La reprise cyclique nécessaire pour justifier l’avance des banques centrales sur la croissance future

par Christophe Morel, Chef Economiste de Groupama AM

Trois thèmes dominent actuellement les réflexions des investisseurs : la reprise cyclique, l'endettement public américain et enfin, l’enjeu de la stabilité financière qui réapparaît progressivement mais sûrement.

Une reprise cyclique globale et synchrone se met en place

Le climat des affaires se redresse significativement et simultanément dans la plupart des économies développées. Et ce rebond conjoncturel est « crédible » justement parce qu’il est homogène et partagé. Certes, pour le moment, la reprise cyclique est plus perceptible dans les indicateurs avancés que dans les statistiques « réelles » d’activité, mais elle augure tout de même d’un franc redémarrage du commerce mondial. D’ailleurs, plusieurs baromètres de marché confirment la perspective d’un redressement des échanges internationaux : l’indice des prix du fret maritime (le « Baltic »), le marché coréen des actions (dit « Docteur Kospi » en raison de son caractère prédictif sur la conjoncture mondiale) ou encore les valeurs cycliques (qui surperforment les indices généraux dans la plupart des zones géographiques).

Endettement public américain : le sens de l’histoire, c’est … la hausse

Même si les discussions budgétaires aux États-Unis ont pour le moment abouti, elles conduisent forcément à s’interroger sur la perspective à moyen terme des finances publiques américaines. De ce point de vue, notre analyse fondamentale nous conduit aux conclusions suivantes :

  • il convient de garder à l’esprit que tant qu’il n’y aura pas de « grand accord » avec une baisse durable des dépenses publiques, le débat sur le plafond de la dette est susceptible de revenir chaque année ;
  • en raison de la hausse annoncée des dépenses de santé et de la charge d’intérêt, la situation budgétaire aux États-Unis a vocation à se détériorer à nouveau à partir de 2016, et l’endettement public devrait tendre vers 90% du PIB d’ici 25 ans (contre 70% actuellement) ;
  • la trajectoire budgétaire est très vulnérable à un quelconque choc (un retour en récession reste évident à un moment donné dans le temps). La problématique de la « falaise fiscale » (fiscal cliff) est donc davantage « devant » que « derrière » sachant que l’économie américaine doit impérativement se reconstituer un matelas de sécurité budgétaire ;
  • tous les leviers seront ultimement activés pour réduire l’endettement. Les dépenses publiques devront diminuer, et la politique monétaire sera durablement accommodante de façon à maintenir des conditions de financement basses pour alléger la facture du désendettement ;
  • enfin, si l’endettement public américain n’est pas soutenable à long terme, sa soutenabilité doit s’apprécier en terme relatif dans un environnement où la dette est difficilement soutenable dans plusieurs pays développés.

La stabilité financière, un thème sans doute central en 2014 L’incertitude autour de la nomination du prochain Gouverneur de la Fed a été le prétexte à de nouvelles interrogations sur la stabilité financière : les injections de liquidités des banques centrales n’ont-elles pas excessivement reflatées les actifs financiers et immobiliers ?

Ainsi, en Grande-Bretagne, certains indicateurs suggèrent que les prix de l’immobilier pourraient retrouver dès l’année prochaine leur niveau de pré-crise. Ou encore aux États-Unis, le ratio rapportant la richesse des ménages au revenu disponible redevient très élevé, reflétant le paradoxe de l’économie américaine à savoir une croissance des revenus (et donc de l’activité) jusqu’à présent insuffisante pour « justifier » la revalorisation des actifs financiers et immobiliers. Très clairement, il est urgent que la reprise cyclique se pérennise pour justifier « l’avance » effectuée par les banquiers centraux et déjà factorisée par les marchés financiers.