par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas
Aux Etats-Unis, le président élu, Barack Obama, a fait part de ses profondes inquiétudes concernant la détérioration rapide de la situation économique. Il a, en outre, exhorté le Congrès à voter au plus vite un nouveau paquet fiscal qui avoisinerait 800 milliards de dollars sur les deux prochaines années (ses conseillers économiques débattent encore des modalités du plan avec les membres du Congrès). Il craint, en particulier, que le taux de chômage ne dépasse 10% et que la récession ne persiste plusieurs années. Son plan prévoit la création de 3 millions d’emplois. Cela arriverait à point nommé, alors même que les conditions sur le marché du travail continuent de se détériorer rapidement (taux de chômage en hausse de 6,8% en novembre à 7,2% en décembre et près de 2,6 millions d’emplois supprimés en 2008, record depuis 1945).
Dans la zone euro, les gouvernements poursuivent les efforts de relance de l’activité. Paris travaille sur un nouveau volet d’aides aux constructeurs automobiles et réfléchit plus généralement à l’idée d’accorder des facilitées de crédit aux entreprises. En Allemagne, 100 milliards d’euros sont sur le point d’y être consacrés et l’Etat est désormais entré dans le capital de la Commerzbank à hauteur de 25%, avec une nouvelle injection de capital de 10 milliards d’euros (après une première de 8,2 mds en novembre dernier). En outre, le gouvernement Merkel a trouvé un accord de principe sur un deuxième plan de relance de 50 milliards d’euros, soit 2% du PIB, sur deux ans, après un premier plan de 31 milliards d’euros en fin d’année dernière, jugé trop timide. Toutefois, les sommes engagées le seront principalement au titre d’investissements dans de nouvelles infrastructures. Son impact à court terme sur la croissance risque, par conséquent, d’être limité.
De fait, les nouvelles ne sont guère encourageantes sur le front économique. La production industrielle s’est probablement effondrée en novembre, si l’on se réfère aux premières données nationales. En effet, l’activité a plongé de 3,5% m/m en Allemagne (les commandes ont reculé de 6%), de 2,4% m/m en France et de vraisemblablement de plus de 6% en Espagne (seul le glissement annuel qui a enregistré un recul record de plus de 15% a été publié. – voir Data Focus 3). En outre, les enquêtes récentes signalent une nette détérioration de l’activité en décembre et ne présagent pas de retournement de tendance à court terme. L’indice PMI manufacturier publié par Markit Economics s’est inscrit à 33,9 en décembre, un nouveau plus bas historique (la série existe depuis 1994). En particulier, à 31,2, le niveau atteint par la composante relative à la production est compatible avec une contraction de plus de 10% g.a. de l’activité en décembre. Plus généralement, l’indice composite d’activité, conjuguant l’activité dans les services et dans le secteur manufacturier, a reculé à 38,2, son plus bas historique. En outre, la confiance s’est détériorée significativement en décembre, selon l’enquête de la Commission européenne. Le climat économique a plongé à 67,1, son plus bas historique.
Le marché du travail est de plus en plus touché. Le taux de chômage est passé de 7,7% en octobre à 7,8% en novembre. En outre, en décembre, le taux de chômage s’est envolé en Espagne, de 12,8% à 13,4%, un plus haut depuis janvier 1999 (voir Data Focus 3, alors qu’en Allemagne, le repli du chômage s’est arrêté avec la première hausse du nombre de demandeurs d’emploi depuis 34 mois.
Tout ce qui précède conduit à anticiper un net repli du PIB au quatrième trimestre d’environ 1% t/t. Par ailleurs, les tensions sur les prix cèdent du terrain très rapidement. Ainsi, l’inflation s’est inscrite à 1,6% en décembre, selon l’estimation flash d’Eurostat, après 2,1% en novembre.
Compte tenu de la poursuite des effets de base positifs sur le pétrole ainsi que du ralentissement de la demande, l’inflation devrait continuer de reculer et pourrait même faire une brève incursion sous zéro l’été prochain. Dans ces conditions, nous attendons une nouvelle baisse des taux d’intérêt directeurs à l’occasion de la prochaine réunion du Conseil des Gouverneurs de la BCE, jeudi 15 janvier. Après 75 points de base le 4 décembre, la baisse devrait être de 50 pb, cette fois-ci, en dépit des derniers commentaires de la BCE qui, dans l’ensemble, ne laissent pas entrevoir une baisse supérieure à 25 pb.
Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre a abaissé de 50 points de base son taux directeur à 1,5%, atteignant son plus bas niveau historique en 315 ans d’histoire de la banque centrale. Le Comité de Politique Monétaire estime, en effet, que le rythme de contraction du PIB a accéléré au quatrième trimestre et que l’activité pourrait continuer de reculer franchement au premier semestre de cette année. Le mois prochain, la Banque publiera ses nouvelles prévisions de croissance et d’inflation, ce qui permettra d’évaluer l’impact des décisions précédentes. Nous attendons une nouvelle baisse des taux de 50 pb à cette occasion.