par Christopher Dembik, Responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank
Nous pensons que les injections de liquidités des banques centrales et l’intensification de l’impulsion du crédit aux États-Unis et en Chine soutiendront la croissance au premier et au deuxième trimestre 2020. Par ailleurs, nous pensons que le cycle du dollar fort touche à sa fin et que le risque politique lié aux élections américaines de 2020 pèsera sur le cours du dollar. Cela pourrait inciter les investisseurs à se détourner des portefeuilles défensifs et à adopter une attitude plus positive à l’égard des marchés émergents.
Les tensions commerciales demeurent le principal risque à court terme
Notre indicateur de risque de change, qui s’appuie sur l’évolution des devises asiatiques (hors Japon) face au dollar, s’est replié à -1,3 % au T3. Cette contraction est moins importante que celle observée lors des précédents épisodes de tensions commerciales, notamment en 2018. Néanmoins, cela nous rappelle que la guerre commerciale demeure l’un des principaux risques pour les marchés émergents à court terme.
Nous continuons à penser que les États-Unis et la Chine pourraient parvenir à un mini-accord commercial en novembre, lors du sommet de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique. Cela ne signifie pas que les tensions commerciales disparaitront du jour au lendemain, ni que le commerce mondial échappera à la récession. En effet, le risque est que le gouvernement de Donald Trump s’en prenne à l’Europe et qu’il adopte une stratégie plus radicale pour forcer les Européens à faire des concessions commerciales. Quoi qu’il en soit, ce mini accord pourrait temporairement revigorer la confiance des acteurs économiques et relancer la dynamique de croissance. Il pourrait également dynamiser les pays émergents, dont la croissance dépend très fortement de l’activité manufacturière, en particulier les pays d’Asie du Sud-est. Si un pacte monétaire fait aussi parti du mini-accord et que le yuan (CNY) reste stable – comme c’est le cas depuis plusieurs mois – l’indice dollar pourrait baisser. En bref, une autre raison de se montrer optimiste vis-à-vis des marchés émergents.
Le dollar a probablement atteint son plus haut niveau cyclique
La hausse du dollar depuis avril 2018 a été l’un des principaux moteurs de la performance des actifs financiers au cours des 18 derniers mois et a joué un rôle clé dans la performance des marchés émergents ainsi que dans les tensions liées à la guerre commerciale. La hausse de l’indice dollar (DXY) résulte d’une aversion au risque mais surtout d’une baisse des liquidités en dollar américain dans le système financier international.
Nous voyons maintenant une hausse modérée du dollars et considérons que le cycle du dollar fort touche à sa fin ; si tant est qu’il n’ait pas déjà pris fin. Nous avons identifié quatre facteurs qui devraient pousser le dollars à la baisse dans les prochains mois : les injections de liquidité des banques centrales par rapport à la nouvelle attitude accommodante des banques centrales mondiales, l’effet positif de l’impulsion du crédit aux États-Unis et en Chine sur la croissance, la trêve dans la guerre commerciale qui oppose les États-Unis à la Chine et le risque politique lié à l’élection présidentielle américaine de 2020. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les États-Unis ont désespérément besoin d’un dollar plus faible, alors que la période électorale s’amorce. Si le dollar commence à se replier, ce pourrait être un facteur décisif au rebond des marchés émergents à l’approche de 2020.
Les marchés émergents s’adaptent au ralentissement de l’économie mondiale
Contrairement aux périodes de ralentissement précédentes, tous les marchés émergents disposent d’une marge de manœuvre pour adopter des mesures d’assouplissement monétaire ou de relance budgétaire pour rester à flot. Aucun pays n’est soumis à des contraintes monétaires ou budgétaires et certains pays, notamment la Russie et la Corée du Sud, peuvent mener des politiques accommodantes sur les deux plans. Cela devrait soutenir les cours des obligations « Investment Grade » des marchés émergents à moyen terme. Outre ces deux pays, des tendances très positives émergent dans deux autres marchés émergents, notamment en matière de relance budgétaire :
- Le gouvernement indonésien a proposé un budget 2020 qui prévoit une hausse de 8 % des dépenses budgétaires, et a annoncé un plan quinquennal qui prévoit d’augmenter la part du PIB destinée à financer la construction d’infrastructures. Le gouvernement envisage également de réduire le taux d’imposition des sociétés et d’attirer les investisseurs étrangers en encourageant les prises de participations étrangères dans les entreprises locales. La récente nomination de Nadiem Makarim, le fondateur de Gojek, au sein du gouvernement du Président Jokowi, peut être considérée comme une tentative pour promouvoir la tech en Indonésie et faciliter l’émergence de profils plus familiers avec le monde des affaires. En outre, la banque centrale indonésienne abaisse ses taux ; nous prévoyons qu’elle réduira ses taux de 25 points de base cette semaine.
- L’Inde a annoncé mi-septembre une réduction inattendue de l’impôt sur les sociétés : actuellement compris entre 30 % et 40 %, le taux d’imposition sera abaissé entre 22 % et 25 %, ce qui représente environ 0,7 % du PIB indien. Le pays s’impose comme un contributeur majeur à la croissance et devrait prendre aux États-Unis la place de premier contributeur à la croissance de l’économie mondiale d’ici 2024, selon le FMI. Pour autant, d’autres réformes sont nécessaires sur le plan fiscal et seront certainement mises en œuvre prochainement pour que le pays puisse s’aligner avec les autres pays d’Asie.
Tant que les facteurs porteurs, que nous avons mentionnés dans ce rapport, produisent bien les effets escomptés, il est impératif de se montrer sélectif. Nous voyons un potentiel de hausse plus important en Asie qu’en Amérique latine, où le rythme des réformes ralentit fortement et où les troubles sociaux empêchent les élus à mettre en place les réformes nécessaires.