par Raymond Van der Putten, économiste chez BNP Paribas
- Les stratégies de sortie de crise ont été le thème principal de la campagne électorale.
- Tous les partis s’accordent sur la nécessité de réduire le déficit budgétaire mais non sur l’ampleur du programme d’austérité ou sur les politiques à mettre en œuvre pour y parvenir.
- À long terme, la quasi-totalité des partis ciblent l’objectif de réduction du déficit structurel de 4,5 %, nécessaire pour ramener le solde budgétaire à un niveau soutenable.
- Les enquêtes d’opinion suggèrent que le VVD, le parti libéral conservateur, pourrait l’emporter.
- Le prochain gouvernement devrait présenter un programme d’économies substantielles, de l’ordre de 15 milliards d’euros, probablement, soit 2,5 % du PIB, pour les quatre années du mandat (2011-2014).
Le mercredi 9 juin, les Néerlandais retourneront aux urnes. Des élections anticipées vont avoir lieu, le parti travailliste PvdA ayant quitté le gouvernement de coalition à la suite de son refus de renouveler la participation des Pays-Bas à la force d’intervention de l’OTAN en Afghanistan. Les partis chrétiens démocrates restants (CDA et CU) ne disposant pas d’une majorité au parlement, de nouvelles élections étaient inévitables.
Sortir de la crise économique
Les Pays-Bas émergent lentement de la crise la plus grave de leur histoire depuis la Seconde Guerre mondiale. La croissance du PIB s’est établie à 0,2 % t/t seulement au T1 2010 et ne devrait pas dépasser 1 % sur l’ensemble de 2010.
Le redressement du commerce mondial est le principal moteur de la croissance. En revanche, la dégradation du marché de l’emploi, des perspectives incertaines et une légère correction des prix de l’immobilier résidentiel continuent de brider la consommation privée. Les bénéfices du secteur non financier devraient continuer de reculer. En outre, les excédents de capacité et la faiblesse de la rentabilité demeurent un frein pour l’investissement privé. Cette atonie est en partie compensée par une augmentation de l’investissement public.
La récession a laissé de profondes traces. En particulier, le chômage, qui était inférieur à 4 % avant la crise, a augmenté pour atteindre un taux estimé à 5,9 % en 2010. En outre, à l’instar de la plupart des autres pays de l’OCDE, les finances publiques se sont considérablement dégradées. Nous tablons sur un déficit budgétaire de 6,5 % du PIB en 2010, après un excédent en 2008.
Les programmes électoraux
Les stratégies de sortie de crise ont été le thème principal de la campagne électorale. En mars, le Bureau néerlandais d’analyse de la politique économique (CPB), institut de recherche indépendant du gouvernement, a estimé que le déficit reviendrait de 6,3% du PIB en 2010 à 2,9% du PIB en 2015, sous l’hypothèse d’une croissance moyenne du PIB de 1,75% au cours de la période 2011-2015. En supposant une croissance moyenne du PIB à 1%, le déficit atteindrait 4,2% du PIB.
Le CPB estime que, pour assurer la soutenabilité des finances publiques à long terme, un excédent structurel de 1,5% du PIB en 2015 est nécessaire. Cela signifie que des mesures structurelles représentant 29 milliards d’euros seraient nécessaires d'ici 2015.
En cas d’un moindre excédent à la fin de la prochaine législature, des mesures additionnelles devraient être prises à moyen terme.
Consolidation budgétaire
Tous les partis s’accordent sur la nécessité de réduire le déficit budgétaire mais non sur l’ampleur du programme d’austérité ou sur les politiques à mettre en œuvre pour y parvenir. Le VVD affiche l’objectif le plus ambitieux. Il entend réduire le déficit de 20 milliards d’euros, soit 3 % du PIB, à l’horizon 2015, ce qui devrait ramener le solde budgétaire quasiment à l’équilbibre. Le programme d’austérité des démocrates-chrétiens (CDA, CU et SGP) vise une réduction de l’ordre de 18 milliards d’euros, tandis que les sociaux-libéraux (D66) ciblent 15 milliards d’euros d’économies. Les partis de gauche (PvdA, SP et GL) sont les moins ambitieux sur le plan de la réduction du déficit. Leurs projets ne déboucheraient que sur quelque 10 milliards d’euros d’économies nettes. Tous ces objectifs s’entendent ex ante et ne tiennent pas compte de l’effet endogène négatif des programmes d’économies sur les recettes fiscales et sur les transferts sociaux.
Traditionnellement, le CPB calcule et publie sur son site Internet les effets macroéconomiques des programmes électoraux des principaux partis. Cette année, son rapport s’est accompagné d’une analyse de leur incidence environnementale, réalisée par l’agence néerlandaise d’évaluation environnementale. Ces calculs jouent un rôle important dans le débat politique. La participation au processus s’effectue sur la base du volontariat, mais les grands partis ne peuvent pas se permettre d’y rester en dehors par crainte que leur réputation en pâtisse.
Contrairement à ses habitudes, le CPB n’a pas évalué l’incidence macroéconomique des programmes, officiellement par manque de temps. L’institut indique, toutefois, dans son rapport que celle-ci peut être considérable. Conformément aux scénarios précédents, le programme d’économies le moins ambitieux, de 10 milliards d’euros, amputerait la croissance de 0,25 point de pourcentage et augmenterait le chômage de 0,75 point de pourcentage. La diminution des recettes fiscales et la hausse des transferts sociaux pourraient limiter les économies réelles à 40 % du montant programmé. Le CPB note par ailleurs que, d’un point de vue historique, un programme de rigueur de 10 milliards d’euros paraît déjà exceptionnellement ambitieux.
Tous les partis, à l’exception du VVD et des démocrates-chrétiens, se proposent d’augmenter les impôts, en particulier sur les revenus les plus élevés, et de relever le taux des taxes environnementales. Tous les partis entendent réduire les dépenses publiques, en diminuant principalement le nombre des emplois publics et les dépenses de sécurité sociale et de santé. Pour ce dernier poste, il est projeté de limiter la couverture médicale obligatoire. Le CPB estime que les programmes du PvdA et du SP sont ceux qui stimuleraient le plus le pouvoir d’achat.
Le marché immobilier
L’une des principales préoccupations des ménages néerlandais concerne l’avenir de la déductibilité des intérêts d’emprunts immobiliers. Aux Pays-Bas, les frais financiers sur les prêts contractés pour acquérir la résidence principale sont entièrement déductibles des impôts au taux marginal d’imposition. En conséquence, les ménages néerlandais ont tendance à faire bon usage de l’effet de levier. Toutefois, le système présente de nombreux inconvénients. Il tend à amplifier le cycle, les ménages augmentant leurs dépenses en périodes de prospérité pour les réduire quand le marché résidentiel stagne ou chute. Qui plus est, compte tenu des liens étroits entre les différents compartiments du marché immobilier résidentiel, le système crée des distorsions entre le marché locatif et les logements occupés par leurs propriétaires. Enfin, il est très coûteux pour l’État. L’OCDE a recommandé de faire figurer ces coûts dans le budget, comme premier pas vers leur élimination.
Toutefois, les partis politiques renâclent à limiter les déductibilités des intérêts d’emprunts immobiliers, inquiets que cela puisse affecter les revenus d’une bonne partie de l’électorat. En outre, dans le contexte économique actuel, une telle mesure pourrait entraîner une baisse considérable du prix de l’immobilier résidentiel. Seul le D66 prône l’abandon progressif du système au profit d’une baisse de l’impôt sur le revenu, qui serait également financée par une hausse des taxes environnementales. Le PvdA, le SP et le GL proposent des changements limités en ce sens. Le VVD, en revanche, envisage d’accroître l’aide en faveur de l’accession à la propriété en éliminant les timbres fiscaux. La quasi-totalité des partis, à l’exception du CDA et du CU, prévoit des dispositifs pour augmenter les loyers dans les logements sociaux à loyer réglementé, en particulier pour les ménages aux revenus les plus élevés.
Impact environnemental
Le programme du GL, qui prévoit une réduction des émissions de gaz carbonique (CO2) de 63 millions de tonnes à l’horizon 2020, est le plus écologique. Les programmes du VVD et du PVV n’aboutiraient à pratiquement aucune réduction des émissions.
L’impact des autres programmes oscille entre 44 millions de tonnes pour le PvdA et 28 millions pour le SGP. En 2008, les les émissions en équivalent CO2 se sont à 203 millions de tonnes.
Soutenabilité à long terme
À long terme, les programmes d’austérité de tous les partis, à l’exception de ceux du PVV et du PS, réussissent à diminuer le déficit structurel au moins de 4,5%, nécessaire du point de vue du CPB pour ramener le solde budgétaire à un niveau soutenable. La mesure la plus importante consisterait à lier l’âge de la retraite à l’espérance de vie. Les syndicats et le patronat sont proches d’un accord sur ce point. Le scénario le plus probable est celui d’un recul de l’âge légal de la retraite de 65 ans actuellement à 66 ans en 2020 et 67 ans en 2025.
Si, à court terme, le programme du VVD est peut-être celui qui apparaît le pire pour le marché de l’emploi, le CPB estime que, à long terme, c’est celui qui lui serait le plus bénéfique. Ceci s’explique par l’accroissement des dépenses allouées à l’éducation, par l’augmentation des incitations fiscales au retour à l’emploi et par les réformes des marchés de l’emploi et des produits. Le programme du SP, en revanche, pourrait nuire aux perspectives à long terme de l’emploi.
Scénario possible après les élections
Les enquêtes d’opinion suggèrent que le VVD, le parti libéral conservateur, pourrait l’emporter. Dans ce cas de figure, la Reine pourrait inviter un membre important de ce parti à envisager la formation d’un gouvernement de coalition avec les partis démocrates-chrétiens ou avec le parti travailliste. Ces deux formes de coalition ont été testées par le passé. Cependant, aucune n’aurait la majorité au parlement et d’autres partis devraient être impliqués, ce qui allongera la durée des négociations.
Le prochain gouvernement devrait présenter un programme d’économies substantielles, de l’ordre de 15 milliards d’euros, probablement, soit 2,5 % du PIB, pour les quatre années du mandat (2011-2014). Cette stratégie serait sans conteste la meilleure, si les Pays-Bas étaient le seul pays à être confronté à une situation budgétaire difficile. L’adoption de mesures de consolidation budgétaire non coordonnées à l’échelle des États membres de la zone euro risque, en effet, de brider la croissance et d’alimenter le chômage. Elle pourrait, en outre, réduire l’efficacité du programme d’austérité visant à diminuer le déficit budgétaire.
En 2009, l’excédent du secteur privé représentait 10,3 % du PIB et pourrait dépasser 12 % cette année.
L’augmentation substantielle de l’excédent du secteur privé n’est pas spécifique aux Pays-Pas mais s’observe également dans la plupart des autres pays de la zone euro. Elle indique que le secteur privé préfère réduire son endettement malgré des taux d’intérêt extrêmement bas.
Si les pouvoirs publics s’emploient à éliminer leurs déficits budgétaires trop rapidement et sans coordination, la zone euro pourrait être à l’orée d’une nouvelle crise économique majeure.
Retrouvez les études économiques de BNP Paribas