par Emmanuel Auboyneau, Gérant associé chez Amplegest
Le récent rebond de la croissance américaine (PIB 4ème trimestre : +3,2%) a surpris les observateurs et décale les anticipations de baisse des taux de quelques mois. Le cycle de desserrement monétaire commencera au mieux au second semestre 2024.
Les Etats-Unis ne cessent de surprendre par la résilience de leur activité. En dépit du choc de taux subi en 2022/2023, la consommation reste très vigoureuse. Le taux d’épargne post covid a désormais été largement consommé, témoignant de la confiance des ménages américains. Ces derniers bénéficient également d’une hausse globale du pouvoir d’achat en raison des hausses de salaires passées. Le marché de l’emploi est toujours aussi solide, donnant au consommateur américain une visibilité qui le rend optimiste. L’acquis de consommation pour le premier trimestre 2024 et d’ores est déjà de +2,1%.
Pourtant, si on y regarde de plus près, l’économie américaine souffre d’un réel déséquilibre. La production industrielle est en baisse de 2,7% sur an indiquant une récession pour l’industrie américaine. Elle souffre des hausses de taux passées et pâtit d’une industrie en berne dans le reste du monde. Cette décorrélation entre des services dynamiques et une industrie en difficulté rend les autorités monétaires perplexes et prudentes dans leur communication.
Sur le front de l’inflation les nouvelles récentes aux Etats-Unis sont favorables. L’inflation reflue et se dirige doucement vers l’objectif final de 2%. Les derniers chiffres sont même meilleurs que prévu, de manière surprenante si l’on prend en compte la forte consommation, le plein emploi et les tensions sur l’immobilier. La Reserve Fédérale est très attentive à l’évolution des salaires. On constate une modération de ceux-ci sur les derniers mois. Toutefois, une reprise de la progression des salaires est tout à fait possible dans le contexte économique actuel et pourrait contribuer à freiner le mouvement désinflationniste. La Banque Centrale américaine restera concentrée sur cette variable en amont de ses décisions futures. La géopolitique pourrait également impacter les prix, notamment si les problèmes de trafic maritime dans le canal de Suez ne sont pas vite résolus. Les effets de base positifs du pétrole devraient également s’estomper progressivement et cesser de contribuer à la baisse des prix.
En Europe la situation est moins florissante même si nous ne voyons pas de récession globale mais plutôt une économie à plat depuis plusieurs mois. De ce côté de l’Atlantique l’industrie est également en récession, affectant particulièrement l’Allemagne, pays industriel s’il en est. L’inflation poursuit sa décrue mais les revendications salariales insistantes dans beaucoup de secteurs doivent également être mises dans l’équation de la Banque Centrale Européenne. Cette dernière restera pragmatique face aux évolutions salariales et aux évènements géopolitiques. La baisse des taux est bien dans les tuyaux mais le calendrier est incertain.
A contrario, la Chine fait beaucoup pour relancer la croissance, à coup de mesures budgétaires et de baisses des taux. Pourtant, malgré des données contradictoires, l’économie reste fragile et peine à rebondir. Nous anticipons une stabilité de l’économie chinoise à ces niveaux modestes pour l’année 2024.
La résilience de la croissance mondiale et les tensions géopolitiques questionnent le consensus optimiste sur les politiques monétaires. Nous maintenons que 2024 sera l’année de la baisse des taux mais seulement dans la seconde partie de l’année.Le consensus commence à s’orienter vers ce scénario.
Depuis trois mois les marchés financiers ont sensiblement rebondi, intégrant des anticipations favorables sur les taux, sans récession notable. Les résultats des sociétés sont également globalement satisfaisants pour le quatrième trimestre 2023. Des retours ponctuels sont possibles en cas de chiffres inflationnistes plus élevés que prévu et d’un consensus évoluant sur les taux. Des pics de volatilité sont probables en 2024, comme en 2023.
Ces données macro et microéconomiques nous conduisent à rester pleinement investis sur nos mandats dynamiques. En revanche nous restons neutres sur les actions dans nos mandats modérés et équilibrés, du fait d’opportunités toujours réelles sur les marchés obligataires.