par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Après un premier trimestre décevant, la croissance mondiale ne semble pas s’être raffermie au deuxième trimestre malgré le rebond américain. Plus inquiétant, les risques portant sur les perspectives pour le second semestre 2015 s’intensifient.
Premier risque, la Grèce. La crise grecque reste un facteur de risque important pour la zone euro en particulier. Si un éventuel GREXIT n’aurait que peu d’impact direct sur la croissance de la zone en raison de son faible poids dans le PIB et dans les échanges commerciaux, c’est via son effet sur la confiance des agents et les marchés financiers qu’il pourrait significativement affecter la zone euro (cf edito « GREXIT : le pari perdant – perdant »). Toute l’Europe s’en trouverait affaiblie au moins à court terme.
La Chine constitue probablement le facteur de risque le plus important en terme d’impact sur la croissance mondiale. D’une part, le ralentissement chinois a un impact direct significatif en raison de son poids grandissant dans le PIB mondial. D’autre part, il a des effets induits sur de nombreux pays émergents via le canal commercial, réduisant les exportations de nombreuses économies et via le canal du prix des matières premières. Ces dernières ont vu leur prix baisser réduisant significativement les revenus des pays exportateurs. Or, le ralentissement en cours de l’économie chinoise va être renforcé par les turbulences sur les marchés financiers. Après une progression exubérante des indices boursiers de novembre à début juin (doublement à Shanghai), complètement déconnectée des fondamentaux (cf L’effondrement du marché boursier en Chine : causes et conséquences prévisibles pour la Chine, Hong Kong et le reste du monde), les marchés ont reperdu 30% de leur valeur depuis le 12 juin dans un climat de panique. Les autorités chinoises ont réagi pour tenter d’enrayer la chute en prenant différentes mesures : baisse des taux d’intérêt sur les prêts à un an et sur les réserves obligatoires des banques, mise en place d’un fonds de stabilisation financière (19Md$) pour soutenir les actions, interdiction de vendre des actions pendant six mois pour les gros investisseurs (détention de plus de 5% d’une valeur), arrêt des cotations sur de nombreuses valeurs pour stopper la chute et gel des mises sur le marché (IPO), intervention de la PBoC pour acheter des titres (via le China Securities Finance Corporation)… Si la chute des indices boursiers devrait avoir des effets négatifs sur certaines entreprises (difficulté à se financer) et en corollaire sur l’investissement, elle pourrait également affecter la consommation via ses conséquences sur le moral des petits épargnants qui ont massivement investi sur les marchés boursiers récemment en s’endettant. Ils ne représentent toutefois qu’environ 7% de la population. Enfin, le recul des marchés action a entrainé certaines matières premières dans son sillage (le cuivre notamment).
La nouvelle baisse du prix du pétrole, le Brent repassant sous 60$ ces derniers jours après une certaine stabilisation pendant les deux derniers mois, est également un facteur d’incertitude. Conséquence de statistiques plus élevées sur la production de pétrole aux Etats-Unis et de l’affaiblissement de la demande mondiale, l’excès d’offre persiste entretenant les pressions baissières. A ce stade, le recul des prix reste modéré (environ 10%) mais il pourrait s’intensifier avec les mauvaises nouvelles sur la croissance chinoise. En théorie positive pour la croissance mondiale via son impact sur les factures pétrolières des pays importateurs, la baisse du pétrole a cependant, outre des conséquences négatives pour les pays exportateurs, des effets mitigés aux Etats-Unis (avec ses effets sur les secteurs liés à l’énergie) et elle entretient le risque déflationniste dans certaines régions, notamment la zone euro. Après avoir rebondi de janvier à mai (de -0,6% à 0,3%), l’inflation de la zone euro s’est tassée en juin (0,2%). Or si la tendance récente persiste, l’inflation pourrait rester très faible dans les mois qui viennent et ranimer les inquiétudes sur le risque de déflation.
Le début du resserrement monétaire de la Réserve Fédérale américaine prévu en septembre (cf edito « Qu’est-ce qui pourrait encore arrêter la Fed ? ») peut également être un facteur déstabilisant pour les marchés, en particulier via son impact sur les changes. Si nous continuons de penser que la Fed a les outils pour piloter sa sortie de la politique monétaire à taux zéro, l’incertitude porte sur l’ampleur de l’appréciation du dollar qui devrait en résulter et en corollaire l’impact sur le secteur exportateur américain et le financement de certains pays émergents qui enregistrent des déficits courants.
Au total, il nous semble que les risques portant aujourd’hui sur la croissance mondiale sont principalement baissiers et qu’ils s’intensifient de jour en jour. Toutefois, le pire n’est jamais certain…