par Maarten-Jan Bakkum, Emerging Markets Strategist chez ING IM
Les inquiétudes des marchés relatives à la Chine ont clairement augmenté au cours de ces dernières années. Au départ, il s’agissait uniquement de craintes concernant le niveau de la croissance. Ces derniers mois, l’attention s’est cependant portée sur le système financier.
La Chine a affiché une croissance du crédit excessive au cours de la décennie écoulée, avec une croissance annuelle moyenne de 25% et des pics de plus 40%. Alors que les emprunts douteux et les faillites se multiplient, les marchés s’interrogent de plus en plus sur la manière dont les banques chinoises pourront faire face au ralentissement actuel. Ceci se reflète par la morosité du marché chinois des actions, un repli des prix des matières premières et même une légère dépréciation du renminbi au cours de ces dernières semaines. Tout ceci constitue une réponse logique des marchés à la combinaison de décélération de la croissance et de signes évidents de problèmes au sein du système financier.
Et pourtant, il y a quelque chose d’anormal. Même si un nombre croissant d’économistes et de stratégistes ont une analyse plus négative, ils restent toujours très prudents. Les craintes augmentent, mais la tendance est de ménager la chèvre et le chou. Apparemment, personne n’est assez courageux dans le monde financier pour tirer des conclusions claires, même si les risques sont énormes. Au cours des cinq dernières années, la dette chinoise a affiché une croissance sans précédent en pourcentage du PIB : elle a augmenté de plus de 70 points de pourcentage. Ceci ne manquera pas d’exercer des pressions intenses sur le système financier si l’économie continue à ralentir.
Parallèlement, tout le monde sait que les sociétés publiques et les gouvernements locaux sont largement endettés et que le refinancement est de plus en plus difficile. Les gouvernements provinciaux maintiennent de nombreuses sociétés déficitaires en vie, en particulier dans le domaine de l’acier et du ciment, ainsi que dans d’autres industries du secteur des matériaux de construction. En outre, leurs recettes dépendent du produit de la vente de terrains aux promoteurs immobiliers. Malheureusement, le secteur immobilier est en perte de vitesse dans de nombreuses régions de la Chine en raison des ventes décevantes alors que le stock de maisons ne cesse d’augmenter.
Étant donné qu’il est devenu difficile de refinancer la dette par de nouveaux emprunts à long terme, les sociétés et les gouvernements locaux sont forcés de contracter des crédits à terme toujours plus court. Pour rendre ceci possible, le gouvernement central a injecté d’énormes quantités de capitaux dans l’économie. Ceci commence à se refléter par une dépréciation du renminbi. Une devise plus faible stimulera le secteur des exportations, mais ceci est un effet à long terme. Pour l’instant, il est beaucoup plus important de prendre en considération le risque de fuite de capitaux maintenant qu’il n’est plus un fait acquis que la devise va continuer à s’apprécier. Les sorties de capitaux sont susceptibles de renforcer les pressions pesant sur les sociétés aux besoins de financement élevés et, par conséquent, sur le secteur bancaire.
Objectivement, il est de plus en plus difficile d’imaginer un scénario dans lequel une crise de crédit ou un ralentissement substantiel peut être évité. Le fait qu’en dépit de ceci, très peu d’analystes prévoient une crise ou une récession pourrait refléter la peur. La peur des implications massives de la prévision d’une crise chinoise pour les portefeuilles de placement. Et la peur des autorités chinoises, qui n’apprécient pas les économistes critiques qui s’écartent trop de la ligne du parti.