par Philippe Waechter, Directeur de la Recherche Economique de Natixis Asset Management
La dynamique financière dans laquelle s'inscrit l'économie mondiale est complexe et fragile. Un ordonnancement plus rationnel lui a probablement manqué pour éviter la situation chaotique que nous connaissons actuellement.
Pour y remédier et mettre l'économie globale sur de bons rails, il est souvent évoqué l'idée de nouvelles règles de gouvernance internationale Nombreux sont ceux qui appellent à un nouveau Système Monétaire International (SMI). L'idée derrière cela est de définir des règles claires pour éviter les effets défavorables des flux financiers. C'est aussi de limiter la taille de ces flux financiers dont les montants sont tels qu'ils peuvent parfois avoir un caractère déstabilisant. Cela se traduirait par une plus grande coopération et une meilleure coordination entre les différents acteurs des marchés et les pays. Il me semble pourtant qu'il y a une grande naïveté à faire l'hypothèse que les différents intervenants pourront tous avoir des objectifs cohérents entre eux et dans le temps. Sur un sujet beaucoup plus important qui est celui de l'environnement, seuls les gouvernements intervenaient. Pourtant, le protocole de Kyoto n'a pas été ratifié par les pays les plus pollueurs.
Face à cette difficulté, il est souvent fait référence aux accords de Bretton Woods. [Rappelons que les accords de Bretton Woods ont été signés en 1944 et ont conditionné les relations monétaires entre les pays occidentaux jusqu'au début des années 70. Les taux de change étaient fixes vis-à-vis du dollar, celui étant défini par son poids en or (35 dollars l'once d'or)].
Il me semble qu'il y a un brin de nostalgie lorsque l'on y fait référence. En effet, dans les années 50 et 60, la France était en période de reconstruction et de rattrapage vis-à-vis des Etats-Unis. Cela s'était effectivement traduit par des taux de croissance durablement élevé et un taux de chômage très réduit. Cette situation n'est plus celle d'aujourd'hui et elle ne reviendra plus. Le deuxième point est que Bretton Woods se caractérisait par des taux de change fixe et des flux internationaux de capitaux réduits. Cela a été rendu possible parce que dans les années 50 et 60, la globalisation économique et financière était très limitée. Aujourd'hui l'économie est globalisée et les flux de biens et de capitaux très intenses, doit-on et peut-on revenir sur ce point sans effets fortement négatifs sur la dynamique des économies européennes ? J'en doute.
Le dernier point à souligner est que la signature des accords de Bretton Woods en 1944 se passait aux Etats-Unis alors que ceux-ci avaient été prépondérants pour gagner la guerre. Le rapport de force était alors très en leur faveur. La construction de l'accord reflète très clairement l'état de ce rapport de force à un moment donné. A la fin des années 60, ce rapport de force ayant changé, le système mis en place en 1944 ne pouvait plus tenir. Les taux de change sont devenus flottants. Ce qu'il faut retenir ici est simple. Si une négociation du type de Bretton Woods était mise en place, quel serait le rapport de force qui en sortirait ? Il n'est pas certain que la position des Etats-Unis soit aussi forte, pas plus que celle de l'Europe. Au regard des réserves financières de certains pays émergents, le rapport de force qui en sortirait pourrait être étonnant.
La question du Système Monétaire International est forcément complexe et compliqué car les objectifs et les contraintes de chaque pays sont différents. Il n'a pas forcément bien fonctionné. On peut néanmoins mettre en exergue deux aspects qui paraissent importants. Au regard des évolutions récentes de certains pays émergents, on peut remarquer que la mise en place et le respect d'objectifs internes (inflation par exemple) permet de mieux maîtriser, pour un pays, l'évolution de son taux de change. La question est donc de savoir s'il faut définir des règles qui s'appliquent à tous au risque, comme dans le système de Bretton Woods, de limiter les échanges et de provoquer un retour en arrière sur l'économie globale, ou s'il faut inciter à mettre en place des politiques internes plus rationnelle pour chacun des pays et au regard des succès obtenus pour ceux ayant suivis cette option. La deuxième remarque tient au fait que le SMI pour être équilibré doit refléter les contributions de chacun des intervenants. Sur ce point, l'accumulation de réserves de change dans de nombreux pays émergents est un facteur préoccupant. Ces réserves se déversent sur les marchés financiers occidentaux et en perturbent le fonctionnement. La globalisation économique doit aussi se traduire par une globalisation financière et passer ainsi par le développement de places financière plus importantes dans les pays émergents en cohérence avec le poids économique de chacun de ces pays. Cela n'est pas encore fait mais doit être une tâche urgente pour retrouver rapidement une croissance économique globale plus homogène.