par Paola Monperrus-Veroni et Marin Ferry, économistes au Crédit Agricole
• La dichotomie entre l’aggravation de la situation conjoncturelle dans la zone euro et la bienveillance des marchés avec peu de signes de contagion par rapport aux évènements récents à Chypre, en Italie et au Portugal peut paraître au premier abord surprenante.
• Mais alors que le redressement de l’activité au premier trimestre semble exclu par l’évolution de la production industrielle au cours des deux premiers mois de 2013, il existe dans les indicateurs les plus anticipateurs du cycle des signes d’une diffusion de la stabilisation des opinions dans les pays de la zone euro.
• Un léger mieux semble donc se frayer la route. Il pourrait s’appuyer sur une rigueur qui s’amenuise dans la périphérie, résultat d’une certaine convergence budgétaire, sur une réduction des déséquilibres des balances de paiements et sur la stabilisation de la fragmentation financière grâce à l’action et au discours de la Banque centrale.
L’indice de la production industrielle, bien qu’en légère hausse en février, montre un affaiblissement du cycle européen, qui déçoit les espoirs d’une rapide sortie de la crise qui avaient pu naitre avec le redressement des enquêtes en début d’année. Et, au mois de mars, les indices PMI signalent une accélération de la contraction de l’activité.
Ces signaux d’affaiblissement du cycle européen vont de pair avec une détente des taux souverains dans la zone euro, périphérie comprise, et avec une totale absence de contagion des tensions, restées donc sporadiques, liées au bail-out chypriote, à l’incertitude politique en Italie et au dérapage des finances publiques portugaises.
Certes, la construction institutionnelle européenne avance, bien qu’au ralenti, et la position bienveillante de la BCE peut contribuer à justifier cette nouvelle complaisance à l’égard de la zone euro, dans un contexte de renforcement de la reprise en Asie et aux Etats-Unis et dans l’espoir d’une économie japonaise renouant avec la croissance.
Nous menons une rapide exploration des derniers indicateurs conjoncturels de l’enquête de la Commission européenne afin d’y déceler les signes d’un retournement, qui se fonderait sur une diffusion, y compris aux pays de la périphérie, d’une amélioration du sentiment des agents économiques.
Production industrielle : hypothèque sur une stabilité, au mieux, au T1 2013
La production industrielle a certes rebondi de 0,4% dans la zone euro, en février, mais après le recul de janvier (-0,6% m/m) elle reste sur la moyenne des deux premiers mois de 0,1% inférieure à la moyenne du dernier trimestre de 2012. Si l’on considère le rythme annuel, qui rend mieux compte de l’évolution cyclique, l’activité est moins dégradée en France, en Allemagne, au Portugal et en Grèce qu’auparavant, alors que le cycle se renforce à la baisse en Espagne, aux Pays-Bas, en Finlande et dans une moindre mesure en Italie.
En Allemagne, le rebond (+0,5% m/m) en février ne corrige que partiellement la baisse de janvier (-0,6%) et se solde par un recul de 0,2% sur les deux premiers mois par rapport au T4 2012. Il vient ainsi contredire l’indice Ifo qui signalait une très forte reprise en début d’année avant de se replier en mars.
En France, l’indice de la production industrielle se redresse (+0,7% m/m) en février et marque une nette décélération de la dégradation du cycle industriel et manufacturier, en particulier. L’acquis de croissance laissé en héritage au T1 2013 est à peine positif (+0,1%).
En Italie, après l’ajustement de janvier (+1,0% m/m) qui a suivi la chute brutale de fin d’année (-1,8% au T4 2012), le mois de février ne maintient pas la promesse d’une reprise. L’indice baisse de 0,8% et laisse un acquis de croissance de négatif de -0,2% au T1 2013.
En Espagne, le repli de la production industrielle en février (-1,3%, après +0,6 en janvier m/m) signale une très nette dégradation du cycle d’activité, qui en rythme annuel accélère son recul (-6,5% en g.a. en février, contre -4,9% en janvier). Il en résulte une croissance sur les deux premiers mois de 2013 de 0,9% inférieure au T4 2013.
Vers moins d’hétérogénéité ?
Malgré ces évolutions hétérogènes dans les grands pays de la zone, le mois de février signale une moindre dispersion de l’activité parmi les pays membres de l’UEM.
Aussi le redémarrage de l’activité se diffuse parmi les pays membres, comme le montre l’indice de diffusion qui quitte sa position intermédiaire (autour de 0), compatible avec la stabilisation de la production.
L’indice de diffusion retrace la proportion de séries en croissance sur une période donnée et nous renseigne sur le degré de diffusion du cycle au sein d’une zone géographique donnée. Cet indice contraint également l’évolution des séries étudiées entre 1 et -1 ce qui permet de « normaliser » les fluctuations les plus volatiles.
Dans le but d’observer les dernières tendances du cycle d’activité de la zone euro nous proposons, en utilisant les données issues de l’enquête d’opinion européenne ESI (Economic Sentiment Indicator), d’appliquer cet indice à différentes variables, considérées comme prédictives ou coïncidentes du cycle. Les séries explicatives de l’évolution de l’activité choisies sont les soldes d’opinion sur le niveau de production passée et anticipée, les perspectives d’exportations, les opinions sur les commandes totales et intérieures, les perspectives de commandes et, enfin, les taux d’utilisation des capacités de production. Nous avons ainsi collecté les soldes d’opinions relatifs à ces sept variables pour chaque pays de l’UEM pour calculer un indice de diffusion pour la zone euro dans son ensemble.
Ces soldes d’opinion ont été préalablement centrés-réduits dans le but de « lisser » leurs fluctuations pour pouvoir les comparer à même échelle. Ainsi notre indice de diffusion pour la zone euro se présente comme étant la somme des ratios de soldes d’opinion centrés-réduits sur leur valeur absolue, divisée par la somme des valeurs absolues de ces mêmes ratios. Par conséquent, plus l’indice tend vers sa borne inférieure (-1) plus il y a concentration d’opinions en voie de dégradation. Une évolution autour de zéro indique un processus de stabilisation du sentiment et des perspectives relatives à la variable considérée tandis qu’un déplacement vers la borne supérieure (+1) représente une diffusion de l’amélioration des soldes d’opinions.
Les opinions sur la production passée, dans l’enquête conduite en mars par la Commission européenne dans les pays de la zone euro, confirment le léger repli de l’activité en début d’année convergeant dans le sens d’une dégradation.
L’indice de diffusion des taux d’utilisation des capacités pointe également vers une baisse généralisée. Mais la stabilisation des perspectives de production et surtout d’exportations, indicateurs anticipateurs du cycle, semble en revanche progressivement se diffuser dans la zone.
Un léger mieux semble donc se frayer la route. Il pourrait s’appuyer sur une rigueur qui s’amenuise dans la périphérie, résultat d’une certaine convergence budgétaire, sur une réduction des déséquilibres des balances de paiements et sur la stabilisation de la fragmentation financière grâce à l’action et au discours de la Banque centrale.