par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
Des signaux positifs sont apparus au cours des dernières semaines, avec une stabilisation, voire des progressions (timides), de certains indicateurs avancés, une atténuation des craintes de très fort ralentissement en Chine (avec en particulier une augmentation extrêmement robuste des crédits bancaires), un frémissement des exportations allemandes, qui n’ont reculé que de 0,7% m/m en février après la chute libre des mois précédents…
Ainsi, outre-Atlantique, le PMI manufacturier s’est-il légèrement redressé pour le troisième mois consécutif en mars. Certes, la progression est minime (de 35,8 en février à 36,3), mais elle a ramené l’indice quasiment à son niveau de novembre (36,6), après un point bas à 32,9 en décembre. En outre, la composante relative aux nouvelles commandes a bondi (à 41,2 contre 33,1 en février) et celle décrivant l’état des stocks a encore reculé, ce qui peut laisser espérer un redressement de la production industrielle (en repli pour le quatrième mois consécutif en février) au cours des mois prochains. Le marché immobilier, également, semble commencer à offrir une meilleure résistance (mises en chantier, permis de construire…). Enfin, les ventes au détail sont restées à peu près inchangées en février, après avoir rebondi en janvier, embellie qui devrait se poursuivre en mars après un second semestre 2008 en chute libre. Si les conditions restent peu propices à un rebond généralisé de la consommation (l’emploi est appelé à se contracter encore fortement au moins d’ici à la fin de l’année), le pire en matière de dépenses des ménages pourrait bien être passé, les baisses d’impôt du plan de relance devant, en outre, jouer un rôle stabilisateur dès le milieu de l’année.
Ces éléments sont très loin d’annoncer une reprise imminente, mais ils constituent la promesse, après un dernier trimestre 2008 et un premier trimestre 2009 exécrables, d’une modération dans la dégradation de l’activité d’ici à la fin de l’année. C’est principalement en raison d’un acquis de croissance très négatif à la fin du T1 2009, que la performance pour l’ensemble de l’année sera si mauvaise. Nous attendons un recul de 6,2% t/t annualisé du PIB au T1 2009 (publication le 29 avril), comme au T4 2008, conduisant, en dépit d’un second semestre plus clément, à une baisse d’activité de plus de 3,5% cette année.
Il est essentiel que la demande finale prenne le relais d’une éventuelle reconstitution des stocks, pour que la reprise soit solide. Dans ces conditions, la zone euro et le Japon apparaissent moins bien placés, et à tout le moins ne devraient redémarrer qu’avec retard par rapport aux Etats-Unis. Les conditions sur le marché du travail vont continuer de se détériorer, tant en Europe continentale qu’au Japon, ce qui va peser sur les dépenses des ménages. En ce qui concerne l’investissement des entreprises, les enquêtes les plus récentes n’annoncent rien de bon. Ainsi, au Japon, le rebond des commandes privées de machines en février (le premier en cinq mois), indicateur avancé fiable de l’investissement des entreprises, ne devrait être que temporaire.
En Europe, l’ajustement de l’immobilier résidentiel, et ses effets sur le secteur de la construction, n’en est qu’à son début, ce qui constitue une énorme différence avec les Etats-Unis. Restent les exportations.
Toutefois, la demande mondiale ne va pas repartir à court terme, ce qui pénalisera la zone euro, au travers de l’Allemagne, et le Japon. En particulier, la Chine ne pourra pas, bien sûr, assurer à elle seule le redémarrage du commerce mondial, en dépit d’un plan de relance gigantesque. D’une part, les autorités chinoises se posent d‘ores et déjà la question de nouvelles mesures, afin de soutenir l’activité au delà du second semestre 2009. D’autre part, la montée de la part de la consommation (et donc des importations) dans le PIB chinois ne peut être que progressive.
Au Japon, le Premier ministre Taro Aso, a présenté, en milieu de semaine, le troisième plan de relance depuis octobre dernier. Il diffère des autres par sa taille, 15 400 milliards de yens soit 3% du PIB, mais aussi par sa cible. Contrairement aux programmes précédents qui finançaient principalement de nouveaux chantiers de travaux publics, il s’agit cette fois de stimuler les autres composantes de la demande interne (le moteur traditionnel de la croissance nippone, le commerce extérieur, étant en panne, voir supra). Le soutien se fera en partie via la consommation privée, en incitant les ménages à acheter des produits «made in Japan», principalement dans l’électronique et l’automobile, secteurs qui emploient encore 10% de la population active. Le gouvernement a adopté le principe d’une croissance verte et souhaite inciter au renouvellement du parc automobile (prime à la casse et fiscalité verte au profit de l’achat de voitures « propres ») ainsi qu’au développement des énergies renouvelables.
En outre, des emplois seront créés dans les secteurs porteurs comme la santé, 500 000 dès cette année, avec un objectif de 1,4 à 2 millions de nouveaux postes d’ici à trois ans. Pour financer ce programme, déjà surnommé le plan de la dernière chance, l’Etat émettra 10 000 milliards de JGBs supplémentaires. Le déficit devrait approcher 10% du PIB dès cette année et la dette dépasser 200% en 2010. Ce niveau insoutenable à terme compromet un retour rapide à une croissance supérieure à 1%, le rythme moyen constaté depuis l’éclatement de la bulle financière au début des années 1990. Pour l’heure, il n’est toutefois pas encore question de rigueur budgétaire, mais de permettre à l’économie, qui devrait se contracter de près de 7% cette année, de sortir de la récession et d’éviter de retomber en déflation.
A l’occasion de sa réunion de jeudi dernier, la Banque d’Angleterre a décidé de maintenir son taux directeur à 0,50%, après six mois de baisse ininterrompue qui l’a amené de 5,25% en février 2008 à son plus bas niveau historique (en 345 années d’existence de la BoE). Cette décision était attendue. D’une part, le Comité de Politique Monétaire (CPM) a signalé qu’il considérait qu’un taux directeur inférieur à 0,50% pourrait être préjudiciable.
D’autre part, il souhaite pouvoir juger des effets des nouvelles mesures d’assouplissement monétaire quantitatif (quantitative easing) décidées le 5 mars et lancées le 11 (Asset Purchase Programme). La BoE va poursuivre ses achats d’obligations d’Etat (de maturité allant de 5 à 25 ans), prévus pour atteindre GBP75 mds en trois mois et qui se montent à GBP 26 mds jusqu’à présent. Après un départ très prometteur, les résultats de ces mesures semblent pour le moins mitigés. Ainsi, les rendements du Gilt à 10 ans ne sont passés sous les taux allemands que très momentanément (le 12 mars précisément, et ce pour la première fois depuis 1990). Cependant, il est beaucoup trop tôt pour porter un jugement définitif, en particulier dans un contexte où un retour (prudent) de l’appétit pour le risque et l’importance des programmes d’émission de titres souverains compliquent l’analyse.
En tout état de cause, la BCE, qui pourrait annoncer de nouvelles mesures « non conventionnelles » à la suite de sa prochaine réunion début mai, suit avec grand intérêt ces évolutions. Le plus probable est qu’elle privilégiera, pour le moment, l’allongement de la maturité de ses opérations de refinancement des banques commerciales (le crédit bancaire étant le premier canal de financement de l’économie de la zone euro). L’achat de titres de dette privés pourrait constituer l’étape suivante. Ces mesures pourraient ne pas suffire, ce qui conduirait la Banque centrale à acheter des titres souverains avant la fin de l’année. En matière de politique monétaire « conventionnelle », une nouvelle réduction du refi de 25 pb est très probable le 7 mai prochain, avec un taux de la facilité de dépôts maintenu à 0,25%.