La croissance mondiale 2013 sous le signe de l’incertitude

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

La croissance mondiale aura bien ralenti en 2012, sous l’effet de la décélération du commerce mondial mais également comme conséquence du resserrement du policy-mix1 opéré début 2011 dans de nombreux pays. La crise de la zone euro aura été un facteur important dans la dégradation de la conjoncture mondiale mais n’aura pas été le seul. La plupart des régions et des économies du monde ont été affectées, affichant des ralentissements plus ou moins marqués. Le Japon et les Etats-Unis ont fait figure d’exception, le premier ayant bénéficié du contrecoup de la catastrophe de Fukushima (qui s’estompe dès le T3-2012) et les seconds ayant maintenu des politiques économiques très expansionnistes en 2012.

Nous n’attendons pas de forte reprise en 2013, la croissance mondiale resterait en moyenne sur un rythme proche de celui enregistré en 2012 (légèrement inférieure à 3% en PPA). Nos prévisions font partie de la fourchette basse des projections pour de nombreux pays, notamment les Etats-Unis ou la zone euro.

Notre prudence repose sur l’idée que les ajustements en cours des bilans des agents vont continuer de peser sur la croissance des pays développés et que les marges de politiques économiques dans les grands pays émergents sont limitées. Les grandes lignes de notre scénario pour 2013 sont les suivantes :

  1. Le désendettement des agents privés va se poursuivre dans de nombreux pays développés mais son ampleur pourrait s’atténuer, notamment par exemple aux Etats-Unis.
  2. Les politiques budgétaires vont globalement continuer à se resserrer avec la réduction des déficits publics dans bon nombre de pays.
  3. Les politiques monétaires vont en revanche rester très expansionnistes avec des taux proches de zéro dans les grands pays développés et un probable statu quo dans les pays émergents. Un dérapage de l’inflation pourrait toutefois conduire à un resserrement précoce dans certains pays émergents, en particulier au Brésil.
  4. L’incertitude va continuer de prévaloir constituant toujours un frein dans les décisions d’investissement des agents.

Le maintien de la croissance mondiale sur un rythme proche de celui de 2012 masque cependant des évolutions divergentes en fonction des pays. Les Etats-Unis auront tendance à ralentir alors que certains émergents pourraient voir leur croissance se raffermir quelque peu (Chine, Brésil,…). Enfin, la récession devrait continuer de prévaloir en zone euro. Les sources d’incertitude restent importantes.

  • L’ampleur du « fiscal cliff » américain : en théorie d’un montant de 600Md$ (4pts de PIB), le choc fiscal devrait être de l’ordre de 1/1,5pt de PIB selon nous (extinction de certaines baisses d’impôts et coupes automatiques de dépenses). En conséquence, la croissance américaine ralentirait au premier semestre 2013 et le PIB ne progresserait que de 1,5% en moyenne sur l’année après 2,1% en 2012. En parallèle la politique monétaire resterait très expansionniste (de nouveaux achats de titres du Trésor ?).
  • Les incertitudes sur la sortie de crise de la zone euro : les solutions à mettre en œuvre pour la Grèce, le cas espagnol (OMT ?), les avancées institutionnelles (union bancaire, …). La zone euro enregistrerait une récession du même ordre qu’en 2012 (-0,5% attendu en moyenne) mais avec un profil un peu plus favorable, la croissance redevevant positive en dynamique trimestrielle au second semestre. La poursuite du désendettement privé couplé à la réduction des déficits publics continuera de peser sur la croissance en 2013. Il faudra attendre 2014 pour revenir sur des perspectives un peu plus favorables lorsque l’ajustement budgétaire aura bien avancé.
  • La difficile utilisation des politiques économiques en Chine : la Chine se trouve coincée entre la nécessaire mise en place de réformes structurelles et le souhait de ne pas voir sa croissance trop ralentir2. Les autorités chinoises sont obligées de piloter la croissance (« fine tuning »). Grâce notamment à un desserrement de la politique monétaire et au soutien public à des projets d’investissement, la croissance chinoise reviendrait sur un taux de croissance en 2013 plus proche de 8% que de 7,5%, après le point bas du milieu d’année 2012.

Après un très net ralentissement en 2012, la croissance brésilienne repartira en 2013 sous l’effet de politiques économiques plus expansionnistes (rappelons que le taux Selic a été abaissé de plus de 5pts depuis mi-2011 et que de nombreux projets d’investissement sont en cours, en prévision des événements sportifs). Pour autant, avec un taux d’inflation encore élevé et des tensions sur le marché du crédit, les marges de manœuvre paraissent aujourd’hui limitées.

NOTES

  1. Policy-mix : combinaison de la politique monétaire et de la politique budgétaire.
  2. Cf. Edito Eco hebdo du 02/11/12 « Chine, dilemme de politique économique »

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