par Jean-Jacques Friedman, Chief Investment Officer de Natixis Wealth Management
Les risques sont aujourd’hui mieux intégrés par les investisseurs, tandis que dans le même temps, les résultats des entreprises continuaient de progresser sur l’ensemble des marchés. Dès lors, il existe désormais une fenêtre d’investissement sur les actions sur les principales zones géographiques, avant un ralentissement de la croissance aux États-Unis attendu dans la seconde moitié de l’année 2019. Éclairages.
Sur la situation macro-économique
Il faut rappeler au préalable que la croissance mondiale est au plus haut depuis huit ans, malgré un sentiment différent qui peut être ressenti en zone euro. Certes, c’est une croissance mondiale plus désynchronisée qu’en 2017, tirée par une économie américaine dopée par la politique fiscale de Donald Trump qui entraîne à la fois les investissements et la consommation. Toutefois, depuis plusieurs semaines, des indicateurs indiquent une nouvelle forme de reconvergence des économies, en légère baisse aux États-Unis et en progression sur les principaux pays émergents, Chine en tête, le Japon et la zone euro.
La marge budgétaire de Trump va sensiblement se réduire en 2019 et surtout en 2020, avec notamment une forte décrue de postes budgétaires tels notamment celui de la défense, un plafonnement de la consommation du fait de la hausse des prix liée en partie à l’établissement des taxes à l’importation, et un goulot d’étranglement sur l’emploi apparaîtra parallèlement d’ici quelques trimestres. Résultat, la question sur le cycle de croissance américain pourrait se poser à partir du second semestre 2019.
Le risque de plus grande inflation, et donc de crédibilité des objectifs de politique monétaire de la réserve fédérale s’est matérialisée, et est dorénavant mieux intégrée par les investisseurs.
Sur le plan des politiques monétaires, deux éléments rassurants sont intervenus. D’une part, la FED se montrera très pragmatique comment en témoignent les différentes déclarations de Jerome Powell, et les marchés sont désormais accoutumés à des taux 10 ans autour de 3%. D’autre part, la Chine n’a pas souhaité rentrer dans une guerre des changes en affaiblissant sa monnaie, afin d’écarter, écartant une escalade face aux États-Unis.
De son côté, la Banque centrale européenne apparaît en retard dans la phase de resserrement monétaire et les anticipations des investisseurs de remontée des taux restent beaucoup trop faibles à partir de 2019. Le départ l’an prochain de Mario Draghi fige sans doute la situation mais le marché risque de prendre conscience avec retard de la nécessaire hausse des taux, comme ce fût le cas aux États-Unis. En clair, une fois lancée, la remontée des taux risque d’être plus rapide que prévu.
Le débat sur la guerre commerciale semble se focaliser désormais sur la Chine et sans doute pour plusieurs années, quelque soit l’issue des élections de mid term aux États-Unis.
Sur nos points de focalisation des marchés
La valorisation des marchés actions n’est pas excessive. Elle revient même vers leur moyenne de long terme (16,5 fois les bénéfices aux Etats-Unis et 14 fois en zone euro).
Nous continuons de privilégier le segment des valeurs de croissance américaines, avec une importante couverture de change ; les valorisations élevées des valeurs technologiques ne correspondent toujours pas à une bulle mais à la réalité de la progression des résultats.
Les pays émergents pourraient profiter à la fois d’une baisse du dollar et d’une stabilisation de l’économie chinoise malgré la guerre commerciale, soutenue notamment par une politique monétaire peut être plus expansionniste et à un nouveau programme d’infrastructures équivalent à 1% du PIB chinois. De même, les actions japonaises, largement sous-valorisées, pourraient surprendre à la hausse avec le retour de la croissance et de l’éloignement du risque déflationniste, notamment sur les valeurs domestiques, alors que nous jouions auparavant les valeurs exportatrices bénéficiant essentiellement du moteur de la baisse du yen.
Enfin, sur la zone euro, une rotation sectorielle pourra s’engager au profit des secteurs qui ont particulièrement souffert cette année comme l’automobile puis le secteur bancaire. Nous restons très axés sur les valeurs de croissance mais pas forcément dans les secteurs traditionnels dit de croissance. Nous recherchons des valeurs ayant des avantages compétitifs et de fortes barrières à l’entrée dans tous les secteurs. Cela a été très profitable depuis plusieurs trimestres notamment sur le secteur pétrolier ou celui des services financiers – asset managers, opérateurs de marché – en alternative au secteur bancaire classique. L’exemple des Etats-Unis est particulièrement instructif. En cas de remontée de taux, ce sont uniquement les secteurs de croissance défensifs axés sur l’octroi d’un dividende important qui sont mis à la mal ; les secteurs de croissance cyclique à l’image des valeurs technologiques continuent de très bien fonctionner. Enfin, nous nous intéressons à nouveau aux capitalisations moyennes, centrées notamment sur la consommation domestique.
Nous restons toujours prudent à l’égard du risque crédit, même si le segment high yield est redevenu attractif dans le cadre par exemple de la constitution d’un fonds de portage dit « buy and maintain ». Mais les valorisations actuelles sur les marchés obligataires incitent à ne pas cumuler comme les années précédentes, ce moteur en complément de l’exposition action traditionnelle.
Au total, après notre prudence de début d’année, qui mettait fin à la surexposition de nos portefeuilles depuis la reprise de 2009, une fenêtre de plus court terme s’ouvre de nouveau pour les actifs risqués du fait notamment d’une visibilité accrue sur les créations d’emplois américaines, en liaison avec le retour de l’investissement aux Etats-Unis, qui prolonge leur long cycle de création d’emplois