par William De Vijlder, Chef économiste chez BNP Paribas
• Les marchés financiers sont très largement influencés par les anticipations de politique monétaire
• Le raffermissement récent de l’euro traduit une anticipation de la diminution du programme de rachat d’actifs par la BCE
• Les anticipations du marché compliquent la tâche de cette dernière
Les marchés financiers sont les agents autoproclamés des banques centrales. Leurs anticipations de politique monétaire ont une influence sur la croissance et sur l’inflation par l’intermédiaire des effets de taux de change, de richesse, de la confiance, des coûts de financement, etc. Lors de phases d’assouplissement monétaire, les banques centrales s’en félicitent : cela renforce telle ou telle de leurs décisions comme la baisse des taux d’intérêt ou le lancement d’un rachat d’actifs.
La situation se complique lorsque les banques centrales sont en phase de resserrement et que l’action du marché peut devancer le changement de politique monétaire. Les flux de capitaux internationaux jouent à cet égard un rôle clé. Chacun se souvient du taper tantrum aux Etats-Unis en 2013, de son impact sur les marchés émergents et des craintes concernant les exportations et la croissance américaines.
La BCE est, aujourd’hui, confrontée à un défi similaire. Les investisseurs s’attendent en effet à une diminution du programme de rachat d’actifs, voire même à son interruption. Les rendements des obligations à dix ans ont augmenté et le différentiel avec les Etats-Unis s’est comprimé, une évolution également due au fait que les investisseurs sont relativement plus optimistes à l’égard de la zone euro que des Etats-Unis. L’appréciation consécutive de l’euro a pesé sur les marchés d’actions, entraînant des conditions financières et monétaires légèrement plus restrictives.
La confiance dans les perspectives de croissance n’en est pas entamée pour autant, mais cela pose néanmoins un problème à la BCE en termes de communication. Hier (jeudi 7 septembre), Mario Draghi n’a souhaité faire aucun commentaire sur les niveaux atteints par l’euro, refusant par là d’indiquer à quel stade l’appréciation de la monnaie unique pourrait devenir un véritable frein pour la croissance. Par ailleurs, les nouvelles projections du staff de la BCE montrent qu’un choc exogène portant l’EUR/USD à 1,31 en 2019 aurait, par rapport au scénario de base d’un taux de change inchangé, un impact négatif sur la croissance de 0,3 % en 2018 et l’année d’après, entraînant un recul de l’inflation de 0,4 % et 0,5 %, respectivement. Le comportement récent des marchés complique la tâche de la BCE d’autant plus qu’à terme elle risque d’être confrontée à une pénurie d’obligations à acheter sur certains marchés.