par Maarten-Jan Bakkum, GEM equity strategist chez ING IM
Dans notre précédente édition de l’Emerging Equity Markets Monthly (EEMM), nous avions évoqué l’amélioration des statistiques chinoises et ses implications positives pour les marchés les plus sensibles à une hausse de la demande en Chine. Nous avions présenté le Brésil comme l’un des principaux bénéficiaires. Jusqu’à présent, le marché brésilien des actions n’a pas été en mesure de profiter du redressement de la croissance en Chine. La faiblesse de l’appétit mondial pour le risque et les incertitudes en matière de réglementation ont été les principaux facteurs négatifs.
Nous continuons à penser que le contexte s’est amélioré pour les actions émergentes au cours de ces derniers mois. Ceci est essentiellement imputable à la reprise chinoise, à l’amélioration des chiffres de croissance à l’échelle mondiale, aux conditions financières souples et à la tendance bénéficiaire plus favorable que dans les marchés développés. Les marchés émergents performent mieux que les marchés développés depuis début septembre, ce qui peut être interprété comme le début d’une nouvelle tendance après presque deux ans de sous-performance.
Les principaux risques sont un contexte de faible croissance mondiale persistante, une nouvelle escalade de la crise de la dette de la zone euro et une reprise chinoise plus courte que prévu. Cette édition de l’EEMM compare ces risques à plus long terme à la nette amélioration des signaux à court terme.
Alors que la probabilité augmente que la forte aversion des investisseurs pour tout ce qui est sensible à la croissance chinoise prenne fin, nous sommes d’avis que certaines tendances importantes qui durent depuis des années pourraient s’inverser en 2013. Nous pensons en premier lieu à la sous-performance des BRIC vis-à-vis d’une série de petits marchés alimentés par leur demande intérieure et à l’évolution largement divergente des biens de consommation courante et des matériaux.
Opportunités cycliques versus risques à plus long terme (Chine)
Notre prévision d’un repli de la croissance chinoise à près de 5% au cours des cinq prochaines années et d’une faible croissance de la zone euro pendant plusieurs années nous incite à rester prudents en ce qui concerne les perspectives à long terme des actions émergentes. La croissance du commerce mondial et la croissance de la demande chinoise sont en effet largement déterminantes pour les perspectives de croissance du monde émergent.
Il subsiste bien sûr une marge de croissance pour la demande domestique dans les marchés émergents, mais la forte hausse des ratios d’endettement et l’élargissement des déficits courants suggèrent que les plus belles années sont derrière nous. Il faudra de nouvelles réformes économiques susceptibles d’augmenter la croissance de la productivité pour compenser la perte de compétitivité résultant de la forte hausse des salaires et de la nette appréciation des devises de ces dernières années. Parallèlement, une amélioration des politiques et de la gouvernance est nécessaire pour accroître l’emploi sans impact budgétaire significatif et sans détérioration de l’inflation. Si l’on considère des pays tels que l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil, où les gouvernements ont été confrontés à ces problèmes et où la politique menée s’est clairement détériorée au cours de ces dernières années, on ne peut guère être optimiste en ce qui concerne les perspectives de réforme dans le monde émergent.
Globalement, nous pensons que la croissance des marchés émergents s’élèvera à près de 5% au cours des prochaines années. En raison des déséquilibres macroéconomiques croissants (élargissement des déficits budgétaires et courants et forte hausse des ratios d’endettement depuis la crise de 2008), les devises et les marchés des actifs devraient être plus volatils. Par conséquent, la croissance économique et bénéficiaire devrait également voir sa volatilité croître. La Chine constitue le principal risque à moyen et long terme. Les décideurs politiques seront-ils capables de restaurer l’équilibre de l’économie et de guider la croissance vers des niveaux plus durables de façon ordonnée? Ou un hard landing est-il inévitable? Nous estimons toujours que le premier scénario est plus probable, mais avec une croissance plus faible que ce que le consensusprévoit.
Le risque d’un hard landing en Chine a diminué au cours de ces derniers mois, car les signes de redressement de la croissance se sont multipliés. Ceci est la principale raison de notre attitude plus favorable à l’égard des perspectives des actions émergentes au cours des prochains trimestres. Alors que la croissance se redresse en Chine, les craintes d’un hard landing devraient être reléguées à l’arrière-plan. Ce n’est que lorsque la croissance recommencera à décliner que les pressions sur le système financier réapparaîtront et que les investisseurs se focaliseront à nouveau sur les faiblesses structurelles. Nous nous attendons à ce que la reprise de la croissance chinoise, qui a débuté durant l’été, dure quelques trimestres, ce qui signifie que les actions émergentes pourraient bien performer pendant un certain temps.
Depuis septembre, la Chine a mieux performé que l’ensemble des marchés émergents. Ce n’est pas une coïncidence si les actions émergentes font mieux que les actions développées depuis le même moment. Alors que le redressement s’élargit en Chine et que les signaux positifs se multiplient en particulier sur le marché immobilier (les ventes de terrains pour des projets immobiliers se sont accélérées en octobre et en novembre), nous pensons que la Chine restera un moteur de croissance pour les actions émergentes au cours des prochains mois et trimestres.
D’autres raisons nous incitant à penser que les perspectives immédiates se sont améliorées pour les actions émergentes sont la diminution des risques dans la zone euro et les signes croissants d’une reprise de la croissance mondiale. À très court terme, le risque lié à la ‘falaise budgétaire’ américaine reste un obstacle, mais si nous supposons que la plus grande partie de l’incertitude et du choc potentiel pour l’économie disparaîtra lorsqu’un accord (partiel et imparfait) sera conclu, les perspectives pour l’économie américaine ne sont pas mauvaises. Le marché immobilier se redresse et le processus de désendettement est bien plus avancé qu’en Europe.
Alors qu’il est difficile de prévoir avec certitude des développements politiques tels que les discussions relatives à la ‘falaise budgétaire’, nous nous sentons plus confortables en ce qui concerne d’autres indicateurs qui se sont révélés fiables au fil des cycles. L’un de ceux-ci est la tendance relative des bénéfices des actions émergentes vis-à-vis de ceux des actions des pays développés. Depuis début octobre, le pourcentage des révisions à la hausse par rapport aux révisions à la baisse s’est amélioré plus rapidement dans les marchés émergents que dans les marchés développés.
Dans les marchés émergents, la croissance bénéficiaire devrait continuer à s’améliorer au cours des prochains mois étant donné que la croissance économique se redresse. Actuellement, la Chine, la Corée et Taiwan affichent la meilleure tendance en matière de croissance économique. Dans le reste de l’Asie et dans les autres régions émergentes, l’amélioration cyclique doit encore commencer. Nous nous attendons cependant à une embellie au cours des prochains mois grâce au redressement de la croissance de la demande chinoise et aux conditions financières très souples dans l’ensemble du monde émergent.
De nouvelles tendances des marchés en 2013 ?
Durant la phase de ralentissement de la croissance chinoise de ces dernières années, les investisseurs dans les marchés émergents ont affiché une nette préférence pour les actions et les marchés les moins sensibles à la croissance de la demande chinoise. La demande domestique alimentée par des facteurs endogènes dans des pays affichant des liens commerciaux limités avec la Chine ou une faible pénétration des crédits et des déséquilibres macroéconomiques modérés a constitué le thème d’investissement favori pendant plusieurs années. Les biens de consommation ont bien performé dans l’ensemble du monde émergent, tandis que les métaux et l’exploitation minière ont en revanche souffert. Au niveau des pays, la Thaïlande, l’Indonésie, les Philippines, la Colombie, le Pérou et la Turquie se sont distingués, tandis que les pays BRIC sont restés à la traîne.
Alors que la Chine se redresse et que les actions, les secteurs et les pays insensibles à la Chine sont devenus chers, il est selon nous probable que cette tendance se renverse. Au cours de ces derniers mois, nous avons déjà observé une certaine stabilisation de la performance relative des BRIC. Entre-temps, certains marchés tirés par leur demande domestique d’origine endogène semblent avoir atteint leurs sommets par rapport aux marchés émergents pris dans leur ensemble. L’Indonésie et la Thaïlande, par exemple, n’ont plus si bien performé au cours de ces derniers mois.
(S’agissant de) la performance de la Chine, de la Russie et du Brésil par rapport aux quatre principaux marchés ASEAN (Indonésie, Thaïlande, Malaisie et Philippines), les deux lignes de performance divergent clairement depuis 2009, ce qui a créé un important différentiel de valorisation. Si les chiffres de la Chine continuent à s’améliorer, il y a selon nous un potentiel de convergence. Ceci explique pourquoi nous privilégions actuellement la Russie et le Brésil et pourquoi nous avons mis fin en octobre à la surpondération de l’Indonésie adoptée il y a longtemps.
Un renversement de tendance est également probable au niveau des biens de consommation courante et du secteur des métaux et de l’exploitation minière. Ici aussi, ce sont les craintes liées à la Chine et la quête de croissance alimentée par des facteurs endogènes qui ont entraîné d’importantes divergences en matière de performance. Le différentiel de valorisation qui en résulte est encore plus considérable. Selon nous, le secteur des métaux et de l’exploitation minière des marchés émergents pourrait constituer l’un des meilleurs investissements au cours des prochains trimestres. Le récent redressement des prix des métaux industriels confirme que la demande chinoise évolue dans la bonne direction.
Conclusion
Nous restons prudents face aux facteurs structurels pesant sur la croissance chinoise, à la lassitude vis-à-vis des réformes dans le monde émergent et au processus de désendettement et à l’austérité budgétaire dans les marchés développés. Notre opinion positive à l’égard des actions émergentes est dès lors plus tactique que stratégique. L’amélioration des perspectives de croissance en Chine a toutefois créé des opportunités pour les actions des marchés émergents.
La tendance bénéficiaire plus favorable et les conditions financières souples des marchés émergents, combinées au redressement de la croissance du commerce mondial, devraient alimenter la surperformance des marchés émergents au cours des prochains mois. Au sein des actions émergentes, nous pensons que les perspectives sont meilleures pour les marchés BRIC sensibles à la Chine que pour les petits marchés tirés leur demande domestique, qui ont très bien performé au cours de ces dernières années.