Moody’s dégrade la notation de la France

par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management

L’agence Moody’s a dégradé la notation de la dette publique française de Aaa à Aa1 (la note de l’agence de notation est disponible ici http://bit.ly/France-Moodys )

Trois arguments ont été avancés

1 – Une interrogation sur la capacité à se réformer pour retrouver de la croissance. C’est la même question que celle posée par les rapports récents sur la France. Les rapports Gallois, du FMI et le dossier de The Economist posaient la même question. J’ai analysé ces rapports dans un document envoyé lundi (« Trois rapports sur l’économie française » disponible ici http://bit.ly/PW-3Rapports-Eco-Fse). Dans un environnement peu dynamique, quelle est la capacité de l’économie française à retrouver de l’efficacité ?

2 – Une interrogation de court terme sur l’impact des engagements budgétaires de la France sur la croissance. Les chiffres de 0.8% pour 2013 et 2% pour 2014 paraissent trop optimistes pour Moody’s. Sachant que l’environnement extérieur ne sera pas une aide à l’amélioration de la croissance, l’agence craint l’impact négatif des mesures budgétaires prises. C’est la question souvent posée de l’impact des mesures d’austérité sur la croissance. Les interrogations de nombreux économistes sont reprises par l’agence de notation. Moody’s ne donne pas néanmoins de scénario alternatif chiffré.

3 – Avec la crise qui dure, Moody’s s’interroge sur la capacité de l’économie française et notamment de son système bancaire et financier à faire face à des chocs négatifs en provenance des pays de la zone Euro, notamment en cas d’aide d’urgence ou de dégradation. Les banques française sont fortes mais on néanmoins des engagements significatifs vis-à-vis des pays de la zone Euro.

La dégradation est d’un cran seulement. Moody’s considère que l’économie française est très diversifiée et donc que son risque global est plus limité. L’agence considère également que les engagements pris par le gouvernement Ayrault (réduction des charges) et par le président Hollande lors de sa conférence de presse (engagements de réformes structurelles notamment sur la marché du travail) peuvent enclencher la dynamique correctrice susceptible de modifier les perspectives à moyen terme de l’économie française.

Les perspectives restent négatives car l’agence s’interroge sur la détermination quand même de la société française et du gouvernement à accepter la nécessité de réforme et à les mettre en œuvre .

Plusieurs questions

Le gouvernement actuel est-il responsable ?

Clairement non. Les questions posées par Moody’s sur l’autonomie de la croissance française avaient été posées il y a plusieurs mois déjà par celle-ci. En outre les engagements récents du gouvernement permettent de limiter à un cran la baisse de la note.

En quoi ce rapport est-il différent des trois rapports récents sur l’économie française ?

Il pose la même question de la capacité de l’économie française à trouver une plus grande autonomie de croissance. Si l’environnement international n’est pas porteur, quelles sont les capacités de l’économie française à retrouver de la croissance et à créer des emplois. Il me semble que le rapport du FMI du 5 novembre (disponible ici http://bit.ly/France-FMI ) était plus précis sur les mesures à prendre. Mais il avait été à peine relevé.

Cela va-t-il se traduire par des taux d’intérêt plus élevé ?

Je ne suis pas persuadé. La question sera de savoir si cela se traduira par une incitation supplémentaire à mettre en œuvre des réformes et donner à la France la capacité de créer des emplois de façon efficace à moyen terme. Si rien ne bouge, il ne peut être exclu d’avoir des taux d’intérêt un peu plus élevés. L’enjeu est de savoir comment les réformes évoquées par le gouvernements seront discutées puis mises en œuvre. C’est cet horizon qu’il faut regarder.

Est-ce une mauvaise nouvelle ?

Il est toujours désagréable lorsque l’on juge mal votre capacité à faire face à l’adversité. C’est la réaction que l’on peut craindre, identique à celle que l’on avait observé sur le dossier de The Economist (disponible ici http://bit.ly/France-TheEconomist ). Si cependant cela permet d’accentuer l’idée que la croissance ne viendra pas de l’extérieur mais de notre capacité à la créer alors ce sera gagné.