Le grand retour du consommateur américain ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

A un moment où la croissance chinoise ralentit et où plus généralement celle des grands émergents montre des signes de faiblesse, où la demande japonaise devrait subir les effets négatifs de la hausse de la TVA et où le potentiel de reprise de la croissance en zone euro reste limité, peut-on espérer que l’économie américaine tire la croissance mondiale ? La plupart des statistiques américaines publiées récemment suggèrent qu’après le ralentissement hivernal, les perspectives économiques outre-Atlantique s’améliorent.

En particulier, les ventes au détail américaines du mois de mars ont surpris positivement1 suggérant que la consommation des ménages pourrait s’accélérer à partir du deuxième trimestre. Est-ce le début du grand retour du consommateur américain ? Rappelons en effet que les ménages américains ont connu des périodes fastes dans les années 90 et 2000 durant lesquelles leurs dépenses ont progressé sur des rythmes supérieurs à 3% (3,2% en moyenne de 2000 à 2007). Avec une part de près de 70% du PIB, elles ont été un moteur primordial de la croissance.

Depuis la reprise qui a suivi la crise de 2008/2009, la consommation des ménages américains a progressé de 2,2% en moyenne ce qui peut sembler correct comparé, par exemple, à la zone euro mais ce qui est significativement inférieur au rythme d’avant crise. Il faut toutefois noter une certaine résilience de la consommation face aux chocs : en 2013, alors que leurs revenus réels ont ralenti avec des effets fiscaux négatifs (fiscal cliff), les ménages ont ajusté leur taux d’épargne à la baisse et ont ainsi pu continuer à consommer sur un rythme d’environ 2%.

Aujourd’hui un certain nombre de facteurs suggèrent que les ménages pourraient accélérer quelque peu leurs dépenses dans les trimestres à venir.

Après le ralentissement de 2013, le revenu disponible brut réel des ménages devrait progresser plus vivement en 2014 et 2015. Contrairement à l’année passée, la fiscalité ne devrait plus jouer négativement sur leurs revenus. Par ailleurs, le marché du travail continue de s’améliorer, les créations d’emplois se sont montées à 178K en moyenne sur les trois premiers mois de l’année, l’emploi progressant sur un rythme de 1,7% en glissement annuel au T1. Le taux de chômage s’est stabilisé à 6,7% après la forte baisse enregistrée en 2013 (de 1,2pt), mais avec une remontée du taux de participation qui est signe positif. Sans attendre une forte accélération des salaires avec la persistance d’un taux de chômage supérieur à son niveau structurel et un partage de la valeur ajoutée plutôt en faveur des entreprises, la hausse du salaire horaire moyen visible depuis quelques mois pourrait toutefois se poursuivre. Enfin, l’inflation devrait rester modérée : même si nous attendons une remontée de l’inflation en 2014 et 20152 par rapport au point bas de début 2014, cette dernière devrait rester modeste.

Autre point important, l’assainissement du bilan des ménages américains est bien avancé. Leur taux d’endettement en pourcentage du revenu a baissé de 25 points entre 2007 et fin 2013 pour revenir à environ 104%. Leur solvabilité s’est bien améliorée avec le désendettement et la forte baisse des taux d’intérêt hypothécaire qui a permis à de nombreux ménages de se refinancer. Parallèlement, ils ont bénéficié en 2013 d’une forte hausse de leur richesse nette (9 800Md$) avec le rebond des prix immobiliers (10%) et le rallye des marchés actions (29% sur le S&P500). Toutefois, les prix des actifs devraient augmenter plus modérément cette année avec le ralentissement du marché immobilier et une progression plus faible du prix des actions ce qui suggère peu d’effet richesse.

Enfin, reflet des différents éléments mentionnés plus haut, la confiance des ménages s’améliore mais reste cependant à des niveaux plus faibles que lors des phases de croissance passées. Au total, la consommation devrait progresser sur le même rythme que celui du revenu réel que nous estimons entre 2% et 2,5% les deux prochaines années. Il nous semble en effet peu probable que les ménages réduisent davantage leur taux d’épargne et recommencent à s’endetter massivement.

Quels sont les risques ? Que les entreprises fassent davantage de gains de productivité impliquant une évolution moins favorable de l’emploi et des salaires ; que la hausse des taux d’intérêt provoque une remontée du taux d’épargne.

NOTES

  1. Cf Data Snap “US Retail sales better than expected"
  2. Cf Flash N° 272 "Etats-Unis : faut-il s’inquiéter de la faiblesse de l’inflation ?"

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