par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Si la crise des dettes souveraines européennes restera probablement comme l’événement économique majeur de l’année 2011, les marchés financiers auront également été affectés par d’autres développements importants, souvent étroitement liés à des événements géopolitiques : les révolutions au Moyen-Orient qui se sont succédé tout au long de l’année, la catastrophe de Fukushima et, aux Etats-Unis, l’imbroglio politique de l’été autour de la question de l’augmentation du plafond de la dette publique qui a d’ailleurs conduit à la perte du AAA américain.
L’année 2011 aura donc été mouvementée, principalement caractérisée par la succession d’un choc inflationniste au premier semestre et de l’intensification de la crise des dettes souveraines européennes en deuxième partie d’année.
L’année 2012 s’annonce difficile : si l’inflation devrait refluer dans tous les pays avec la stabilisation du prix des matières premières, permettant ainsi une amélioration du pouvoir d’achat des ménages, de nombreux pays vont rester contraints par la poursuite des désendettements public et privé.
En zone euro, après une contraction de l’activité en début d’année, la croissance reviendra en territoire positif mais restera contrainte par l’évolution de la crise des dettes souveraines (confiance des agents, austérité budgétaire, rationnement du crédit). Elle ne sera que légèrement positive en moyenne sur l’année (0,1%). Les écarts de croissance entre les pays se réduiront (0,9% pour l’Allemagne, -3,5% pour la Grèce) mais seront encore importants.
Si les nouvelles conjoncturelles de ce début d’année sont plutôt favorables aux Etats-Unis (ISM manufacturier, créations d’emplois), nous restons très prudents sur les perspectives américaines à moyen terme, le désendettement des ménages et la consolidation budgétaire constituant des freins de taille à une reprise auto-entretenue. A court-terme, la croissance américaine va bénéficier d’un « policy-mix »1 extrêmement expansionniste, l’année électorale qui s’ouvre étant un obstacle à des prises de décisions douloureuses sur les finances publiques. La croissance américaine serait de l’ordre de 2% en moyenne sur l’année, bien supérieure à celle de la zone euro, mais tout juste suffisante à stabiliser un taux de chômage encore très élevé (8,5% en décembre) pour les standards américains.
Le ralentissement dans les pays émergents se poursuivra avec la baisse de la demande extérieure, mais dans un certain nombre de pays, la Chine notamment, la demande domestique pourrait continuer de soutenir la croissance. Quelles implications pour les marchés ?
- Les politiques monétaires vont devenir de plus en plus expansionnistes : poursuite de l’opération « twist » aux Etats- Unis et possible extension du maintien de l’objectif des Fed funds à 0/0,25% (2014 ?), baisse de taux en zone euro (à 0,50% ?) et dans les pays émergents. Ainsi les taux courts américains et européens seront proches de 0.
- Faiblesse des taux courts et baisse de l’inflation suggèrent des taux longs bas. Les taux longs américains bénéficieront en outre des actions de la Fed (achats). En zone euro, l’évolution des taux longs dépendra fortement des décisions politiques (mutualisation ou pas). A court-terme, les taux allemands bénéficieront encore de leur statut de valeur refuge mais les taux français pourraient se tendre au S1. Ils resteraient toutefois à un faible niveau (3,70% à horizon juin 2012).
- A court-terme, l’euro pourrait continuer de se déprécier face à la plupart des devises, en particulier face au dollar, un point bas à 1,25 nous semble très probable au premier semestre2. De nombreux facteurs vont dans ce sens : écart de croissance important entre les deux zones ; baisse du taux refi en zone euro ; persistance du risque institutionnel en Europe.
- Les marchés actions américains devraient profiter de meilleures perspectives outre Atlantique (comparé à la zone euro) et surperformer les marchés européens (progression de 15% en 2012 pour les premiers vs 7% pour les derniers).
Il y a évidemment de nombreuses incertitudes qui pèsent sur les perspectives 2012, liées en partie à l’issue d’élections (en particulier aux Etats-Unis et en France) et de décisions politiques qui en découleront mais aussi à la réaction des agents économiques (ménages /entreprises) face à la détérioration de l’environnement. Au total si l’année 2012 semble s’ouvrir sous des auspices défavorables, peut-être nous réservera-t-elle de bonnes surprises, par exemple des décisions politiques fortes provoquant un retour de la confiance en zone euro.
NOTES
- Policy-mix : combinaison de la politique budgétaire et de la politique monétaire.
- Cf. Edito du 16 décembre 2011 « l’eurodollar encore sous pression ».