Les risques de marché sont devenus baissiers

par Klaus Wiener, Directeur de la recherche de Generali Investments Europe

En dépit de la mauvaise gestion de la crise à Chypre et de l'impasse politique persistante en Italie, les marchés financiers ont fait preuve d’une forte résistance en mars.

C’est selon nous la conséquence de l'arsenal de plus en plus large dont dispose la BCE, de l'amélioration des statistiques macroéconomiques à l'échelle mondiale et des nouvelles mesures monétaires de soutien.

A l’avenir, nous nous attendons à ce que les effets de ces facteurs se poursuivent, aidant ainsi les marchés à globalement rester stables. Toutefois, la tentative de mise à contribution des déposants non assurés à Chypre a été l'occasion de briser un tabou supplémentaire ; dans ce contexte, les risques de marché sont devenus baissiers.

En mars, les marchés financiers en zone euro ont (une nouvelle fois) été dominés par les événements politiques, au premier rang desquels a figuré la crise à Chypre, mais également la quasi-absence de progrès pour la formation d'un gouvernement stable en Italie. Il y a un an, des événements de cette nature auraient presque certaine- ment conduit à d'extrêmes turbulences sur les marchés ; mais, cette fois-ci, ils ont particulièrement bien résisté. Non seulement les actions américaines et en zone euro ont légèrement progressé durant le mois, mais les spreads de crédit notamment des pays périphériques n'ont quasiment pas évolué. Certes, l'euro a cédé deux centimes face au dollar pour s'établir à un petit peu moins de 1,30 euro pour un dollar, mais la grande surprise est venue du caractère très limité de cette baisse. Bien entendu, certains signes de tension ont pu être observés comme l'absence de remboursement anticipé par les banques italiennes des prêts octroyés dans le cadre des LTRO. Cela étant, il semble que les investisseurs aient commencé à considérer ces obstacles politiques comme étant de nature idiosyncratique, plutôt que systémique.

Selon nous, trois principales raisons expliquent cette résistance accrue des marchés financiers. Premièrement, dans la mesure où le programme OMT est en place, la BCE est désormais mieux armée pour faire face à de nouveaux épisodes de tension sur les marchés des emprunts d’État. Deuxièmement, s'il est vrai que la situation macroéconomique de la zone euro est extrêmement difficile (nous avons même une fois encore revu à la baisse nos prévisions de croissance du PIB compte tenu des nouveaux problèmes dans la région), l'embellie de la conjoncture au niveau mondial est quant à elle incontestable. Ceci est d'autant plus vrai aux États-Unis où la majorité des derniers indicateurs est ressortie en hausse. Nous estimons que la poursuite du débat autour du budget et que les coupes budgétaires automatiques entrées en vigueur le 1er mars continuent à entraver la croissance. Toutefois, avec à la très nette amélioration des fondamentaux de l'activité (croissance du crédit, créations d'emplois, conditions de financement, secteur immobilier résidentiel, …), l'économie a toutes les chances de gagner en vigueur au second semestre 2013.

Pour autant, il existe de bonnes raisons de penser que toute nouvelle correction des marchés devrait s'avérer moins sévère que lors des précédentes périodes de regain de tension en zone euro. Première- ment, dans la mesure où le programme OMT de la BCE est désormais en place, le risque de contagion est bien moindre qu'auparavant. Et, à cet égard, nous pensons plus particulièrement à l'Espagne. Deuxième- ment, nous observons des signes de plus en plus nombreux laissant penser que l'économie mondiale continue de sortir de la crise. C'est d'autant plus vrai aux États-Unis où les fondamentaux de la croissance n'ont cessé de s'améliorer depuis le plus fort de la crise financière. Mais, en Asie également, l'activité semble s'être stabilisée. A notre avis, cela devrait permettre de modérer tout nouveau repli pouvant intervenir sur les marchés.

Troisièmement, les politiques monétaires continuent d'être favorables à la croissance et aux marchés, tout particulièrement aux États-Unis et au Japon. Outre-Atlantique, la Fed vient tout juste de réaffirmer son positionnement monétaire ultra-accommodant et les mesures reflationnistes au Japon devraient s’intensifier suit à la nomination du nouveau gouverneur de la BoJ. Selon nous, ces trois facteurs devraient continuer à soutenir les marchés.

Malheureusement, la gestion de la crise chypriote a été calamiteuse, l'idée initiale de mettre à contribution les déposants non assurés ayant fortement ébranlé la confiance. Outre le fait d'être susceptible de provoquer des sorties de capitaux dans les autres pays fortement endettés, elle a eu pour effet de replacer la pérennité de l'euro au centre des préoccupations des investisseurs. Dans ce contexte de tensions entre, d'un côté, un environnement macroéconomique et monétaire mondial plus favorable (surtout outre-Atlantique), de l'autre, la réappa- rition des inquiétudes liées à l'euro, les marchés devraient au mieux rester stables au cours des prochaines semaines selon nous.