par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
L’année 2012 s’est avérée plus négative que prévu sur le front de la croissance mais l’environnement financier s’est nettement amélioré depuis un an, grâce en particulier aux actions des banques centrales et en corollaire au recul du risque d’éclatement de la zone euro.
L’année 2013 s’annonce difficile sur le plan de la croissance économique1 avec de nombreux risques et incertitudes portant sur l’économie mondiale : risques géopolitiques (Proche et Moyen-Orient, conflit Chine/Japon, …) ; incertitudes liées à la politique budgétaire américaine, l’accord sur le fiscal cliff ne réglant pas un certain nombre de questions (plafond de la dette, coupes automatiques de dépenses, consolidation budgétaire à long terme) ; récession européenne et nécessité d’avancées institutionnelles ; problèmes structurels spécifiques dans certains pays émergents.
En conséquence, notre scénario macroéconomique en ce début d’année reste très prudent avec pour principales caractéristiques :
- une croissance mondiale qui va rester faible.
- Processus de désinflation dans la plupart des pays.
- réduction de l’endettement privé et public dans de nombreux pays développés.
- des politiques monétaires très accommodantes. Quelles conséquences pour les marchés financiers ?
– Suivant la tendance de 2012, les politiques monétaires vont devenir de plus en plus expansionnistes en 2013 et la liquidité mondiale va continuer de croitre : poursuite de l’augmentation du bilan de la Réserve Fédérale américaine avec les achats de MBS et de titres du Trésor pour un montant cumulé de 85Md$ par mois au moins jusque fin 2013 ; possible baisse du taux refi en zone euro (à 0,50%) et éventuelles interventions non conventionnelles (OMT, autres mesures visant à soutenir le crédit ?) ; maintien de politiques plus expansionnistes dans les pays émergents même si les marges de manœuvre en terme d’assouplissement sont souvent limitées. Les taux courts américains et européens resteront proches de 0.
– Les taux longs des pays considérés comme sûrs resteront à de bas niveaux avec la faiblesse de l’activité et celle des taux courts, la liquidité mondiale et le recul de l’inflation. Du côté américain, les achats de la Fed seront un facteur supplémentaire au maintien des taux à un faible niveau. En zone euro, l’évolution des taux longs dépendra en outre des décisions politiques. Si le risque d’éclatement de la zone euro a sensiblement baissé, les titres allemands continuent d’attirer les investisseurs en dépit de leur cherté. Les taux longs français pourraient continuer de bénéficier d’une part de la crédibilité du gouvernement concernant la réduction du déficit public et d’autre part du rendement supérieur de la dette française et de sa liquidité.
– L’euro devrait poursuivre son mouvement de dépréciation, principalement vis-à-vis du dollar, reflétant l’écart de croissance potentielle des deux côtés de l’Atlantique. En revanche, avec la diminution du risque d’éclatement de la zone euro et le moindre degré d’aversion pour le risque (avec toutefois des vagues à attendre en cours d’année), les tensions sur les devises refuges devraient être moindres.
– Les marchés actions américains devraient à nouveau surperformer les marchés européens, bénéficiant toujours d’un environnement plus favorable avec une croissance américaine revenant vers son potentiel en deuxième partie d’année alors que la zone euro peinera à sortir de récession (progression de 17% en 2013 attendue sur le SP500 vs 8% pour les indices européens).
Dans cet environnement qui peut paraître bien pessimiste, surtout pour l’économie européenne, il y a cependant quelques éléments positifs comme le recul du risque financier, la poursuite des ajustements des bilans des agents et la résorption des déséquilibres, le souhait d’avancer sur les questions institutionnelles en zone euro, la désinflation, la dépréciation de l’euro et l’assouplissement des règles portant sur le ratio de liquidité des banques (Bâle 3)2. Un changement de stratégie au niveau européen, consistant en un allégement des contraintes de réduction des déficits publics dans les pays pratiquant l’austérité (pour leur donner plus de temps) constituerait une bonne nouvelle et pourrait créer un choc de confiance en Europe. Les obstacles sont nombreux mais le pire n’est jamais certain.
NOTES
- Cf. Edito du 30/11/2012 « la croissance mondiale 2013 sous le signe de l’incertitude ».
- Cf. Thèmes économiques et financiers de la semaine « Bâle perdue ? ».