par Christopher J. Molumphy, Vice-Président senior et Directeur de l'investissement chez Franklin Templeton Fixed Income Group
Même si plusieurs incertitudes se sont dissipées avec l'élection présidentielle américaine début novembre, nous pensons que la volatilité des marchés financiers a en fait augmenté depuis lors. Les investisseurs semblent désormais se concentrer sur des problèmes économiques plus vastes et toujours en suspens.
En haut de la liste se trouve le « mur budgétaire », un ensemble de hausses des taxes et de réductions des dépenses publiques qui devrait entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2013. Les sommes en jeux avoisinent 600 milliards de dollars, soit près de 4 % du produit intérieur brut américain. Selon nous, la croissance économique américaine poussive (environ 2 % par an) ne suffira pas à contrebalancer l'impact récessif du mur budgétaire.
Enfin, nous n'anticipons toutefois pas que les effets de la totalité des 600 milliards se feront ressentir. Nous pensons en fait que la levée de la majorité de ces capitaux sera remise à plus tard. Cela ne signifie pas que nous anticipons des négociations sans heurt. En réalité, nous ne serions pas surpris si les négociations se poursuivaient après le 1er janvier, ce qui techniquement nous ferait « rentrer dans le mur ». Toutefois, plusieurs raisons nous laissent croire que les dirigeants politiques parviendront finalement à une solution négociée. Tout d'abord, ce problème est connu du public, ce qui devrait pousser les autorités à chercher un compromis. Ensuite, les deux principaux partis politiques estiment qu'il ne serait pas souhaitable de laisser les États-Unis aller droit dans le mur. Enfin, la proposition d'une hausse des impôts des contribuables les plus fortunés, argument largement répandu dans le public, représente une part relativement limitée de la somme totale. Toutes ces raisons nous amènent à penser qu'il est peu probable que le Congrès laisse l'impact du mur budgétaire se faire ressentir de plein fouet.
Certains pourraient argumenter que de foncer dans le mur serait le meilleur moyen de faire face au déficit. Cette solution pourrait paraître logique en théorie mais elle nous semble peu réalisable dans la pratique. Tout d'abord, les répercussions du mur budgétaire se traduiraient par des difficultés économiques massives. La reprise étant en demi-teinte après une récession très intense, aucun des deux partis ne semble souhaiter entrer dans une nouvelle récession. Ensuite, cet argument ne tient pas compte d'éventuelles conséquences inattendues. En effet, les particuliers et les entreprises modifient leur comportement en fonction des hausses des impôts, parfois de façon très surprenante. Par conséquent, les recettes fiscales effectivement enregistrées pourraient se révéler bien inférieures aux prévisions, annulant ainsi l'impact d'une décision très difficile.
Cela ne signifie pas que le risque d'un nouveau déclassement de la note de crédit américaine est à écarter. Bien au contraire, nous pensons que la situation de la dette américaine est bien plus importante que le mur budgétaire. Les agences de notation, tout comme la communauté internationale, se demandent si les États- Unis sont en mesure d'élaborer un programme viable de réduction de leur dette à long terme ou s'ils se contenteront de choisir le statu quo. En aucune façon, nous pensons que le fait d'éviter le mur budgétaire mettra un terme aux difficultés économiques du pays.
Dans l'ensemble, nous restons toutefois raisonnablement optimistes quant à l'économie américaine. Les consommateurs américains sont parvenus à réduire partiellement leur endettement, le taux de chômage a continué à reculer, les entreprises sont restées solides et le secteur immobilier semble avoir touché un plancher et devrait remonter progressivement la pente. Il existe toutefois des difficultés. Nous pensons que le chômage et le sous-emploi restent trop élevés, alors même que des incertitudes planent sur les plans fiscal et réglementaire. Du fait de ces incertitudes, les entreprises ont gelé les embauches et les projets d'investissement. Dans ce contexte, la croissance économique devrait selon nous rester à son niveau actuel, inférieur à la tendance. Nous pensons néanmoins que les États-Unis se portent relativement mieux que l'Europe et le Japon.
Même si la croissance est très lente, plusieurs secteurs obligataires sont toujours intéressants pour les investisseurs. C'est le cas par exemple des secteurs obligataires mondiaux. En dehors des États- Unis, plusieurs régions et pays présentant de meilleures conditions budgétaires ont continué à émettre de la dette avec des rendements relativement plus élevés. Nous pensons que les obligations d'entreprise, y compris la dette à haut rendement, les prêts bancaires et la dette investment-grade, affichent toujours des valorisations raisonnables.
Les obligations municipales ont également bien résisté, de nombreuses villes étant parvenues à partiellement réduire leurs coûts et gérer leur dette. Alors que les taux d'imposition américains devraient augmenter à court terme, l'absence d'imposition des obligations municipales devrait davantage attirer les investisseurs que par le passé.