par Pascal Blanqué, CIO et Vincent Mortier, CIO adjoint chez Amundi
Au moment où nous écrivons ces lignes, les actifs à risque enregistrent des pertes conséquentes ; les indices actions en Europe ont ouvert en baisse d’environ -6% à -8% et la volatilité s’est envolée (indice VIX supérieur à 58, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis la crise financière en 2008). La demande pour les valeurs refuge s’est emballée pour atteindre des niveaux historiques : le rendement sur les bons du Trésor américain à 10 ans est tombé à un nouveau plus bas, à moins de 0,4%, et l’or a touché son plus haut niveau en 7 ans, à plus de 1700 USD.
Cette réaction reflète les craintes liées à la propagation du coronavirus en Europe et à travers le monde ainsi que les incertitudes croissantes sur les perspectives économiques ; les grands titres évoquant l’effondrement des cours du pétrole renforcent de surcroit les niveaux d’incertitude.
- Le cours du pétrole chute d’environ 20% sur fond de désaccord entre l’OPEP et ses alliés sur la réduction de la production. Le secteur de l’énergie est sous une pression accrue en raison du choc de la demande lié au coronavirus et des inquiétudes sur l’offre. Nous restons prudents sur le secteur, segments IG et HY confondus, car il est difficile d’entrevoir un accord à court terme, selon nous.
- Aujourd’hui, nous pensons que les marchés sont passés d’un excès de complaisance à un excès de pessimisme, rejetant l’idée d’une période prolongée de croissance atone. A contrario, notre scénario central est celui d’un revers temporaire, quoique plus long que celui que nous anticipions il y a un mois, suivi d’une reprise.
- A ce stade, il est difficile de savoir à quel moment l’activité économique européenne pourra renouer avec la normalité. Le soutien de la politique monétaire est nécessaire pour atténuer le risque de « credit crunch », tandis qu’une relance budgétaire est requise pour soutenir le choc côté offre.
- Les marchés pourraient encore chuter d’un cran si l’économie venait à se diriger vers une récession mondiale. Mais pour l’heure, ce scénario reste, selon nous, un risque extrême. Nous attendons de nouvelles interventions des banques centrales après la baisse des taux par la Fed la semaine dernière et de nouvelles mesures de politique budgétaire, qui s’ajouteraient aux annonces déjà faites dans différents pays (Italie, Etats- Unis, Australie, entre autres).
- Ces mesures pourraient permettre à l’économie de se stabiliser et éviter une récession mondiale. Des signaux encourageants sont observés en Chine, où l’activité reprend progressivement.
- Les prises de bénéfices, la volatilité à court terme des marchés et la surréaction des investisseurs avaient déjà été intégrés ces dernières semaines, lorsque la situation a commencé à se détériorer en Europe.
- Cette situation a entraîné des mouvements tactiques ; nous avons repositionné l’exposition aux risques vers une attitude plus prudente et renforcé les stratégies de couverture pour naviguer cette période difficile.
- La liquidité est une priorité en ce moment et nous resterons attentifs aux conditions de liquidité sur le marché. Comme nous l’avons souligné de nombreuses fois ces derniers mois, la liquidité du marché reste l’une de principales préoccupations. Avec le couple risque/rendement, la gestion du risque de liquidité fait partie intégrante du travail du gérant de portefeuille. Elle s’effectue à trois niveaux : tout d’abord en réalisant des stress tests sur l’actif et le passif de chacun des fonds et en adaptant la liquidité au sein des portefeuilles en fonction des besoins.
- En cas de rachats massifs, ce processus implique de mettre en place des mesures visant à garantir le traitement équitable des porteurs de parts, comme le « swing pricing ». Enfin, il faudra s’appuyer sur une structure financière solide (fonds propres, ressources permanentes) pour faire face, éventuellement, à des risques extrêmes. A ce stage, nous sommes au niveau un et avons globalement renforcé l’attention portée à la liquidité.
- En conclusion, notre principal message aujourd’hui est que lors des mouvements de ventes indiscriminées, l’ennemi à combattre est la peur. Les investisseurs doivent rester vigilants, mais sans surréagir aux conditions de marché actuelles. Ces circonstances peuvent engendrer des opportunités pour les investisseurs à long terme, et renforcer des thèses d’investissement fondamentalement solides qui seront payantes dans la durée.