par Michala Marcussen, Chef Economiste Groupe et Directrice des Etudes économiques et sectorielles chez Société Générale
Le commerce mondial a continué à se redresser, même si les volumes sont encore bien inférieurs aux niveaux d'avant la crise et les perspectives restent incertaines, car plusieurs grands pays ont pris de nouvelles mesures de distanciation sociale pour maîtriser la propagation de la Covid19. Au-delà de l'impact direct de la pandémie, les nouvelles mesures politiques sur le commerce et la manière dont les entreprises vont considérer leurs chaînes d'approvisionnement seront probablement les principaux moteurs du commerce mondial à long terme.
Sur une note positive, la dernière vague de mesures de distanciation a été accompagnée d’un effort pour maintenir les usines ouvertes, ce qui atténue l'impact sur le commerce des marchandises. En revanche, le commerce des services qui nécessitent une prestation de proximité, tels que les voyages, le tourisme et l'éducation, continue de subir des entraves. En outre, contrairement au commerce des biens qui, en période de reprise, peut espérer bénéficier d'une demande retardée, cet effet est beaucoup moins marqué pour les services. Par exemple, si les gens peuvent souhaiter remplacer une vieille voiture en période de reprise, ils ne vont pas doubler leurs budgets de vacances.
La composition de la croissance est également clé pour le commerce. La reprise des investissements a été très modeste après la crise financière de 2008, et comme cette composante du PIB est riche en importations, cela a été un facteur de modération pour le commerce mondial. Une exception notable àcette époque était la Chine, qui, grâce à un plan de relance à grande échelle axé sur l'investissement, est devenue un moteur pour les exportateurs, notamment de biens d'équipement et de matières premiers. Le fait que de nombreux gouvernements mettent aujourd'hui l'accent sur l'investissement dans leurs plans de relance est porteur d'espoir sous cet angle, mais il convient de noter que le contenu en importations de la modernisation d’infrastructures existantes sera probablement plus faible que pour les nouveaux développements. Outre le fait que la modernisation d’infrastructures existantes est plus rapide à mettre en place, la moindre intensité d'importation peut même être attrayante pour les gouvernements désireux de relancer leur économie nationale.
Si de nouveaux vents contraires cycliques soufflent en Novembre 2020 sur le commerce des biens, la suite pourrait cependant apporter un souffle plus positif.
Le 3 novembre, les États-Unis ont élu leur prochain président, renouvelé la Chambre et le Sénat. La nouvelle administration devra se positionner sur les questions commerciales, et on espère voir l'Amérique revenir sur la scène mondiale dans un rôle de leader plus constructif. Une réduction rapide des droits de douane en vigueur semble peu probable, mais un certain assouplissement est espéré. Plus fondamentalement, il semble peu probable que la position des faucons à l'égard de la Chine change de sitôt. Si les États-Unis décidaient de réintégrer l'accord de Paris, cela pourrait constituer un premier pas vers un resserrement des liens transatlantiques.
Le 15 novembre, quinze pays asiatiques, dont les pays de l'ASEAN, la Chine, la Corée du Sud, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon, ont signé un partenariat économique régional global (PREG). Par sa taille l'accord est large, concernant un peu moins de 30 % du PIB mondial. Sur le plan du contenu, il est cependant peu profond, consolidant pour l'essentiel des accords déjà existants, tout en établissant un accord commercial important entre le Japon, la Chine et la Corée du Sud. En outre, les délais de mise en œuvre seront longs. L'accord présente néanmoins un intérêt, notamment en ce qui concerne les règles d'origine, qui devraient faciliter le fonctionnement des chaînes d'approvisionnement dans la région.
Plus près de nous, au moment où cet article est imprimé, un accord sur le Brexit pourrait être conclu, mais la voie du succès est étroite pour un accord dès novembre. Même avec un accord, les relations commerciales entre le Royaume-Uni et l'Union européenne devraient s’inscrire en retrait par rapport à l'accord actuel.
Pour conclure sur l'Union européenne, nous constatons que, fidèle à l'expérience historique, cette crise semble permettre d’approfondir l'intégration. Le programme de relance Next Generation EU, bien qu'il soit toujours en attente de l'approbation du Parlement, promet une nouvelle convergence dont les pays à faible revenu seront les principaux bénéficiaires. La proposition d'une Union européenne de la santé, à la mi-novembre, est un autre point positif. On peut également espérer un nouvel élan pour l'Union bancaire et l'Union des marchés de capitaux. Le mois de novembre pourrait donc aussi marquer un tournant.