par Charlotte de Montpellier, Senior Economist, France and Switzerland chez ING
Emmanuel Macron a remporté l’élection présidentielle française, avec 58% des voix selon les premières estimations. Une large victoire, avec un score supérieur à ce que prévoyaient tous les sondages, malgré un taux d’abstention en hausse de 2 points par rapport à 2017. Il est le premier président à être réélu pour un second mandat depuis 20 ans.
Continuité politique et économique
L’élection de Macron est avant tout un gage de continuité pour les cinq prochaines années. Pour l’Union européenne d’abord, où Macron entend plus que jamais renforcer son leadership et peser dans le futur débat sur les règles budgétaires, la transition énergétique et la politique internationale de l’Union. Son élection sera probablement accueillie avec un soupir de soulagement par les autres dirigeants européens. C’est aussi une continuité pour la politique française. Dans le même temps, Macron cherchera à poursuivre son travail de réforme de la France. La tâche sera toutefois loin d’être simple, car le pays est apparu divisé tout au long de la campagne, mais aussi au cours des cinq dernières années. N’oublions pas que plus de 40 % des électeurs de Macron ont aujourd’hui voté pour lui simplement pour faire barrage à l’extrême droite, et non parce qu’ils soutiennent son programme ou ses idées. Marine Le Pen a perdu, mais elle a obtenu 42 % des voix, un score bien plus élevé qu’en 2017 (34 %). Compte tenu du taux d’abstention, cela implique que 30% de l’ensemble de la population française a voté pour la candidate d’extrême droite. Jamais l’extrême-droite n’a été aussi proche du pouvoir en France, signe des divisions et des tensions qui existent actuellement dans la société française. Par conséquent, pour les cinq prochaines années, Macron devra faire face à une forte opposition de la rue et toute tentative de réforme pourrait entraîner des manifestations et la colère de la rue, comme celle des gilets jaunes.
La mise en œuvre de son programme politique dépendra des élections législatives des 12 et 19 juin. Celles-ci détermineront si Macron pourra compter sur une majorité au parlement, ce qui lui donnerait beaucoup de liberté pour mettre en œuvre son programme, ou s’il devra évoluer avec une minorité au parlement et un premier ministre issu d’un autre groupe politique. Pour l’instant, il est difficile de supposer que Macron remporte une majorité aux élections législatives. Il s’agit d’élections tactiques, qui dépendent des accords entre les partis, car il s’agit d’un système à deux tours avec des circonscriptions uninominales. Comme seuls les candidats ayant obtenu les meilleurs scores passent au second tour (à condition qu’aucun candidat n’ait obtenu la majorité absolue au premier tour), des coalitions doivent être formées pour le second tour. Et sur ce point, il y a beaucoup d’inconnues. Notamment, si les partis de gauche pourront se mettre d’accord pour se rassembler derrière Jean Luc Mélenchon (le candidat d’extrême gauche arrivé troisième au premier tour de l’élection). Si c’est le cas, une majorité de gauche est possible, mais pas le résultat le plus probable. A droite également, on observe des tentatives de rassemblement des élus de droite et d’extrême droite opposés à Macron pour former un groupe à l’assemblée nationale. Une majorité pour ce groupe semble peu probable pour le moment. La large avance de Macron à l’élection présidentielle laisse penser qu’il a encore de bonnes chances d’obtenir une majorité. Néanmoins, en fonction des négociations interpartis à venir, une surprise n’est pas à exclure.
Selon la tradition, le gouvernement actuel, dirigé par Jean Castex, démissionnera le lundi 25 avril. Un nouveau gouvernement, peut-être également dirigé par Jean Castex, sera alors nommé et conduira le pays aux élections législatives.
Les taux : Une reprise possible mais de courte durée
Les obligations françaises ont déjà évalué une victoire de Macron avec un haut degré de confiance avant le vote. Cela ne veut pas dire qu’elles ne se redresseront pas à l’ouverture lundi, en raison de l’élan supplémentaire que cela donne à Macron avant les élections parlementaires de juin, mais nous pensons que ce mouvement sera de courte durée. Le thème le plus important sur les marchés financiers est le cycle de resserrement imminent des banques centrales mondiales (le contrôle de la
courbe des taux de la Banque du Japon étant la dernière étape à franchir). Nous ne nous attendons pas à ce que l’appétit pour le risque se porte bien dans ce contexte et cela devrait se refléter dans l’élargissement des spreads français par rapport à l’Allemagne.
Cela ne veut pas dire que le résultat de cette élection est sans importance. Une victoire convaincante aujourd’hui permet aux marchés d’envisager la possibilité que Macron bénéficie d’une majorité gouvernementale après les élections parlementaires de juin. Cela signifierait que sa vision d’une UE toujours plus proche recevrait un coup de pouce, tout comme le sentiment envers la périphérie plus large. Sur le plan fiscal, nous doutons que le résultat du vote de juin soit un facteur déterminant de la performance des obligations françaises, à moins d’une victoire d’un parti en roue libre et dépensier.
Marchés des changes : Le rebond de l’euro sera faible
L’euro a été marqué par une légère hausse en Asie, les sondages de sortie des urnes laissant entrevoir une nouvelle victoire de Macron. Les marchés des changes ont toujours semblé considérer une victoire de Le Pen comme un risque résiduel, plutôt que d’exiger une prime de risque trop élevée sur le taux de change de l’euro. Ainsi, le rebond de l’euro de lundi ne doit pas être si important.
Au lieu de cela, l’EUR/USD continuera probablement la semaine comme elle l’a terminée la semaine dernière – sous la pression de la force du dollar. La semaine à venir verra la publication du PIB du premier trimestre de la zone euro et les premiers résultats de l’IPC d’avril, tandis que les États-Unis se concentreront sur les données du PIB du premier trimestre de l’année 22, qui ne devraient pas compromettre les attentes d’une hausse de 50 points de base de la Fed le 4 mai. Le thème dominant sur le marché des changes devrait rester l’empressement de la Fed à mener une politique neutre, juxtaposé au gradualisme de la BCE. Cela devrait contribuer à maintenir l’EUR/USD dans une fourchette de 1,05 à 1,10 jusqu’à l’été.