par Steven Bocamazo, Associate Director of Credit Research chez Loomis, Sayles & Company
Si le secteur automobile a enregistré des ventes solides en 2016 (le chiffre d’affaire atteint 2 000 milliards USD), l’apparence et les performances des modèles proposés devraient être radicalement différentes à l’avenir.
Désormais, les grands constructeurs automobiles concentrent leurs efforts de recherche et de développement dans les domaines de l’électronique et des véhicules autonomes. Les entreprises technologiques sont elles aussi entrées en lice, des acteurs comme Apple, Google, Samsung, Amazon, Intel et Uber consacrant un temps et des moyens considérables aux technologies associées aux voitures sans conducteur. Début mai, le ministère du Territoire, des Infrastructures et du Transport en Corée du Sud a ainsi donné à Samsung l’autorisation de tester des véhicules Hyundai, équipés de sa technologie de conduite autonome, sur les routes du pays.
L’industrie automobile mondiale est sur le point de connaître la révolution technologique la plus importante depuis sa naissance, voici plus d’un siècle. Désormais, les grands constructeurs automobiles investissent massivement dans le développement de véhicules électriques et de voitures autonomes ou sans conducteur. Chacun d’entre eux, ainsi que leurs fournisseurs, se préparent en vue de ces innovations.
A cette n, les constructeurs multiplient les acquisitions de sociétés qui détiennent les technologies et les compétences clés dans ce domaine. Par ailleurs, de grandes multinationales comme Intel et Samsung, auparavant peu présentes dans la chaîne d’approvisionnement de l’industrie automobile, ont récemment racheté ou s’apprêtent à réaliser l’acquisition de fournisseurs jusqu’ici indépendants spécialistes des technologies essentielles à la conduite autonome.
Bien qu’un nombre croissant de véhicules électriques soit maintenant disponible, leur taux de pénétration rapporté au total des ventes de voitures reste très limité, en particulier aux Etats-Unis, compte tenu de leur coût plus élevé et du faible prix des carburants. Nous anticipons une accélération des ventes de véhicules électriques au cours des 10 ans à venir, notamment en Chine et en Europe, face au durcissement des normes en matière d’émissions polluantes. De plus, l’avènement des voitures autonomes, également équipées de moteurs électriques pour la majorité d’entre elles, contribuera à rendre le parc automobile mondial moins dépendant des motorisations à combustion.
Innovation et technologies de rupture
L’essor des services de partage de véhicules, comme Uber, est également susceptible de présenter des dé s et des opportunités pour l’industrie automobile à l’avenir. A l’heure actuelle, il est évident que le développement du partage de voitures a affecté la demande de services traditionnels de taxi et de location de véhicules de prestige, mais l’industrie automobile n’a pas été réellement impactée au regard de la hausse continue des ventes de voitures. Si les services d’autopartage venaient à se généraliser, comme l’on s’y attend, la demande de voitures particulières pourrait considérablement diminuer, notamment en zones urbaines où le coût de détention d’un véhicule est élevé. A n d’être eux-mêmes acteurs de cette tendance, les constructeurs automobiles nouent des partenariats avec Uber et Lyft dans des domaines tels que le développement de véhicules autonomes. General Motors est allé jusqu’à acquérir une participation dans Lyft.
Des véhicules autonomes sont désormais testés dans des environnements contrôlés ainsi que sur les voies publiques. Outre ces essais et la mise au point des technologies nécessaires, dont certaines sont déjà disponibles (ex : systèmes avancés d’aide à la conduite), de nombreux obstacles demeurent, notamment en matière d’assurance, de besoins en infrastructure et de réglementation. Ces questions devront être traitées pour permettre aux véhicules autonomes de se banaliser sur la voie publique. Il ne fait toutefois guère de doute que des voitures autonomes entreront en service d’ici trois à quatre ans, même s’il faut s’attendre à ce que leur lancement soit progressif et prudent.
Perspectives du secteur
L’industrie automobile mondiale a connu une année 2016 fructueuse, avec des ventes solides aux Etats-Unis, en Chine et en Europe occidentale. Cependant, les ventes sont restées moroses en Amérique du Sud et en Russie, en raison de difficultés économiques sous-jacentes. Si nous anticipons une nouvelle croissance des ventes mondiales en 2017, nous notons toutefois une détérioration des fondamentaux sous-jacents de deux des marchés les plus importants, à savoir les Etats-Unis et la Chine.
L’existence d’un marché mature, d’une clientèle aisée et d’un nombre de conducteurs en augmentation, fait des Etats-Unis un marché extrêmement attractif pour l’industrie automobile. En témoigne la période 2010-2016 durant laquelle, portés par le redressement progressif de la croissance du marché américain, les constructeurs automobiles implantés aux Etats-Unis ont surperformé leurs concurrents. Les automobilistes américains ont toujours été plus friands de grosses voitures coûteuses que dans le reste du monde. Le faible prix des carburants et les conditions de financement plus souples, observés ces dernières années, n’ont fait qu’accélérer cette tendance. Cela dit, nous pensons désormais que le marché automobile américain a atteint un palier et que les ventes sont maintenant susceptibles de fluctuer de plusieurs centaines de milliers d’unités par an (à la hausse ou à la baisse).
Les dépenses considérables consacrées aux offres promotionnelles ainsi que le maintien de conditions de financement relativement avantageuses pourraient contribuer à soutenir les ventes à court et moyen termes. Cependant, malgré la nature favorable de la conjoncture actuelle et le faible prix des carburants, la remontée des taux d’intérêt, la dévalorisation des voitures d’occasion et le nombre croissant de véhicules provenant de la location constituent un obstacle à la croissance future des volumes.
Renforcement de la concurrence en Chine
Le premier marché automobile au monde, la Chine, poursuit sa croissance bien qu’à un rythme plus modéré par rapport aux années passées. Les précurseurs sur le marché chinois comme Volkswagen et General Motors conservent une part de marché dominante mais les principaux fabricants d’équipement d’origine (FEO) sont désormais tous présents sur ce marché important. Le positionnement de plus en plus compétitif des marques locales chinoises constitue une menace pour les constructeurs bien établis et contribue à maintenir la pression sur les prix des véhicules.