par Bruno Colmant, Chef économiste de la banque Degroof Petercam
Sur les marchés financiers, le premier trimestre 2018 a connu des montagnes russes. Les risques d’une guerre commerciale sino-américaine et d’une remontée des taux se sont traduits par un retour de la volatilité. Malgré un contexte plus difficile, les opportunités persistent.
Après une année 2017 remarquablement calme, l’année 2018 a démarré selon un tout autre schéma. Le spectre d’une guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine a particulièrement rythmé les marchés lors des dernières semaines. La lutte d’influence entre ces deux puissances majeures pourrait ne faire que commencer, celle-ci représentant à elle seule l’un des enjeux du XXIème siècle. Le risque d’une reflation des économies développées, et donc d’une remontée des taux, reste également au cœur des préoccupations actuelles.
Remontée des taux : à quoi s’attendre ?
Le risque d’une remontée des taux n’est pas nouveau, étant régulièrement évoqué dans les débats. Les banques centrales ont fortement influé sur les marchés obligataires au cours des dernières années en amenant les taux à des niveaux extrêmement faibles. Aux Etats-Unis, la page du « quantitative easing » est déjà tournée, mais tel n’est pas le cas en Europe ni au Japon. En Europe notamment, l’effet stabilisateur de la BCE va bientôt prendre fin. Les taux devraient ainsi remonter significativement et les primes de risque devraient se reconstituer, s’accompagnant d’une plus forte volatilité. La normalisation des taux devrait rester progressive du fait que la BCE continuera d’avoir un impact en rachetant des obligations pour compenser l’arrivée à échéance de certains titres.
Néanmoins, l’inflation devrait rester globalement faible du fait des mouvements démographiques à l’œuvre, limitant ainsi le potentiel de remontée des taux à long terme. À l’avenir, les banques centrales vont probablement devoir faire le deuil d’une inflation à 2% qui fait actuellement partie de leurs objectifs. Ceux-ci, tout comme les théories macroéconomiques qui les sous-tendent, ont en effet été élaborés à des époques différentes de la nôtre, caractérisées par une démographie dynamique. Or, désormais, la démographie des pays développés se caractérise surtout par le vieillissement de la population et la stagnation, voire la régression, du nombre d’actifs. Cette situation, doublée d’une forte concurrence internationale due à la mondialisation, empêche toute surchauffe de l’économie, pèse sur le niveau des prix et donc sur l’inflation qui restera faible à long terme. Avec ou sans « quantitative easing », les taux resteront donc bas. Le meilleur exemple de cette situation est celui du Japon, où la lente contraction démographique s’accompagne depuis les années 1990 d’une inflation au plancher.
Allocation d’actifs : les actions européennes restent privilégiées
Dans ce contexte, en ce qui concerne notre allocation d’actifs, nous restons confiants sur les actions européennes qui continuent de receler des opportunités d’investissement dans un contexte économique toujours porteur. Celles-ci restent légèrement surpondérées dans nos portefeuilles. Les difficultés politiques sont en effet passées au second plan en Europe malgré la persistance de quelques incertitudes. Le récent manque de soutien de la chancelière allemande Angela Merkel face au plan de réforme de la zone euro proposé par Emmanuel Macron illustre la persistance de barrières politiques toutefois moins problématiques que par le passé.
Nous sommes plus prudents sur les actions américaines que nous sous-pondérons légèrement. Le dollar, qui se maintient depuis 3 mois dans une fourchette de parité comprise entre 1,22 et 1,25 face à l’euro, pourrait prochainement reprendre son cycle de baisse face aux autres monnaies. Ce scénario pourrait notamment se concrétiser si la Fed décidait finalement d’adopter un programme plus lent de remontée de ses taux directeurs. Les marchés actions américains ont connu un important rattrapage depuis 2008, mais leur parcours semble désormais moins prévisible.
Sur le segment obligataire, nos préférences vont aux obligations de courte durée. Celles-ci présentent l’intérêt d’être peu sensibles au risque de remontée des taux. Ce risque ne s’est pour l’instant pas réellement concrétisé et l’or, véritable « thermomètre » des éventuelles craintes inflationnistes, reste actuellement stable. Dans les allocations de portefeuille, l’or conserve un intérêt certain pour faire face à une éventuelle dégradation de la conjoncture, et surtout permettre d’atténuer la volatilité des actions qui devrait rester substantielle dans les prochains mois.