moment donné alors qu’il montrait des signes d’essoufflement. Ainsi, la crise est le catalyseur d’une récession qui serait de toute façon survenue. L’ajustement de la production et des stocks a été si violent que le besoin de rattrapage est très important suggérant désormais un « élastique » conjoncturel positif, sans doute sous-estimé.
La crise sanitaire a aussi été le prétexte à un changement de dogme de politique économique, permettant de mettre en place une nouvelle architecture beaucoup plus équilibrée, beaucoup plus saine. Depuis plusieurs décennies, la politique budgétaire était devenue prisonnière d’un dogme sur le plafond de la dette, se focalisant sur les équilibres budgétaires à court terme. Cette carence de la politique budgétaire a laissé une place surdimensionnée à la politique monétaire pour lisser les fluctuations conjoncturelles. Soumis à une pression de plus en plus forte des marchés financiers pour maintenir des conditions monétaires très accommodantes, les banques centrales ont favorisé l’instabilité financière, qu’elles soignaient par des conditions monétaires encore plus accommodantes. En ce sens, la crise permet un rééquilibrage sain des politiques économiques pour réduire l’importance excessive de la politique monétaire, des marchés financiers, et ce faisant l’instabilité financière.
Allonger l’horizon et appréhender les transitions contemporaines
Enfin, cette crise est une opportunité unique d’allonger l’horizon pour affronter les défis de long terme, singulièrement la perspective du réchauffement climatique. Et les décideurs politiques ne pouvaient évidemment affronter un défi de long terme avec des contraintes financières de court terme. Financer des investissements dont les retombées seront collectives et seulement perceptibles sur le long terme, suppose d’adopter un nouveau cadre, de changer de « logiciel » sur le plafond acceptable de la dette et d’accompagner des transitions socialement coûteuses à court terme. De ce point de vue, la crise du Covid-19 est apparue comme une opportunité historique d’affronter toutes les transitions (environnementale et énergétique, numérique et démographique) et de les accompagner socialement pour ne pas accentuer davantage les inégalités.
Beaucoup d’analystes ont comparé les conséquences de la crise sanitaire à une guerre. A tort : il n’y pas de destruction du capital physique. En revanche, les changements climatiques se traduiront par des destructions du capital physique et humain, singulièrement dans l’hémisphère sud. En ce sens, la crise sanitaire donne l’opportunité d’envisager les reconstructions avant les destructions.