par Gérard Moulin, Gérant du Pôle Actions européennes chez Amplegest
A l’instar du « nuage de Tchernobyl » qui devait s’arrêter à nos frontières, les investisseurs s’illusionnent sur des statuts boursiers, censés être immuables, et qui se révèlent complètement dépassés.
Le 26 avril 1986, le gouvernement français de l’époque assurait que le nuage radioactif provoqué par la catastrophe de Tchernobyl s’arrêterait à nos frontières. Dans un déni issu d’une volonté de préserver la croissance économique et le moral de la population, les autorités ont fini par diffuser très largement ce mensonge d’Etat. On ne peut s’empêcher de faire le parallèle entre cet évènement et ce que l’on peut observer depuis plusieurs trimestres sur le marché des actions.
Quand on est à l’écoute des chefs d’entreprise (quel que soit leur secteur d’activité et la taille de leur entreprise), une évidence s’impose : la montée inexorable, au cours des dernières années, de l’intensité concurrentielle. Les raisons en sont bien connues depuis le début du siècle : rôle de l’OMC, internet, infidélité des consommateurs, essor des pays émergents, etc. Par ailleurs, depuis la crise financière de 2008, le surendettement croissant des Etats conduit à accentuer la pression sur les classes « moyennes-supérieures » réduisant d’autant leur pouvoir de consommation. Ces dernières sont ainsi poussées à accentuer leur pression sur leurs fournisseurs.
Pour les entreprises qui n’ont pas érigé de barrières à l’entrée suffisamment solides, ce cocktail détonant provoque un aléa fort lors des publications de résultats. Les publications trimestrielles se transforment en moment de suspens où les investisseurs « prient » pour que tout se passe bien. Néanmoins, à l’instar de la catastrophe de Tchernobyl, le monde de l’investissement reste trop souvent persuadé que la nomenclature traditionnelle « valeurs de croissance, cycliques ou défensives » est restée figée dans sa composition. Gare à ces vieux réflexes qui ont pour conséquence regrettable de mettre des titres dans des mauvaises cases !
Des valeurs défensives particulièrement menacées
Les valeurs défensives d’hier correspondent, si l’on poursuit cette métaphore, à la frontière française à l’époque de Tchernobyl. Le monde change vite et s’accélère, les anciens secteurs défensifs tels que les télécoms, les pharmaceutiques, les « utilities » sont désormais incapables de protéger un capital (pas plus par leur rendement que par la progression de leur cours). L’intensité concurrentielle, qui provoque la baisse des prix, les affecte en effet au premier chef car ces ex « valeurs défensives » voient leurs savoir-faire contestés. Leur modèle économique est fragilisé, sous les coups de boutoirs de clients de plus en plus exigeants et d’aspects réglementaires de plus en plus contraignants et onéreux. Ainsi, les investisseurs font une erreur colossale d’appréciation en les surpondérant à cause de leur réputation protectrice de valeur défensive. Les déceptions boursières n’en seront que plus redoutables.
Il est, par conséquent, capital de comprendre que les conséquences de la montée en puissance de l’intensité concurrentielle ne s’arrêtent pas aux portes des marchés boursiers. Bien au contraire, ces derniers en sont une caisse de résonance. Les investisseurs sont prévenus.