Parlons un peu de résultats : le vote des propositions d’actionnaires

par Masja Zandbergen, Responsable de l'intégration des critères ESG chez Robeco

L’investissement durable gagne du terrain et retient l’attention. Peut-être parce que le marché commence à prendre conscience que les problématiques telles que le changement climatique et les inégalités peuvent pénaliser les économies et les entreprises. Pour prévenir ces effets néfastes, nous devons réfléchir aux impacts en termes financier, social et écologique de nos stratégies d’investissement. Dans cette série d’articles, j’aimerais évoquer ces conséquences, en commençant aujourd’hui par celles découlant du vote des résolutions d’actionnaires.

Les résolutions d’actionnaires peuvent être une base pour favoriser le dialogue actionnarial avec les entreprises, surtout si les progrès sont nuls ou trop lents. Elles peuvent constituer un signal très puissant pour les entreprises. Compte tenu de l’intérêt croissant de grands gérants passifs pour la durabilité en 2018, nous pensions que le soutien à ces résolutions serait important lorsque la saison 2019 des votes a débuté.

Des voix qui comptent

Selon un article récemment publié dans le Financial Times, BlackRock, Vanguard et SSGA représentent un quart des votes exprimés dans les entreprises du S&P 500. Une proportion qui devrait continuer d’augmenter, estiment les universitaires de la Harvard Law School[1]. Le comportement de vote de ces grands actionnaires peut donc avoir un effet extrêmement puissant en termes de création de valeur à long terme.

Malheureusement, un rapport récent de Majority Action[2] indique que ces gérants rejettent entre 90 % et 100 % des résolutions d’actionnaires. Les principales raisons mentionnées dans les rapports de gestion concernent l’engagement en cours sur les sujets concernés avec les entreprises, et le fait que ces propositions ne répondent pas aux enjeux de matérialité ESG.

Les propositions ne fonctionnent pas toutes

Il est vrai que toutes les propositions d’actionnaires ne se valent pas. Même sur des sujets ESG de matérialité financière comme le changement climatique, certaines propositions sont trop spécifiques dans la prescription d’une marche à suivre, ou demandent des informations ayant déjà été amplement traitées dans les rapports d’entreprise. Cela ne contribue pas à la valeur actionnariale à long terme. Durant la première moitié de cette décennie, la majorité des propositions d’actionnaires relevaient de ces catégories. C’est pourquoi, chez Robeco, nous n’avons soutenu qu’une résolution sur six dans le domaine climatique entre 2012 et 2015.

A titre d’exemple, une proposition formulée durant l’AGA 2012 de Dominion Energy demandait un rapport sur les répercussions de l’augmentation à 15 % de la production d’énergie renouvelable dans un seul État des États-Unis. La portée restreinte de cette résolution n’était pas à la hauteur du défi de la transition énergétique et de ses objectifs évolutifs. Elle a donc été légitimement rejetée par les actionnaires (5,5 % de votes favorables seulement). Au fil du temps, des résolutions plus pertinentes ont été formulées, favorables à une action concertée et urgente en matière de changement climatique, et suffisamment flexibles en matière de mise en œuvre. C’est ainsi que cette année, nous avons voté en faveur de 88 % des résolutions relatives au changement climatique mentionnées dans le rapport de Majority Action.

S’unir autour de propositions

Dans les cas où les entreprises ne répondaient pas de manière satisfaisante aux résolutions, les investisseurs axés sur les critères ESG se sont ralliés à des propositions visant à améliorer la responsabilité du conseil d’administration. Ce fut le cas chez ExxonMobil, qui est parvenu à retirer de l’ordre du jour de son AGA de mai 2019 une importante résolution sur le climat. À la place, une proposition visant à établir un président indépendant a été considérée comme une occasion d’apporter une réflexion à long terme au sein du CA, et de montrer le mécontentement des actionnaires face à la réticence du groupe à s’engager.

La résolution ayant obtenu plus de 40 % des voix[3], cela a mis en évidence le fait que les actionnaires sont de plus en plus nombreux à considérer le changement climatique comme une véritable menace pour leurs investissements. Si les principaux gérants d’actifs avaient fait de même, beaucoup plus de résolutions cruciales pour le climat auraient été votées à la majorité. Quel signal fort cela aurait été : cela aurait pu générer des résultats positifs en contribuant à des progrès réels ! Pour autant, comme nous l’avons mentionné, nous avons manqué une occasion importante cette année, surtout quand on considère l’urgence du problème climatique.

Se démarquer de la gestion passive

Pour les gérants actifs, l’ESG est une façon de se démarquer de la gestion passive, et naturellement cela vaut aussi pour Robeco. Nous le faisons en fournissant à nos clients les meilleurs produits, solutions et performances. Dans notre volonté de susciter le changement, nous avons toujours travaillé en collaboration avec nos clients et nos concurrents depuis que nous avons commencé à dialoguer avec les entreprises dans lesquelles nous sommes investis, en 2005.

Nous sommes convaincus – alors que de plus en plus de gérants d’actifs entament un dialogue en matière d’ESG – qu’une action coordonnée sera la seule voie à suivre, non seulement pour contribuer au changement, mais aussi pour que cela reste gérable pour les entreprises. Par conséquent, nous invitons les grands investisseurs (avec le soutien de leurs clients) à nous rejoindre pour soutenir les propositions ESG revêtant une matérialité financière et bien rédigées, afin de susciter le changement nécessaire au maintien des actifs économiques, écologiques et sociaux.

NOTES

  1. Voir
  2. Voir
  3. Voir