par Aninda Mitra, Responsable de la stratégie macro et d’investissement pour l’Asie chez BNY Mellon IM
Tous les deux ou trois ans, les doutes des marchés concernant les excès macroéconomiques et les incertitudes liés à la politique étrangère américaine font resurgir le spectre de la « dédollarisation » – ou la perte d’influence du dollar dans la finance mondiale. Ce phénomène se distingue des mouvements cycliques du billet vert, qui reflètent surtout les décalages dans les cycles macroéconomiques et politiques des divers pays, ainsi que la fuite vers des valeurs dites « refuges » observée en période de crise. Compte tenu de la montée des spéculations entourant une éventuelle dédollarisation, nous présentons ci-après nos principales opinions sur le sujet :
- Le rôle dominant du dollar n’est pas près d’être remis en cause. Un écosystème financier bien ancré, centré sur le dollar et le système historique d’alliances géopolitiques des États-Unis, créent de puissants effets de réseau et permettent au dollar de remplir tous les critères souhaités en termes de profondeur de marché et d’acceptabilité pour remplir le rôle de moyen d’échange, de fournisseur de liquidités et de réserve de valeur au niveau international.
- Toutefois, un nombre croissant de pays émergents – en particulier la Chine – continueront à promouvoir l’utilisation de leur propre devise pour le règlement de leurs échanges commerciaux. Les évolutions géopolitiques et l’amélioration des systèmes de paiement jouent un rôle de plus en plus important à cet égard. Tout comme de nombreuses économies avancées cherchent à renforcer la résilience de la chaîne logistique et à atténuer le risque de concentration, plusieurs pays émergents pourraient être tentés de protéger leurs capacités de règlement des échanges et de diversifier progressivement leurs réserves de change.
- Même si son utilisation recule progressivement à plus long terme, le dollar restera probablement la principale monnaie d’échange au niveau international. L’utilisation du yuan chinois dans la facturation des échanges est également appelée à augmenter. Mais la devise chinoise a peu de chances de devenir un actif « de réserve » en l’absence de profonds changements institutionnels ou de nette évolution du régime politique. Or, ces changements semblent peu probables dans le contexte politique chinois actuel. Sauf bouleversement politique majeur, la codépendance entre le yuan et le dollar devrait donc persister.
- Les risques susceptibles de pénaliser le dollar sont liés à un recours accru et agressif aux sanctions économiques, une politique isolationniste ou encore les répercussions négatives d’une décision prise par les Etats-Unis eux-mêmes. On peut citer, par exemple, une sortie inattendue des accords commerciaux et des alliances militaires noués par les États-Unis avec des partenaires économiques clés, ou une incapacité à résoudre l’équation du plafond de la dette. Il ne s’agit toutefois pas de notre scénario de référence.