par Philippe Ithurbide, Directeur Recherche, Stratégie et Analyse chez Amundi
Zone euro : les indicateurs macroéconomiques continuent de signaler la poursuite d’une croissance robuste accompagnée d’une inflation modérée. Les statistiques d’activité prévue et réelle pour août et septembre sont restées vigoureuses et indiquent un taux de croissance du PIB probablement toujours proche de 0,5 %-0,6 % en glissement trimestriel au 3e trimestre. Le taux de chômage a continué de s’établir à 9,1 % en août (inchangé depuis juin), mais ce chiffre fait suite à un repli rapide au début de l’année. L’activité de crédit aux entreprises non-financières est restée solide, tout en n’enregistrant pas non plus d’accélération notable (à 2,5 % en glissement annuel -GA- en août).
L’inflation sous-jacente a légèrement reculé au mois de septembre (1,1 % en GA vs 1,2 % entre juin et août), confirmant que sa hausse précédente était due à des facteurs temporaires estivaux, dans un contexte où les tensions inflationnistes demeurent très faibles.
Politique : quelques évènements négatifs, mais pas de risque systémique pour la zone euro. Les élections allemandes ont débouché sur la maigre victoire du parti de centre-droite CDU/CSU d’Angela Merkel, et sur un résultat encore plus décevant pour son ancien partenaire de coalition, le SPD de centre-gauche. Quoi qu’il en soit, Angela Merkel a remporté un quatrième mandat de Chancelière et a entamé des négociations avec une coalition tripartiste « jamaïquaine », composée des libéraux du FDP et des Verts.
Jugé illégal par Madrid, le référendum sur l’indépendance de la Catalogne s’est soldé par un affrontement entre le gouvernement régional, favorable à la sécession, et le gouvernement central espagnol. L’indépendance catalane (qui créerait un précédent spectaculaire en Europe occidentale) est toutefois hautement improbable, car les autorités régionales n’ont pas les moyens pratiques pour l’imposer, alors que les sondages indiquent qu’une majorité de la population espagnole s’oppose à cette idée (le « oui » a largement dominé au référendum, mais la participation était très faible). Même si les tensions resteront probablement vives pendant quelques semaines, nous pensons que la situation finira par se tasser à l’issue de négociations. Celles du Brexit semblent avoir un peu progressé en septembre: le gouvernement britannique a accepté le principe d’un paiement pour solder ses comptes.
Néanmoins, aucune autre avancée n’a été réalisée sur ce plan jusqu’à présent en octobre. Les difficultés ont semblé s’aggraver, en particulier à cause de la position de faiblesse dans laquelle se trouve Theresa May (au Parlement et dans son propre parti) et d’informations selon lesquelles le gouvernement britannique prévoyait un « hard Brexit ». Il est très probable que l’UE déclare formellement que les avancées sont « insuffisantes » au cours des prochaines semaines.
Plus confiante, la BCE se prépare à supprimer des mesures accommodantes superflues. Nous pensons que la BCE va maintenir une approche prudente. L’inflation sous-jacente ne donne aucun signe d’accélération convaincante et la zone euro est toujours loin de connaître le plein-emploi. Mario Draghi devrait confirmer à nouveau son approche séquentielle à la réunion du 26 octobre (pas de relèvement des taux avant la n du programme d’achats d’actifs). Par conséquent, nous ne prévoyons pas de premier tour de vis avant 2019.
États-Unis : les principaux enjeux tournent autour des mesures budgétaires. Les indicateurs économiques américains continuent de signaler une croissance solide. La reprise du marché de l’emploi se poursuit. Les salaires sont toujours contenus, même si la grande majorité des entreprises américaines prévoient des augmentations. Les enquêtes ISM continuent d’augurer une croissance du PIB supérieure à 2 %. En résumé, sauf choc (financier ou extérieur) important, une récession semble exclue au 2e semestre 2017 ou en 2018. À noter que la politique budgétaire va probablement prolonger le cycle actuel et inciter la Fed à relever ses taux. Compte tenu des incertitudes entourant toujours la forme définitive de la réforme fiscale, il est difficile d’évaluer son impact sur nos prévisions, que ce soit en termes d’élan à court terme donné au PIB et/ou de soutien à long terme à la croissance potentielle. L’application du cadre du CBO à nos estimations actuelles de croissance du PIB en 2018, en supposant que la réforme sera effective au 1er trimestre 2018, dope nos prévisions à hauteur de +0,1 % (avec un effet multiplicateur faible) à +0,45 % (effet multiplicateur élevé).
Économies émergentes : performance meilleure que prévu au 2e trimestre. Au 2e trimestre, la croissance en Chine s’est établie à 6,9 % en GA. De plus, malgré l’appréciation du remninbi, les indicateurs économiques sont restés très raisonnables. La Russie et le Brésil sont visiblement sortis de la récession même si leur taux de croissance sont actuellement faibles. Dans ces deux pays, le repli de l’inflation devrait permettre aux banques centrales de poursuivre leur politique accommodante et fournir aux agents économiques des conditions financières favorables.