par Jean-Jacques Friedman, Directeur des Investissements et de la Gestion Sous Mandat chez VEGA IM
Bref rappel du climat économique des derniers mois : tous les instituts de prévision ont revu à la hausse leurs perspectives de croissance pour 2017 et 2018, engendrant une dynamique favorable; mieux, ces révisions haussières, très consensuelles, ont été affichées avec un assez fort degré de certitude, car non seulement la croissance est synchrone dans l’ensemble des zones géographiques mais elle repose aussi de plus en plus sur les investissements des entreprises.
• Que reste-t-il donc à réviser en cette fin d’année ?
La majorité des révisions haussières concerne l’Europe : pour 2018, la croissance est attendue autour de 2 %, c’est-à-dire nettement au-dessus de la croissance potentielle proche de 1 %; quant aux États-Unis, elle resterait inférieure à 2,5 %. Aujourd’hui, le débat porte sur la Chine : les positions entre investisseurs sont assez tranchées, mais la véritable question porte davantage sur 2019 que sur l’année prochaine où une certaine continuité devrait prévaloir, suite aux conclusions du 19e Congrès du Parti communiste. La situation en Chine suit en cela les projections à l’international selon lesquelles les marchés connaîtront, d’ici à 1 à 2 ans, une croissance moindre qu’aujourd’hui.
• L’inflexion de la croissance mondiale est donc attendue pour 2019 et 2020, du fait essentiellement d’une hausse des coûts des entreprises aux États-Unis.
Les investisseurs se dirigent ainsi progressivement vers un scénario où la croissance mondiale est attendue en baisse de 0,5 % durant ces deux années consécutives. Pour arriver à un tel décrochage, cela signifie une croissance américaine nettement inférieure à son potentiel (peut être entre 0,5 % et 1 %), et c’est ce schéma que les marchés garderont en tête dans le timing de leurs investissements pour l’année prochaine.
• Des facteurs techniques favorables depuis l’été aux matières premières et au pétrole
En novembre, nous indiquions que l’inflation américaine pourrait, à l’inverse de son homologue européenne, se redresser du fait de la faiblesse du dollar (inflation importée). La poursuite de la resynchronisation de l’activité économique en 2018 entre toutes les zones géographiques pourrait également induire une hausse des matières premières, notamment industrielles; et en ce qui concerne le pétrole, non seulement les quotas de production ont été prolongés pour toute l’année 2018, mais il y a la situation particulière de l’Arabie Saoudite qui souhaite introduire, au second semestre 2018, une partie du capital de Saudi Aramco (le prix d’équilibre pour ses comptes publics est à 70 dollars le baril).
L'environnement boursier
• Focus sur les indicateurs techniques
Dans le scénario de novembre, nous insistions sur les cinq éléments (en plus de la levée de l’hypothèque politique de début d’année sur la zone euro) à l’origine de la hausse des marchés : la croissance mondiale synchrone, les conditions monétaires accommodantes, les anticipations de hausse des profits des entreprises, les flux sur les marchés actions européens et émergents et les fusions & acquisitions profitant des conditions financières favorables.
Aucun momentum supplémentaire n’impacte un de ces éléments pour les prochains mois. A l’inverse, un ralentissement aux États-Unis est attendu en 2019. Ainsi, à défaut d’éléments économiques, les marchés continueront de se focaliser sur les indicateurs techniques. Parallèlement, des consensus différents se développement entre l’univers des brokers (mettant majoritairement en avant une consolidation ou baisse des indices), et les assureurs ou les banques.
• Des configurations tranchées entre les secteurs
Sur une majorité des secteurs de la cote, les configurations techniques restent positives, notamment en majorité sur les secteurs cycliques (pétrole, produits de base, automobile, chimie, construction). Sur les secteurs plus défensifs (santé, biens de consommation, distribution), elles sont plus neutres. Tout ceci témoigne donc à la fois de la confiance des investisseurs et de la cohérence de leurs prises de décision.
• Un marché qui doit accepter un univers moins sécurisé
Le marché a vécu depuis plusieurs années dans des conditions idéales : de perspectives de croissance au beau fixe afin de finir de rattraper le décrochage exceptionnel de 2008 et le pilotage des banques centrales « pressurant » les taux d’intérêt à long terme. Nous pensons qu’il y aura une période de transition durant laquelle le marché devrait corriger pour prendre en compte la nouvelle donne : aujourd’hui, il n’est plus possible de se projeter à un horizon de moyen terme avec les même filets de protection qu’auparavant. Cependant, nous anticipons un mouvement de correction plutôt bref, grâce aux fondamentaux de long terme positifs cités ci-dessus; même sans momentum économique supplémentaire en 2018, ils vont continuer de porter leurs fruits en matière notamment de progression des bénéfices des entreprises.
Notre stratégie de gestion
• Une tendance haussière débattue mais pas remise en question en termes techniques
Les indices d’actions internationales ont enregistré en novembre un 13e mois de hausse consécutif, grâce à plusieurs secteurs de croissance dont la technologie. Les perspectives de croissance des résultats des entreprises pour 2018 s’élèvent à 10 % à des P/E supérieurs à 15 fois les bénéfices pour l’ensemble des places boursières, à la seule exception de la Chine à 14 fois les bénéfices 2018.
• Une réduction de la surexposition actions
En 2017, la progression des marchés a été conforme à l’amélioration des résultats des entreprises et à l’évolution des parités des changes. En clair, les marchés européens n’ont pas été complaisants ! Ces dernières semaines, nous avons commencé à réduire notre exposition Actions, notamment sur les valeurs moyennes qui ont déjà très bien performé. En contrepartie, nous avons investi sur les indices métaux précieux qui bénéficieront d’une remontée de l’inflation américaine sans pentification notable de la courbe des taux, et donc d’une baisse des taux d’intérêt réels, configuration généralement favorables à l’or.
• La question centrale : l’inflation
En novembre, nous en convenions : de nombreux arguments expliquent la faiblesse de l’inflation – « ubérisation » de plusieurs modèles de production, entrée de pays comme la Chine dans l’économie de marché, vieillissement de la population… A l’inverse, nous croyons que l’inflation aux États-Unis pourrait se redresser du fait de la faiblesse du dollar et de l’inflation importée (prix à la production plus élevés et une remontée du cours de plusieurs matières premières). Les marchés pourraient donc tenter de revenir sur le reflation trade.
• Quelles pourraient en être les conséquences ?
Une remontée des taux longs américains et un terme mis à la forte surperformance de secteurs « croissance » et technologiques, par rapport au reste de la cote. La forte surperformance du Nasdaq comparativement à la Bourse « traditionnelle » américaine est un ratio particulièrement scruté, alors que jusqu’à présent, l’envolée de ce ratio était le symbole de la confiance et de la force du marché américain. Après la phase de consolidation du dollar, nous reviendrons sur des positions actions américaines de nouveau en partie couvertes contre le risque de baisse du dollar contre euro.