par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique chez Ostrum Asset Management
L’interview d’Angela Merkel, dans le FAZ ce week end, ne modifie pas l’idée que l’on pouvait avoir de la position allemande face aux propositions de Macron sur le renouvellement des institutions en Europe. Elle ne s’écarte pas du discours habituel de l’Allemagne.
La grande différence entre la France et l’Allemagne sur la question européenne est que la France pense qu’il y a un avantage à coordonner de façon explicite les politiques économiques. Un budget peut et doit faire cela. Cela implique une capacité d’intervention importante de plusieurs points de PIB comme le soulignait Macron et Sarkozy avant lui.
Du côté allemand, la coordination est implicite si l’on respecte les règles définies, notamment celles qui pourraient être prises dans le cas d’une aide du FME (Fond Monétaire Européen qui reprendrait le Mécanisme Européen de Stabilité mais qui ne serait pas le FMI trop favorable à la restructuration de la dette grecque, ce que les allemands ne souhaitent pas). En d’autres termes, le mécanisme d’ajustement passe par le respect des bonnes règles (austérité budgétaires) et il n’y a pas besoin d’intervention de l’Etat.
La coordination prônée par la France est la vision du partage des risques au sein d’une entité politique alors que l’option allemande est celle de ne pas partager le risque puisque si chacun se comporte « comme il faut » aucun pays n’expose un autre à un risque particulier.
Cette différence d’approche est observable depuis longtemps et rien ne change vraiment dans le discours allemand. On peut d’ailleurs douter de son efficacité.
En août 2011, déjà, Sarkozy voulait une approche coopérative et Merkel, lors d’une réunion à l’Elysée le 16 août (de mémoire), avait indiqué qu’il n’en était pas question. Son message était qu’il fallait que chaque gouvernement soit stricte dans la gestion de sa politique budgétaire. Tous les déséquilibres se résorberaient alors spontanément. C’était le début de l’austérité à grande échelle et 6 trimestres de récession en zone Euro.
La stratégie envisagée pour le FME ne pourra pas être perçue comme très différente de ce qui a mené à cette longue période d’austérité. La proposition d’un budget plus conséquent est limitée car son montant serait réduit à quelques dizaines de milliards soit pas grand-chose. Ce serait juste cosmétique. Quant au fond d’investissement, attendons pour voir de quoi il retourne et quelle coopération au sein de l’Europe il engendre.
Non Merkel n’a pas franchement changé créant la perception qu’il ne pourrait en être autrement. La discussion serait déjà fermée alors que les européens doivent se réunir les 28 et 29 juin dans un Conseil pour décider des options à prendre sur les nouvelles institutions à mettre en place. Merkel suggère qu’il n’y aura pas de rupture et Macron peut remballer ses propositions.
Si on ne peut pas partager le risque alors à quoi sert une union économique et monétaire? Je ne sais pas très bien car même dans un état fédéral comme l’Allemagne il y a un budget fédéral qui amortit les chocs notamment en raison des règles strictes des Länder. L’Europe ne peut pas fonctionner dans la durée si le partage du risque n’est pas une composante de l’union.
On ne peut pas exclure qu’une telle prise de position favorise encore davantage le vote populiste puisque aucun pays ne peut compter sur les autres en cas de coup dur et la BCE ne peut être la seule institution européenne à jouer le jeu de l’intégration et du partage des risques. Cela n’était pas gênant lorsque la croissance était forte, maintenant qu’elle est plus faible est ce vraiment le moment de favoriser des tensions qui pourraient être évitées. L’Allemagne, sur une idée erronée du modèle européen fait prendre des risques excessifs à tous, favorisant ainsi le repli sur soi.