par Philippe Waechter, Chef économiste chez Ostrum AM
Le monde ne suit plus une logique coopérative et c’est pour cela que pour retrouver davantage d’autonomie de croissance, l’accord franco/allemand était nécessaire. Il n’est plus possible d’attendre que le monde aille mieux pour aller bien. Il faut prendre des initiatives localement pour relancer et soutenir l’activité.
S’il est validé à l’échelle des européens, le plan de 500 Mds d’euros sera un changement majeur dans le fonctionnement de l’Union Européenne. La Commission Européenne émettrait de la dette à la hauteur du montant du plan puis le capital récolté serait redistribué, sous forme de subventions, entre les pays européens en fonction des besoins en liaison avec les effets de la pandémie. On peut toujours discuter de la taille du plan. Il est réduit par rapport aux plans américains mais c’est une première étape très symbolique.
Le mécanisme est innovant car pour la première fois, la commission émettrait des obligations européennes. Elles ne refléteraient pas la situation ni le crédit d’un pays européen particulier mais de l’ensemble de l’Union Européenne. Un tel actif renforcerait profondément la solidarité entre les membres de l’Union. C’est en cela que l’accord est majeur. Un actif européen serait ainsi créé donnant une assise internationale plus solide à l’Union. Ce doit être le début d’une rupture avec le passé afin d’organiser l’Europe comme une entité plus autonome.
Un fond européen serait créé pour accueillir ces capitaux, donnant ainsi à l’Union Européenne une capacité d’intervention qui n’existait pas jusqu’à lors. Evidemment, cet accord franco-allemand devra être discuté avec les autres membres de l’Union et il est probable que cela sera complexe car chacun voudra une part plus importante que celle qui est la sienne au regard de la pandémie. Il serait souhaitable que les discussions ne se prolongent pas trop longtemps afin d’éviter que ce plan ne devienne effectif de façon trop tardive et donc inutile. Ce serait alors un bon argument pour les anti-européens de montrer l’inefficacité de l’Union. Ce qui n’est ni souhaité ni souhaitable.
Mais c’est une étape importante que de voir l’Allemagne accepter une telle situation. On ne peut écarter que cet accord a bénéficié du jugement de la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe qui pouvait être perçu comme jetant une ombre sur le choix européen de l’Allemagne. Angela Merkel affirme haut et fort sa volonté de construire l’Europe et d’écarter tout retour en arrière.
Un plan de relance de ce type est nécessaire car dans cette crise, l’ensemble des pays du monde est affaibli. Aucun ne peut avoir le rôle de leader capable de créer une impulsion suffisamment forte pour tirer le monde vers le haut. Les Etats-Unis ont longtemps eu ce rôle mais après 20.5 millions d’emplois supprimés en avril, ils pansent leurs plaies et s’occupent de leurs propres maux. Ce n’est pas pour déplaire au locataire de la Maison Blanche que de ne pas avoir à intervenir sur la scène internationale La Chine, qui avait tenu un rôle essentiel en 2009/2010 pour sortir le monde de l’ornière, n’est plus non plus capable d’avoir ce rôle de locomotive. Elle doit elle aussi s’occuper des déséquilibres importants constatés sur son marché du travail.
Dès lors l’Europe doit puiser en elle-même les moyens d’infléchir sa propre dynamique. C’est en cela que le plan est utile. On ne peut plus attendre que le monde aille mieux pour aller bien. Le monde est désormais davantage polarisé et est moins coopératif que lors de la crise de 2008. Les recettes ne peuvent pas être identiques. Si l’Europe se donne les moyens d’être plus autonome alors on peut espérer que dans le futur elle sera un partenaire efficace dans les discussions avec les USA et la Chine. C’est aussi pour cela que cette étape est essentielle.