L’économie de l’incertitude

par Marie-Pierre Peillon, Directrice de la Recherche de Groupama AM

Etats-Unis : Dans l’attente d’un accord du Congrès

L’absence d'informations sur l'issue des négociations de la politique budgétaire reste la principale source d'incertitude pour la croissance 2013. En attendant, il est important de bien évaluer la performance de l'économie US en fin d'année. La croissance au quatrième trimestre devrait ralentir après avoir accéléré au troisième trimestre, atteignant 2,7%t/t annualisé en lecture finale.

L’amélioration reflète principalement une plus grande accumulation des stocks qu’initialement estimée, ce qui pèsera sur le PIB au dernier trimestre ; de plus, la croissance des revenus et des dépenses des ménages ont été substantiellement revues à la baisse. La récente prise de conscience des consommateurs américains de l’impact potentiellement négatif du « mur budgétaire » et les résultats mitigés sur les ventes au détail, font que vraisemblablement la consommation des ménages restera modeste en fin d’année. Du coté des entreprises, les inquiétudes pèsent sur l’investissement productif, comme en témoigne une contraction enregistrée au troisième trimestre ; mais en revanche, les créations nettes d’emplois ont à peine marqué le pas en novembre, restant quasiment inchangées par rapport à la moyenne des trois derniers mois. Dans ce contexte hautement incertain, la Fed a décidé de remplacer ses « Opérations Twist » expirant à la fin du mois, par un rachat de bons du Trésor à long terme au rythme initial de 45 Md$ par mois, en plus des rachats actuels de MBS de 40 Md$ par mois. Le bilan de la Fed va donc augmenter de 85 Md$ par mois, ce qui pèsera sur la devise américaine.

Zone euro : Premier signe d’inflexion des enquêtes mais la récession se poursuit

Les enquêtes de conjoncture en novembre ont globalement interrompu leur tendance baissière, après s’être constamment détériorées depuis le début de l’année. Les niveaux demeurent toutefois encore faibles, et sont toujours compatibles avec une contraction du PIB au cours des prochains mois. L’économie est officiellement entrée en récession au troisième trimestre, et les données d’octobre plaident pour une contraction plus marquée de l’activité au dernier trimestre après une baisse de seulement 0,1% au troisième trimestre.

La dégradation constante du marché du travail et la hausse de la fiscalité continuent de peser sur la consommation des ménages tandis que les dépenses en capital se contractent davantage, compte tenu de la faiblesse des carnets de commande et de la baisse du taux d’utilisation des capacités de production. Enfin le rôle d’amortisseur joué par le commerce extérieur est en train de s’amenuiser. La BCE a d’ailleurs révisé à la baisse et de façon significative ses prévisions de croissance et d’inflation pour 2013 et 2014. La Banque Centrale anticipe désormais une récession en 2013 de l’ordre de 0,3% versus une croissance de 0,5% initialement et seulement une reprise modeste de 1,2% en 2014, tout en maintenant des risques baissiers. La BCE prévoit également une moindre inflation, à 1,6% et 1,4% respectivement soit bien en-dessous de la cible de 2%. Il n’est donc pas étonnant qu’un large débat sur une éventuelle baisse de taux ait eu lieu lors du dernier conseil de politique monétaire de l’année.

Pays émergents : La croissance repart doucement

La croissance a atteint son point bas à la fin de l’été dans une partie des pays émergents et s’accélère actuellement. Le commerce international restant déprimé, les fondements de cette croissance sont domestiques. En Chine, la mise en œuvre du 12ème plan quinquennal (énergies propres, rail) favorise l’investissement en infrastructures tandis qu’une inflation autour de 2% l’an soutient le pouvoir d’achat des ménages et donc la consommation. Cependant, à son rythme actuel, la croissance chinoise ne bénéficie pas à l’économie mondiale (pas d’accroissement des importations). Au Brésil, la croissance est de retour mais déçoit, malgré un assouplissement monétaire de 575 points de base depuis septembre 2011. Au troisième trimestre, la majeure partie de la croissance est venue d’une baisse des importations, liée à des mesures protectionnistes mais aussi à des facteurs exceptionnels (faibles importations de pétrole raffiné).

Des pressions inflationnistes toujours présentes montrent que le pays devra investir pour soutenir une croissance plus forte.

Dans les autres grands pays émergents, la croissance reste plus terne. En Russie, une ré- accélération de l’inflation a affecté la consommation, et donc la croissance. En Inde, l’inflation et le déficit budgétaire pèsent sur la croissance, car ils ont empêché toute relance budgétaire ou monétaire. xxxxxxxxxxxxxx Au global, la croissance s’améliore dans les pays émergents, mais les évolutions récentes suggèrent une reprise modeste.